Usine de traitement d’eau potable : un trou de 28 M$

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Par Cynthia Martel
Usine de traitement d’eau potable : un trou de 28 M$
Maquette de la future usine de traitement d’eau potable. (Photo : Ghyslain Bergeron)

MUNICIPAL. Deux mois et demi après la pelletée de terre symbolique, le plus important projet de l’histoire de Drummondville, la reconstruction de l’usine de traitement d’eau potable, est mis sur pause. L’Express a appris que les autorités municipales doivent composer avec une hausse de 28 M$ du coût total.

La Ville de Drummondville devait octroyer le contrat pour la construction de la future infrastructure le 23 août, lors de la dernière séance du conseil municipal, dans l’objectif de débuter les travaux d’ici la fin de l’été. Mais tout est en suspens depuis quelques semaines.

«Ça fait drôle un peu d’avoir fait une pelletée de terre il y a quelques semaines, quand tout le monde le savait qu’il y aurait des dépassements de coûts. Je l’avais dit cette journée-là : «Attendez-vous à plus que ça». Il ne faut pas jouer à l’autruche, on savait qui se passerait de quoi», lance au bout du fil le maire de Drummondville, Alain Carrier.

Estimé à 79,8 M$, le projet est maintenant de l’ordre de 108 M$ selon le plus bas soumissionnaire ayant répondu à l’appel d’offres.

«Le montant que nous avions provenait d’estimations faites à partir d’un montage financier qui datait de quelques années. On s’attendait à une augmentation, mais pas à 108 M$, plus autour de 100 M$. C’est certain que tu ne peux pas avoir des chiffres qui datent de deux ou trois ans et que la journée d’ouverture des soumissions, ils soient les mêmes», expose le maire.

«C’est sûr qu’avec ce qui se passe présentement, le marché a changé. Dans le 108 M$, les gros morceaux, c’est surtout l’acier et toutes les pièces, telles que les pompes, qui ont augmenté drastiquement», ajoute-t-il, laissant savoir que le plus bas soumissionnaire présente un écart de 20 M$ avec le deuxième entrepreneur.

Devant cette situation qui est source de préoccupations, le maire Carrier a interpellé les trois députés de la région afin de trouver une solution financière.

«Est-ce que le provincial peut mettre plus d’argent de même que le fédéral? On a demandé au député [Martin] Champoux de faire des pressions. J’ai déjà parlé avec les députés [Sébastien] Schneeberger et [André] Lamontagne et je leur ai fait savoir qu’il ne fallait pas retourner en soumission, mais plutôt s’asseoir sagement, discuter et voir comment chacun peut mettre des sous dans le projet pour aller de l’avant. Les maisons des aînés coûtent aussi plus cher qu’au départ, mais on n’a pas le choix d’en faire, c’est la même chose pour notre projet. L’usine de filtration, c’est l’eau potable de la ville, on ne peut pas être en rupture, imaginez si demain matin la ville est en rupture, ça ne tient pas debout, ça serait terrible! En tant que maire, je ne veux pas ça. Je rencontre aussi vendredi la ministre des Affaires municipales pour voir qu’est-ce qu’on peut faire», insiste-t-il.

Québec et Ottawa avaient annoncé qu’ils injecteraient conjointement 32,2 M$. Aide évaluée à partir du montant initial de 79,8 M$.

Par ailleurs, le premier magistrat estime que recommencer le processus d’appel d’offres n’améliorera pas le sort du projet.

«Si on rejette toutes les soumissions et on retourne en appel d’offres dans un an, est-ce que ce sera mieux? Ça prendrait une boule de cristal pour le savoir. Moi, en tant qu’entrepreneur, je dirais que ça ne sera pas mieux. On risque de n’avoir aucun joueur qui va soumissionner ou bien il va en avoir juste un et il va mettre le paquet».

D’ailleurs, l’enjeu de la main-d’œuvre et le faible nombre d’entrepreneurs qualifiés pour réaliser ce genre de projets viennent complexifier les choses.

«Je vais vous donner un exemple, Pépin et Fortin qui font présentement le Centre Girardin, on leur a demandé pourquoi ils n’avaient pas soumissionné. Ils nous ont répondu : «Écoutez, on s’est vu attribuer quatre soumissions de résidences pour aînés en même temps, dont celle de Drummondville, donc vous comprendrez que notre équipe est dans l’incapacité de réaliser votre projet pour le moment». Ça, c’est un exemple, mais c’est beaucoup le cas en ce moment», explique le premier magistrat.

Selon lui, la Ville dispose encore d’un peu de temps afin de ne pas compromettre l’échéancier

Alain Carrier, maire de Drummondville, lors de la pelletée de terre symbolique, en juillet dernier. (Photo Ghyslain Bergeron)

«Il n’est pas encore trop tard pour amorcer le projet dans quelques semaines, car il y a des travaux qui peuvent se faire en hiver, lorsque la rivière est basse. On a une petite latitude, je dirais que jusqu’aux Fêtes, on pourrait donner le contrat. Sinon, il va falloir reporter d’un an et on ne veut pas ça», précise avec insistance M. Carrier.

Bien que les équipements fonctionnent au maximum de leur capacité, l’usine actuelle approche de sa fin de vie utile.

«Ça fait assez longtemps qu’on en parle. Quant à moi, il faut trouver une solution (…) Il y a quelques années, on parle de cinq ou six ans environ, et là, je dis ce qu’on m’a rapporté, les gens du ministère étaient venus faire le tour de l’usine et lorsqu’ils sont partis, ils ont fait savoir que l’usine de Drummondville deviendrait la priorité numéro un lorsque les fonds pour les usines de filtration seraient débloqués. Donc si on dit que c’est la priorité numéro un, c’est parce qu’ils avaient constaté la désuétude de l’usine», raconte-t-il.

Chose certaine, les semaines s’annoncent fortes en discussions et négociations pour la Ville de Drummondville.

Rappelons que la nouvelle usine doit non seulement offrir une meilleure qualité de l’eau, mais également permettre d’augmenter la capacité de production, avec un débit de près de 75 000 mètres cubes par jour, pour atteindre près de 90 000 mètres cubes quotidiennement dans un horizon de 30 ans. La capacité actuelle se situe aux alentours de 58 000 mètres cubes par jour.

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