Une serre connectée à l’autonomie alimentaire

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Par Louis-Philippe Samson
Une serre connectée à l’autonomie alimentaire
Patrick Plante et Amélie Letendre ont bâti eux-mêmes leur serre. Un processus qu’ils comparent à l’assemblage d’un meuble IKEA. (Photo : Ghyslain Bergeron)

MAGAZINE. Imaginez que vous vous faites une salade. À tout moment, que diriez-vous de pouvoir cueillir vos légumes dans votre cour arrière que ce soit l’été ou l’hiver et profiter d’aliments plus frais que frais? C’est maintenant la réalité d’Amélie Letendre, Patrick Plante et leurs enfants grâce à leur serre autonome.

Le couple drummondvillois n’avait pratiquement aucune expérience en jardinage avant de se lancer dans ce projet. Ils ont bâti leur premier jardin en bacs au printemps 2020 et se sont ensuite lancés dans le projet de la serre au mois de septembre suivant.

«On cherchait à faire une différence; pour nous et pour le monde. Je venais de terminer une année de voyagement au travail en vélo et on mijotait l’idée d’une serre adjacente à la maison pour améliorer notre autonomie alimentaire et manger mieux sans pesticide», raconte Amélie Letendre.

Amélie Letendre apprécie énormément de pouvoir servir des fruits et légumes frais et biologiques à sa famille grâce à la serre. (Photo : Ghyslain Bergeron)

De fil en aiguille, la serre adjacente à la maison évolue en une serre à part pour différentes raisons. C’est aussi en découvrant l’entreprise myfood que le choix s’est arrêté. «C’est une entreprise européenne, mais on préfère encourager local. Mais actuellement, il n’y a pas de systèmes du genre développés de cette façon et qui ont les mêmes avantages plus près de chez nous. Et on voulait un produit qui nous permettrait aussi de promouvoir cette façon de faire», ajoute Patrick Plante.

L’un des défis de la culture en serre, pour le couple, était de bien l’utiliser et de trouver les bonnes informations. «Il y a des défis quand tu ne connais pas ça, que ce n’est pas ton métier, que tu n’as pas étudié le domaine et que tu essaies seulement d’avoir une meilleure alimentation. Malgré tous les groupes Facebook qui existent, il faut chercher la bonne information. Le fait d’être entièrement supporté par des professionnels et des agronomes nous rassurait. On était bien soutenu en cas de pépin pour qu’on réussisse. S’il n’y avait pas eu toute la communauté, les agronomes et le support de l’entreprise, je ne crois pas que je me serais lancée dans l’aquaponie. Ça me faisait vraiment peur», indique Mme Letendre.

Une serre autonome

La serre myfood que possèdent Amélie et Patrick permet la culture verticale en aquaponie, c’est-à-dire que les plants sont dans des tours suspendues à la verticale au-dessus de bassins d’eau dans lesquels vivent des poissons. Ce sont les excréments des poissons rouges, dans ce cas-ci, qui nourrissent les cultures alors que l’eau est pompée vers le haut de la structure et s’égoutte à travers les tubes. Aussi, des bacs de jardinage en permaculture sont disposés sur le périmètre de la serre et ont leur propre réserve d’eau dans laquelle les racines des plants vont s’alimenter.

La culture en aquaponie permet de réduire l’espace nécessaire au sol en cultivant les plants à la verticale. (Photo : Ghyslain Bergeron)

De plus, la serre possède une connexion wifi qui permet un suivi à distance grâce à des capteurs qui mesurent la température de l’air à l’intérieur et à l’extérieur de celle-ci et de l’eau, le taux d’humidité et le ph de l’eau des bacs de culture en aquaponie dont les données sont relayées dans une application mobile. L’application enverra des alertes si des mesures sortent des niveaux de tolérance.

Aussi, des panneaux solaires fournissent l’énergie nécessaire pour alimenter le système d’éclairage, qui vient compléter les besoins des plants en lumière après le coucher du soleil, de même que le filtreur des bassins d’eau et le petit ventilateur. La serre est également équipée de volets qui s’ouvrent automatiquement selon la température dans celle-ci et se referment au besoin.

L’installation permet ainsi de cultiver des aliments durant toute l’année. Un petit poêle aux granules permet de chauffer la pièce lorsque les températures deviennent trop basses. «La serre est autonome durant les quatre saisons. En hiver, elle ne demande pas vraiment d’entretien supplémentaire. La croissance est au ralenti et c’est surtout de la verdure qu’on y plante. Tous les types de choux, le kale, le brocoli, les laitues, les carottes et les fines herbes poussent bien en hiver par exemple», expliquent conjointement Patrick et Amélie. L’environnement fermé permet aussi d’allonger la saison pour certains plants, tels que les tomates.

L’autonomie de la serre réduit le temps nécessaire à son entretien. La serre de 22 mètres carrés de la famille demande environ deux heures de travail chaque semaine. «Au début, on en mettait un peu plus, mais, maintenant, ça se régularise. Il y a des moments où on mettra un peu plus de temps et d’autres où ce sera moins», mentionne M. Plante. Aussi, la serre peut fonctionner jusqu’à trois semaines sans nécessiter d’intervention. Ce qui a permis à la famille de prendre de petites vacances durant l’été sans se soucier de l’état de leurs plants à leur retour.

La serre d’Amélie Letendre et Patrick Plante est à quelques dizaines de pas de leur maison pour bénéficier d’un ensoleillement optimal. (Photo : Ghyslain Bergeron)

Le résultat est que, chaque mois, la serre donne entre 35 et 40 kilogrammes de fruits et légumes tout en utilisant environ 80 % moins d’eau potable qu’un jardin traditionnel. Le couple récupère également l’eau de pluie pour les bassins de poissons.

À l’approche du premier anniversaire de leur serre, les deux cultivateurs domestiques avouent continuer d’en apprendre sur le fonctionnement de leur installation. «En ce moment, on ne maximise pas son rendement parce que, premièrement, il y a encore l’expérience qui rentre. Par exemple, je dois apprendre quand la salade, qui pousse très bien dans les tours, arrive à la fin de sa vie et qu’il faut que je prépare mes autres pousses ? Je me suis déjà fait surprendre par des plants qui ont arrêté de produire sans que je m’y sois préparée», raconte celle qui exerce le métier d’audioprothésiste.

Pour les prochaines générations

Le couple se donne dorénavant comme mission de faire la promotion d’une alimentation autonome. D’ailleurs, Amélie Letendre est entrée en contact avec différentes écoles pour tenter de développer des projets de cultures en serres et en aquaponie.

Les plants de tomates s’épanouissent dans cet environnement alors que plusieurs atteignent le plafond de la serre. (Photo : Ghyslain Bergeron)

«Toutes les nouvelles générations devraient apprendre à cultiver avec l’aquaponie. Au-delà de ça, pour la planète, on a besoin de ramener notre alimentation proche de chez nous. Le Québec fait des efforts pour le faire en finançant des projets de serres industrielles. Mais quand tu as une serre dans ta cour, ce que tu vas chercher n’a pas d’emballage, c’est produit de façon écologique et il n’est pas transporté à l’intérieur d’une chaîne de distribution», énumère Mme Letendre.

Pour promouvoir ce mode de vie, Amélie Letendre et Patrick Plante ont voulu faire de leur serre un modèle entièrement équipé. Ainsi, le couple se fait un plaisir de recevoir des personnes qui souhaitent en apprendre plus sur le fonctionnement et qui désirent se lancer dans l’aventure d’une serre autonome. Il est, d’ailleurs, possible de suivre leurs aventures sur la page Facebook Choisir sa direction.

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