Du réconfort… à grand coup de museau

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Par Cynthia Martel
Du réconfort… à grand coup de museau
Les séances de zooanimation d’Annie Vincelette fondatrice de Zooris à la vie, procure du bien-être aux résidents, mais il s’agit aussi pour Alicia Mullin d’un projet qui l’aide à cheminer vers son projet de vie. (Photo : Ghyslain Bergeron)

MAGAZINE. Ils se font discrets, sourient rarement et préfèrent la quiétude de leur chambre plutôt que de se mêler aux autres. Mais lorsque les bêtes adorables de la zoothérapeute Annie Vincelette arrivent, leurs visages s’illuminent et soudainement, ils sortent de leur solitude.

Une fois par mois, Annie Vincelette se rend à la ressource intermédiaire St-Charles en compagnie d’une dizaine d’animaux. Sa mission : profiter du moment présent et chasser les soucis des résidents, une clientèle souffrant de problèmes de santé mentale.

Les animaux ont un effet rassembleur et à preuve : depuis la participation de Mme Vincelette, le personnel a été témoin de belles choses.

(Photo Ghyslain Bergeron)

«Je me souviens d’un jour où Annie est allée dans la chambre d’un résident qu’on n’a jamais vu sourire. Elle lui a présenté un petit chien. Rapidement, il a souri et ses yeux se sont remplis d’eau. À quelques reprises aussi, des résidents ont accepté de sortir de leur chambre pour aller flatter ou juste observer les animaux. Ce sont des moments que l’on ne vit pas souvent. Annie est super avec son animation, elle a une très belle approche», exprime Jenny Gareau, superviseure des suivis santé.

L’auteure de ces lignes ainsi que le photographe ont assisté à une rencontre au début de l’automne. À cette occasion, une dame âgée, méfiante, qui ne parle pratiquement jamais et demeure discrète dans sa chambre s’est avancée dans le cadre de porte. Du coin de l’œil, elle observait les animaux, puis elle s’est laissé tenter… jusqu’à prendre un chat et le cajoler durant une quinzaine de minutes.

De son côté, Francine ne rate jamais une séance.

«J’aime beaucoup les animaux, ça me fait beaucoup de bien. Ils nous donnent beaucoup d’amour et semblent nous comprendre», affirme-t-elle.

En plus de Mademoiselle Sally, la chatte, Annie Vincelette, fondatrice de Zooris à la vie, était accompagnée ce jour-là de Molly, un berger blanc suisse, Tom, un caniche croisé avec un bichon, Pique-Nique, un hérisson, Joe, un cockatiel, puis de trois lapins.

La zoothérapeute prend le temps de donner des détails sur les animaux et de discuter avec les résidents et répondre à leurs questions. Certains poilus font également de petites performances.

Durant la zooanimation, les animaux font de petites performances, au grand plaisir des résidents. (Photo Ghyslain Bergeron)

«J’ai une approche facile avec les gens. Souvent, au début de l’animation, les gens sont sérieux, réservés et à la fin, tout le monde parle, est joyeux et pose des questions», indique celle qui a 20 ans d’expérience et possède 14 animaux.

«On profite du moment présent, toute simplement. Je n’ai pas d’informations sur les patients, car je suis plus dans la zooanimation que dans la zoothérapie. Il n’y a donc pas d’intervention ciblée sur les gens qui est faite, pas de suivi. Mon approche s’adapte à tout type de clientèle», ajoute-t-elle, rappelant que les animaux procurent un bienfait relationnel non négligeable.

Mme Vincelette parvient d’ailleurs à mettre en confiance les résidents. Une dame avait peur du cockatiel et refusait qu’il sorte de sa cage. À la fin de la séance, elle a accepté de le flatter et même, de l’avoir sur son bras.

Réinsertion sociale

En plus de propager le bonheur via ses animaux, Annie Vincelette participe depuis quatre ans à un projet visant la réinsertion sociale de jeunes, en collaboration avec le Carrefour jeunesse emploi. Depuis 2019, Alicia Mullin assiste la zoothérapeute à chacune des rencontres à la RI St-Charles, une expérience enrichissante qui la fait cheminer vers son projet de vie : retourner aux études en éducation spécialisée. La jeune femme dans la vingtaine a sollicité l’aide du travailleur social François Boucher il y a quelques années. Après avoir traversé certaines épreuves et rencontré diverses difficultés, celle-ci souhaitait être accompagnée pour faciliter sa transition vers la vie d’adulte et recevoir des outils pour être en mesure de mettre de l’avant son souhait.

Alicia Mullin et Molly. (Photo Ghyslain Bergeron)

«Alicia a vécu beaucoup de choses pas faciles. La route a été ardue, mais elle a travaillé très fort pour atteindre son but», souligne l’intervenant.

«Mon mandat, via le volet Implication du projet Tandem, c’est de développer l’autonomie adulte dans tout ce que ça comporte. Moi, j’accompagne le jeune afin d’éliminer les stresseurs, les traumatismes pour essayer de stabiliser la vie de la personne pour qu’elle soit en mesure d’avoir de l’énergie et une disposition à atteindre son projet de vie et vivre une réussite. Dans le cas qui nous concerne, la zoothérapie, ça permet justement de reprendre contact avec la vie et ça apporte une gratitude. Et la beauté dans tout ça, c’est que ça aide autant Alicia que les résidents», explique M. Boucher.

Son intervention passe notamment par des rencontres individuelles, mais Tandem offre aussi la possibilité de réaliser un projet d’implication sociale selon les intérêts du jeune. Alicia adore les animaux et dit aimer faire du bénévolat. M. Boucher a donc visé juste en lui proposant la zooanimation avec Mme Vincelette. Lors des rencontres, les responsabilités de la jeune femme sont simples et fort agréables : sortir les animaux de leur cage et les mettre dans les paniers pour les offrir aux résidents et, si nécessaire, les brosser et leur offrir de l’eau. Elle prend également du temps pour jaser avec les gens.

«J’aime vraiment ça. C’est un beau sentiment de voir à quel point ça peut faire du bien aux résidents. Les gens s’ouvrent beaucoup une fois l’animal sur eux et on voit aussi l’évolution de certaines personnes. De mon côté, je me sens zen pendant et après les séances. On est bien entouré avec ces bêtes poilues qui sont sans jugement. Ça me permet de décrocher du quotidien en même temps de faire une bonne œuvre. Cette expérience me permet aussi de m’ouvrir davantage», exprime-t-elle, soulignant qu’après ses études en éducation spécialisée, elle souhaite obtenir un baccalauréat en travail social.

Celle-ci estime que le métier de zoothérapeute gagne à être connu.

«On devrait permettre l’accès à ces professionnels et leurs animaux à plus de centres d’hébergement, car ça aiderait beaucoup de personnes».

Par ailleurs, la superviseure des suivis santé à la RI St-Charles, Jenny Gareau, sait à quel point le cheminement par lequel Alicia est passée via le projet Tandem peut être porteur de belles réussites.

«J’ai passé par là il y a quelques années. François m’a grandement accompagnée et ç’a été bénéfique. Je fais maintenant ce que j’aime. Lorsque François m’a approchée pour la collaboration, j’étais emballée», commente-t-elle.

Sans le savoir, les animaux d’Annie Vincelette permettent à bien des personnes de sortir de leur coquille et célébrer de petites victoires.

(Photo Ghyslain Bergeron)
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