Un code d’éthique et de déontologie qui ne fait pas l’unanimité

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Par Emmanuelle LeBlond
Un code d’éthique et de déontologie qui ne fait pas l’unanimité
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ÉDUCATION. Cinq membres du conseil d’administration du Centre de services scolaire des Chênes (CSSDC) ont démissionné pour exprimer leur désaccord face à l’adoption du Règlement sur les normes d’éthique et de déontologie applicables aux membres d’un conseil d’administration d’un centre de service scolaire francophone.

La présidente du conseil d’administration, Marie Pier Bessette, a déposé sa lettre de démission, mardi soir, tout comme quatre de ses collègues, soit la vice‐présidente, Valérie Lussier, les représentants des parents Dominique Laporte et Vicky Martel, de même que Christophe Milot, membre issu de la communauté.

«Nous sommes tous en désaccord avec le nouveau code d’éthique qui entrera en vigueur le 10 mars. On est tous touchés à des niveaux différents. On a décidé de démissionner en bloc pour faire front commun», exprime Mme Bessette, en précisant que le climat de travail du conseil d’administration n’est pas en cause.

Au mois de mai dernier, le projet de Règlement sur les normes d’éthique et de déontologie applicables aux membres d’un conseil d’administration d’un centre de service scolaire francophone, produit par le ministre de l’Éducation Jean-François Roberge, a été en consultation auprès des organisations scolaires du territoire.

Le conseil d’administration du CSSDC avait soulevé une vingtaine de questions relatives au projet de règlement. Finalement, le tout a été adopté par l’Assemblée nationale du Québec sans grandes modifications, soutient Marie Pier Bessette.

Devoir de loyauté

En tant que parent engagé, Marie Pier Bessette se sent brimée par ce nouveau code d’éthique et de déontologie. Pour siéger sur le conseil d’administration, cette dernière doit aussi s’impliquer dans le conseil d’établissement de l’école de son quartier et le comité de parents du CSSDC. «Cela fait beaucoup de chapeaux différents que je me fais un devoir de porter tous de façon distincte au meilleur des intérêts de chacun des groupes», soutient-elle.

Le nouveau règlement impose aux membres un devoir de loyauté, ce que Marie Pier Bessette dénonce. «Si en tant qu’administratrice du CSSDC il faut que je prenne une décision qui va nuire à l’école de mes enfants, mais que c’est la bonne décision, je vais la prendre. Si avant d’être prise, cette décision va en consultation au comité de parents et au conseil d’établissement, c’est sûr que je ne vais pas l’appuyer. Quand je suis assise au conseil d’établissement, je suis là pour défendre mon école. Il faut que je puisse le faire. Sinon, je ne sers à rien. Il faut que tous mes chapeaux puissent opérer de façon distincte», explique-t-elle, pour illustrer sa situation.

En s’engageant dans le conseil d’administration, il est possible pour Marie Pier Bessette de démissionner de ses autres implications. «Au final, si je ne démissionne pas, je suis bâillonnée partout.» Cette dernière a préféré garder ses engagements dans le milieu scolaire, en quittant ses fonctions de présidente du conseil d’administration.

De plus, la Bonaventuraine est contre le climat de dénonciation qu’encourage le code. «Le membre du conseil d’administration doit dénoncer sans délai au comité tout comportement susceptible de contrevenir au présent règlement, dont il a connaissance ou dont il soupçonne l’existence», est-il écrit dans le document officiel.

Marie Pier Bessette a son point de vue sur le sujet. «Une personne peut avoir une plainte en éthique si elle ne participe pas activement à la séance. Comment fait-on pour déterminer si une personne ne participe pas activement? Chaque personne peut avoir son interprétation et ça laisse place à des dénonciations arbitraires», souligne-t-elle.

Discrétion et confidentialité

Pour sa part, Dominique Laporte considère que le code est restrictif au niveau de la discrétion et de la confidentialité. Selon la nouvelle directive, les membres devront faire preuve de réserve dans leurs commentaires sur les décisions prises par le conseil d’administration.

«Au dernier conseil d’administration, on a parlé du calendrier scolaire. Tous les détails ont été expliqués en atelier de travail. L’atelier de travail permet qu’on s’informe. On a des réponses à chacune de nos questions. Si je n’étais pas sur le conseil d’administration, je n’aurais pas ces réponses. Ce n’est pas public. Les personnes qui assistent aux séances publiques n’ont pas accès à ces informations», explique-t-elle.

«Mon rôle n’est pas de transmettre l’information, sauf que ce n’est pas de prendre position ou de représenter le centre de services scolaire que d’expliquer à un parent le calendrier scolaire. Avec le code de déontologie du Ministère, ça m’est interdit. Si je le fais, je suis sanctionnée», ajoute-t-elle.

Dominique Laporte ne peut pas se permettre d’entacher son dossier professionnel. «Pour moi, une plainte en déontologie brime ma profession. Chaque année, je dois dire si j’ai une plainte contre moi. La plainte n’a pas besoin d’avoir été entendue. Une plainte en déontologie, c’est long. Je dois quand même dire que j’en ai une sur moi. C’est un gros risque.»

Abstention de vote

Christophe Milot s’est engagé sur le conseil d’administration en tant que membre de la communauté pour la tranche d’âge de 18 à 35 ans. La raison de son départ s’explique par la perte du droit d’abstention de vote. «C’est important que les bonnes personnes puissent voter sur les dossiers qu’ils connaissent et que d’autres personnes préfèrent se retirer. Comme membre on fait nos devoirs, mais chaque personne a ses secteurs d’activités principaux et ses compétences principales. C’est important de respecter ça. On devrait avoir la liberté de se prononcer ou non», soutient-il.

La vice-présidente Valérie Lussier et la représentante des parents Vicky Martel se rangent vers l’avis de leurs collègues.

«Je suis triste de partir. J’aurais aimé que mon implication rayonne plus dans mes autres comités, comme le conseil d’établissement de l’école de mes enfants et le comité de parents du CSSDC. On souhaitait que le code nous laisse une certaine liberté. Je ne veux pas me mettre à risque dans mon emploi. Je préfère me retirer alors que ça va bien», conclut Valérie Lussier.

Mentionnons qu’à la suite de ces démissions, le CSSDC devra procéder à des remplacements dans un avenir rapproché. La prochaine séance ordinaire du conseil d’administration est prévue le 15 mars.

La réaction de Lucien Maltais

Par l’entremise d’un communiqué de presse, le directeur général du CSSDC, Lucien Maltais, a commenté la vague de démission un peu plus tôt ce mercredi.

«Nous étions bien conscients des réserves émises au sujet du projet de règlement, mais ces démissions en bloc nous prennent au dépourvu et place notre organisation dans une situation plutôt délicate. En ce sens, je suis extrêmement déçu, d’autant plus que nous n’avons même pas eu l’occasion de discuter de la mise en application du règlement et des appréhensions des membres de notre conseil. Qui plus est, l’an 1 du conseil s’est vécue dans l’harmonie la plus complète et nous pouvons en dire autant de l’an 2 (en cours). J’ai l’intime conviction que chacune et chacun y avaient trouvé leur place, peu importe leur statut, » affirme d’abord M. Maltais.

Il ajoute : «Je crois sincèrement que, prises dans leur contexte, les différentes dispositions du règlement ne constituent pas un défi insurmontable pour nos administrateurs, dans les différents rôles qu’ils souhaitent jouer au sein de notre conseil ou de la communauté éducative. Nous étions tout à fait disposés à bien les accompagner dans ce processus et le sommes toujours. Cela dit, je n’ai d’autre choix que de respecter la décision des membres démissionnaires, bien que celle-ci m’attriste sincèrement.»

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