«On se fait rincer par la SAQ» – Davy Gallant

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Par Louis-Philippe Samson
«On se fait rincer par la SAQ» – Davy Gallant
Davy Gallant et Martin Ruel, propriétaires de la Distillerie du 29 octobre. (Photo : Gracieuseté - archives)

SPIRITUEUX. Les distilleries québécoises peinent à survivre. Les fabricants, comme Davy Gallant, copropriétaire de la Distillerie du 29 octobre de Drummondville, contestent une importante majoration qu’ils doivent remettre à la SAQ lors de la vente de leurs produits. Une situation qui devient des plus insoutenables pendant qu’une grève ralentit les activités de la SAQ.

Le conflit implique l’Union québécoise des microdistilleries (UQMD) et le gouvernement du Québec par l’entremise de la société d’État de la SAQ. L’UQMD dénonce la majoration de 52 % du prix de vente d’une bouteille qui doit être versée à la SAQ même si la vente est effectuée dans la boutique d’un fabricant.

«J’ai un magasin, j’utilise de mon espace et je donne la même majoration à la SAQ. C’est en train de nous étouffer. On a une superbe industrie qui s’établit au Québec. On a des distillateurs qui sont super créatifs et qui font des produits extraordinaires, reconnus mondialement. Mais on se fait ramasser par la SAQ avec cette majoration», a dénoncé Davy Gallant.

En prenant l’exemple de la Distillerie du 29 octobre, lorsque l’entreprise vend une bouteille dans sa propre boutique, elle doit remettre 52 % du montant de la vente à la SAQ même si celle-ci n’a pas été impliquée dans le processus. Mais, lorsqu’une bouteille est vendue en succursale de la SAQ, cette même majoration est prise par la société; ce que les membres de l’UQMD ne contestent pas. Ainsi, contrairement au reste du Canada, où les distillateurs conservent en moyenne 85 % du montant de leurs ventes, les établissements québécois ne récupèrent que 30 % du prix de vente.

À titre comparatif, les vignobles et brasseurs n’ont pas à verser cette majoration. Les distillateurs demandent donc d’être reconnus de la même façon que leurs collègues par la SAQ. Cependant, ils comprennent également que cette majoration représente une importante somme d’argent que la société d’État aimerait conserver.

Les distillateurs se sont fait promettre que des changements seraient apportés en 2024, mais selon Davy Gallant, ces délais sont encore trop longs. «Au Québec, on se fait laver solidement. Puis, on se fait dire, sans cesse, par le gouvernement qu’ils nous entendent, que la situation ne fait pas de sens et qu’ils vont arranger ça. Il ne se passe rien. Ils nous disent qu’il va peut-être avoir de petits changements à la loi d’ici 2024, s’est indigné M. Gallant. On se fait rincer par la SAQ. Ils nous font des promesses, mais ils n’agissent pas.»

D’ailleurs, le président de l’UQMD, Jonathan Roy, a obtenu une période de 20 minutes pour s’adresser à l’Assemblée nationale et faire état de la problématique.

«Nos revendications sont d’arrêter de nous pénaliser avec une majoration. On a tellement une belle industrie. Il faut la mettre en valeur, elle et ses artisans. C’est une chose que le gouvernement ne fait pas en ce moment», a ajouté le distillateur drummondvillois.

Grève douloureuse

Récemment, les employés d’entrepôt de la SAQ ont déclenché une grève qui affecte depuis la chaîne de distribution des produits. Par la nature de la production des microdistillateurs, ceux-ci se retrouvent à être mis de côté par la société d’État.

«Les microdistilleries du Québec, nous faisons des lots de produits. Ce n’est pas un approvisionnement régulier comme les productions à grande échelle que la SAQ achète systématiquement. En ce moment, ils priorisent les achats normalisés. Tout ce qui concerne les lots a été mis de côté pour restocker les tablettes des magasins. Non seulement on est pénalisé sur la majoration; on n’a même plus de service pour le travail qu’ils sont censés faire», a expliqué M. Gallant.

De plus, le temps des Fêtes est très important pour ces producteurs d’alcool. «C’est notre plus grosse période de l’année. Plusieurs personnes cherchent à offrir un bon alcool local. De ne pas avoir les produits disponibles dans les SAQ, ça nous pénalise. Lorsque les gens viendront acheter dans nos boutiques, la SAQ aura le même montant en ne faisant rien pour nous», a insisté Davy Gallant.

Certaines microdistilleries se retrouvent ainsi en danger de devoir fermer leurs portes avec ces pertes de revenus. Depuis près de deux ans, la Distillerie du 29 octobre a eu à traverser plusieurs épreuves. En février 2020, le blocus des chemins de fer a retardé de six semaines la livraison de bouteilles, puis la COVID-19 a éclaté suivie de la lutte à la majoration et maintenant une grève à la SAQ.

«J’ai la chance d’avoir un associé, Martin Ruel, qui peut supporter le projet. Ce ne sont pas toutes les distilleries qui peuvent en dire autant. Il faut faire beaucoup d’investissements pour se lancer dans cette industrie. On devrait être capable, après tout ce travail, de conserver le profit de nos ventes», a signalé Davy Gallant.

Situation méconnue

Le Drummondvillois souhaite faire connaître la situation à un plus grand nombre de personnes. Cela fait déjà six mois que l’UQMD tente de publiciser ses démarches. L’union utilise surtout les médias sociaux pour faire connaître ses demandes.

«On y va assez doucement encore dans nos revendications. On dirait que le gouvernement a tout simplement l’oreille fermée à nos cris. On utilise beaucoup les médias sociaux parce que personne n’est au courant. Personnellement, je pense qu’il faut juste être plus agressif et commencer à faire des manifestations pour que les gens sachent, sans nuire au public», a proposé M. Gallant.

«Il y a une éducation à faire avec le public pour qu’il comprenne les enjeux. Les gens ne savent pas qu’on fait ça par passion parce qu’on se fait manger tout rond par le gouvernement», a conclu Davy Gallant.

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