Fermeture de l’A-20 : une expertise rare était nécessaire

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Par Louis-Philippe Samson
Fermeture de l’A-20 : une expertise rare était nécessaire
L’ingénieur spécialiste en forage horizontal devait déterminer les risques que posaient les cheminées sur la chaussée de l’autoroute Jean-Lesage. (Photo : Gracieuseté)

INGÉNIERIE. Il s’en est fallu de peu pour que la fermeture de l’autoroute 20 ne se prolonge encore plus. Un des deux seuls ingénieurs spécialisé en forage horizontal du gouvernement du Québec a pu se déplacer rapidement sur les lieux afin d’analyser la situation.

Selon le président de l’Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement du Québec (APIGQ), Marc-André Martin, les trois cheminées apparues en bordure et dans le terre-plein de l’autoroute n’étaient que la pointe de l’iceberg.

«Le pavage aurait été en mesure de se soutenir lui-même, mais si un camion-remorque devait circuler sur une route sous laquelle il y a une cheminée, il était assuré qu’il y aurait eu un effondrement. L’ingénieur n’était pas en mesure d’attester qu’il n’y avait pas de cheminée sous le pavage. En connaissant le type de sol dans lequel on avait foré et toutes les autres variables en cause, l’ingénieur est venu à la conclusion qu’il y avait un réel danger pour la chaussée. On ne pouvait pas assurer la sécurité des usagers. La recommandation a été d’excaver en tranchée l’ensemble des deux voies», a expliqué M. Martin, joint par téléphone.

Dans la plupart des cas, une cheminée est une cavité qui se crée dans le sol puis remonte à la surface. Bien souvent, elle est de forme conique. Le trou n’est que la partie visible puisqu’une caverne peut s’être formée en profondeur. Le danger aurait été de ne pas intervenir à temps et que la route s’écroule sous le poids des véhicules.

«Tout indique que le forage, dans l’objectif d’installer une conduite d’eau, est la cause de l’affaissement. Les trois cheminées visibles étaient directement situées au-dessus de la conduite. Une cheminée ne se crée pas par hasard. La cavité s’est créée en raison du forage qui aurait retiré trop de matériel et ainsi créé un vide qui est remonté à la surface», a expliqué M. Martin.

Une expertise rare

L’expertise en forage horizontal était indispensable dans les circonstances. Cependant, il ne s’agit pas de connaissances qui s’acquièrent sur les bancs d’école, a fait valoir Marc-André Martin. «C’est quelque chose qui s’apprend au fil des expériences sur le terrain. La problématique au gouvernement est qu’on n’arrive pas à embaucher des gens qui ont de l’expertise; il faut les former. Une fois formés, ils deviennent attrayants pour d’autres entreprises et on se les fait voler», a-t-il exprimé, pour expliquer que seulement deux ingénieurs étaient en mesure d’intervenir à Drummondville.

D’abord, des ingénieurs en géotechnique ont été dépêchés sur les lieux pour constater l’ampleur et les risques que posaient la présence des cheminées. «L’expert en forage horizontal, lui, devait déterminer les enjeux critiques et les causes de la problématique en cours. Celui-ci pouvait expliquer ce qui s’est passé et ensuite faire les recommandations en conséquence», a communiqué Marc-André Martin.

Puis, l’ingénieur, un citoyen de Québec, était disponible pour intervenir et s’est rendu sur le site le même jour. Le président de l’APIGQ signale qu’il a fallu de la chance pour qu’un des deux ingénieurs puisse se déplacer en si peu de temps.

«Nous sommes actuellement en grève et le mandat d’assurer les services essentiels revient au syndicat. Toutes les équipes qui sont intervenues étaient prévues au sein des services essentiels. Par chance, on avait une expertise pour répondre à la situation, mais elle ne tient qu’à un fil», a prévenu M. Martin, qui a été chargé de contacter les ingénieurs qui sont intervenus.

Travaux supplémentaires

D’autres opérations pourraient avoir lieu dans le secteur. Puisque les réparations ont été réalisées en urgence, certaines normes ont été mises de côté afin que l’autoroute puisse de nouveau être praticable.

«Tout ce qui devait être fait a été fait et bien fait. Il faut garder à l’esprit que ces travaux n’ont pas été réalisés dans une optique de pérennité. Il n’est donc pas écarté qu’il y ait d’autres interventions ou des correctifs au cours des prochains mois ou l’année prochaine. Il y a également quelques finalités dans les approches à l’extérieur des voies pour s’assurer que tout a été bien fait. Ce sera surtout des interventions mineures», a commenté Roxanne Pellerin, porte-parole du ministère des Transports du Québec (MTQ).

Un suivi sera aussi effectué concernant la formation de futures cheminées sur la chaussée, et ce, afin d’éviter que ce genre de situation ne se reproduise pas.

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