Quand deux artistes jouent avec le feu

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Par Louis-Philippe Samson
Quand deux artistes jouent avec le feu
Anthony Desjourdy et Sabrina Fontaine pratiquent l’art du feu depuis plusieurs années. (Photo : Ghyslain Bergeron)

MAGAZINE. Le feu : cet élément destructeur, cet élément dangereux. Pendant que des parents s’époumonent à répéter à leurs enfants de ne pas jouer avec le feu, Sabrina Fontaine et Anthony Desjourdy font tout le contraire.

Ces deux artistes utilisent le feu comme méthode d’expression. Sabrina jongle à l’aide de bolas aussi appelés poï, qui sont de petites masses accrochées au bout d’une chaîne. Un art emprunté aux Maoris de Nouvelle-Zélande. De son côté, Anthony pratique le nunchaku et est cracheur de feu. Tous les deux font partie de L’expérience feu fou, un groupe d’artisans du feu qui évoluent sous la supervision de Stéphane Savoie. Celui-ci a formé, au cours des vingt dernières années, plus d’une centaine d’artisans du feu dans ses écoles de Drummondville et Laval.

Sabrina Fontaine utilise les bolas comme principal instrument lors de ses numéros. (Photo : Ghyslain Bergeron)

L’envie de contrôler un élément reconnu pour son caractère imprévisible est ce qui a poussé Sabrina et Anthony à se lancer dans l’art du feu. Cependant, un numéro se doit d’être préparé au quart de tour. La chimie d’équipe et la coordination deviennent des éléments clés à la réussite d’une prestation. «On va toujours pratiquer nos numéros à plusieurs reprises avant d’utiliser le feu. On doit déterminer nos rôles et s’imprégner de la musique qui accompagne le spectacle», commente Sabrina qui est la seule femme de la troupe.

«Chaque participant doit, avant tout, choisir son instrument, que ce soit les bâtons, les nunchakus, les bolas ou simplement de cracher du feu. On peut comparer un spectacle à une chorégraphie ou à une pièce de théâtre, tout dépendant de ce qui nous est demandé, parce que tout doit être répété avec précision», insiste Anthony.

Être un artiste du feu a également un côté anecdotique. Les deux artistes affirment que, à plusieurs reprises, les gens ne croient pas qu’ils pratiquent cette discipline lorsqu’ils en parlent. «Le feu est quelque chose de dangereux. Lorsqu’on dit aux gens qu’on joue avec du feu, ils ont l’habitude de ne pas le croire. Avec le temps et la pratique, le feu est devenu une passion pour moi», témoigne la jongleuse de 21 ans.

Un art abstrait

Autant le feu permet aux artistes d’exprimer leurs sentiments, autant les numéros permettent au public de créer leur propre histoire. À la manière d’une toile abstraite, les spectateurs peuvent interpréter la prestation à leur manière.

«Mes performances sont teintées par mon humeur. Si je suis de bonne humeur, je serai plus joueur avec la foule; je rendrai mon numéro plus artistique en variant les formes que je crée. Mais si je suis de mauvaise humeur, mes mouvements seront plus rapides, plus secs et plus forts», exprime le cracheur de feu de 18 ans.

Anthony Desjourdy a découvert l’art du feu au Village québécois d’antan. (Photo : Ghyslain Bergeron)

Le son qu’émet le feu lorsqu’il est tournoyé dans les airs est un autre facteur qui a accroché les deux artisans des flammes drummondvillois. «On ressent une vague d’adrénaline en plein spectacle. J’aime beaucoup jouer avec les flammes. Le son du feu qui nous frôle et sa chaleur me donnent l’impression que je le maîtrise. Je peux le traverser avec mes mains sans même me brûler», soutient Sabrina, qui pratique la discipline depuis cinq ans.

Anthony apprécie toujours ses prestations au Village québécois d’antan. L’opportunité de présenter un même numéro à plusieurs reprises lors des événements du Village hanté ou du Village illuminé lui permet de s’améliorer. C’est d’ailleurs à cet endroit qu’il a découvert les arts du feu pour la première fois et il y ressent toujours le plaisir des spectateurs.

«J’éprouve beaucoup de fierté lors des numéros. En spectacle, on a tendance à ne rien entendre sauf notre feu et la musique en raison de notre concentration. Mais chaque fois que je termine un souffle, j’entends toujours la foule qui réagit. C’est très gratifiant», raconte Anthony qui crache du feu depuis bientôt quatre ans.

Précautions nécessaires

Les artisans du feu prennent toutes les précautions nécessaires pour ne courir aucun danger lors de leurs prestations. Ceux-ci s’aspergent généreusement d’une solution ignifuge avant chaque spectacle. De plus, une personne spécialement formée se tient toujours prête à intervenir si un accident devait survenir. Des couvertures antiflammes et des extincteurs se trouvent toujours à proximité. Finalement, les services de sécurité incendie locaux sont prévenus chaque fois à l’approche d’un spectacle.

«La discipline est assurément une des plus grandes qualités que l’on doit avoir. On joue avec le feu, il faut savoir ce que l’on fait. Qu’on le veuille ou non, ça peut nous blesser. Il ne faut pas être stressé ou avoir peur; il y a plus de risque que ça finisse mal dans ces cas-là», termine Anthony Desjourdy.

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