Site d’enfouissement : la Ville et la MRC somment le gouvernement de faire marche arrière

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Par Cynthia Martel
Site d’enfouissement : la Ville et la MRC somment le gouvernement de faire marche arrière
Le maire de Drummondville, Alain Carrier, a présenté de façon succincte le mémoire déposé par la Ville. (Photo : Louis-Philippe Samson)

ENVIRONNEMENT. Le maire de la Ville de Drummondville, Alain Carrier, et la préfète de la MRC de Drummond, Carole Côté, ont sommé le gouvernement à ne pas adopter le projet de décret instituant une zone d’intervention spéciale (ZIS) afin de permettre l’agrandissement du site d’enfouissement de Saint-Nicéphore. Ils ont pris la parole mardi, à l’occasion de la consultation publique organisée par le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC).

«Je vous réitère notre volonté qui est partagée avec la population de Drummondville de ne pas adopter de décret. Nous sommes clairs, nets et précis : c’est non!» a lancé d’entrée de jeu le premier magistrat, soulevant un tonnerre d’applaudissements de la part des 200 citoyens présents.

Pour sa part, Carole Côté a exprimé son étonnement et sa vive déception face à la position du ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charette.

«Ce projet de décret envoie à notre collectivité et à ses élus locaux le message que malgré les efforts déployés au fil des ans pour gérer de façon responsable nos propres matières résiduelles, malgré l’absence d’acceptabilité sociale et, même, malgré des décisions favorables à notre position de la part des tribunaux, nous sommes condamnés à continuer de recevoir les déchets provenant de nombreuses régions du Québec», a-t-elle déploré.

Alain Carrier s’est interrogé aussi sur le fait que ce projet n’ait aucunement fait l’objet d’une nouvelle étude d’impact environnemental et d’un nouveau processus d’évaluation environnementale.

Carole Côté, préfète de la MRC de Drummond, a exprimé son étonnement et sa vive déception face à la position du ministre de l’Environnement, Benoit Charrette. (Photo Louis-Philippe Samson)

Des alternatives

Les élus ont fait valoir qu’il faudrait plutôt mettre l’accent sur les alternatives possibles en adoptant une «vision globale et non ciblée», qui prend en considération les capacités résiduelles des autres sites d’enfouissement de la province.

«Une approche de gestion intégrée des matières par région administrative mettrait fin à cette situation devenue inacceptable. Subir les impacts et les risques engendrés par cette situation qui perdure depuis plus de 35 ans est d’autant plus inacceptable que, pendant ce temps, la Ville de Drummondville a fait preuve d’exemplarité dans ses comportements à l’égard de la gestion de ses matières résiduelles», a suggéré le maire Carrier.

«Nous avons pris les choses en main pour améliorer notre bilan et les gains que nous avons enregistrés à cet égard sont remarquables. Vous comprendrez que cette situation exacerbe le sentiment d’injustice que provoque ce projet de décret», a souligné Mme Côté.

«S’il y a urgence d’agir dans ce dossier, comme le prétend le gouvernement, c’est uniquement parce que celui-ci a attendu trop longtemps avant de planifier la suite des choses», a reproché la préfète, sous les applaudissements nourris de l’audience.

De l’avis de la Ville, le MELCC devrait tenir compte d’autres possibilités que l’agrandissement du lieu d’enfouissement technique du secteur Saint-Nicéphore, notamment l’enfouissement au site de Bury qui a tout récemment demandé une augmentation de ses capacités.

«Si on ne peut pas, selon le ministère, exporter les matières résiduelles à recevoir au LET après septembre 2021, peut-on maximiser les aires d’enfouissement existantes en attendant une réelle solution, en respect de la population et de l’administration municipale de la Ville de Drummondville?» a demandé M. Carrier.

Préoccupations

Celui-ci a pris également soin de détailler les préoccupations manifestes du milieu, comme de possibles contaminations de l’eau potable, la portée territoriale et la durée de la ZIS, des engagements antérieurs de l’exploitant du site (Waste Management), les compensations payables par les municipalités exportatrices de matières résiduelles hors région administrative ainsi que les capacités de son usine de traitement des eaux usées en ce qui a trait à l’azote ammoniacal. À ce sujet, le maire a souligné ceci :

«Votre ministère juge que le traitement de l’azote ne se fait pas adéquatement à l’heure actuelle dans le traitement des eaux usées. Des correctifs sont exigés pour 2022. Je vous rappelle, au passage, que notre usine de traitement des eaux usées a été construite par la Société québécoise d’assainissement des eaux et que le traitement de l’azote ammoniacal découle des normes postérieures à sa construction. Vous comprendrez donc que nous sommes préoccupés par l’apport supplémentaire d’azote qui pourrait être généré par l’agrandissement du site d’enfouissement du secteur Saint-Nicéphore, que ce soit en volume, en intensité, en durée et en fréquence, sachant que ce type d’ouvrage est un générateur important d’eaux usées chargées en azote. Bref, imposer à la Ville de Drummondville un projet susceptible d’augmenter les charges d’eaux usées en azote et en même temps exiger une amélioration du traitement de l’azote semble paradoxal».

Le maire en a également profité pour laisser entendre que ces préoccupations sont partagées non pas seulement par les citoyens, mais aussi par certaines populations voisines, dont les communautés d’Odanak et de Wôlinak.

«Le Grand Conseil de la nation Waban-Aki n’est pas convaincu lui non plus que la continuité des activités du site de Saint-Nicéphore pourrait se faire sans impact sur la rivière Saint-François. Nous avons d’ailleurs reçu une lettre d’appui, puisque la rivière est utilisée à des fins alimentaires, rituelles ou sociales par ces membres. La question de l’eau n’est pas juste sensible à Drummondville».

Si le gouvernement du Québec devait malgré tout aller de l’avant avec le décret, la Ville s’attend à ce que ses préoccupations soient minimalement prises en considération.

«La Loi sur l’aménagement et l’urbanisme prévoit qu’une ZIS est créée dans le but de résoudre un problème d’aménagement ou d’environnement. Dans sa forme actuelle, la ZIS envisagée ne résout rien; c’est plutôt elle qui crée un problème d’aménagement et d’environnement. Nous croyons que dans le cadre d’une mesure aussi exceptionnelle, il est légitime que la considération du gouvernement à l’égard de la population de Drummondville soit proportionnelle», a conclu fermement le maire de la Ville de Drummondville, Alain Carrier.

Soulignons que le comité de consultation au MELCC avait reçu en date du 24 août, près de 125 mémoires / commentaires. Les citoyens ont jusqu’en fin de journée ce mercredi pour déposer le leur.

«L’assemblée de ce soir a pour objectif d’entendre les citoyens, de répondre aux questions et de recueillir les commentaires et préoccupations de chacun. Nous allons ensuite analyser tout le contenu et rédiger le rapport de consultation qui sera par la suite soumis au conseil des ministres. Une décision sera ensuite prise», a expliqué Jean Bissonnette, sous-ministre adjoint aux évaluations et aux autorisations environnementales.

Celui-ci a également rappelé que la ZIS est instituée afin d’éviter un grave problème de gestion et d’élimination des matières résiduelles au Québec.

«La fermeture du site pourrait et créera d’importants enjeux d’hygiène et de salubrité publiques. Aujourd’hui, c’est environ 330 000 tonnes (les derniers chiffres à jour) de matières résiduelles qui sont éliminées dans ce site. À peine 70 000 tonnes pourraient être envoyées dans les autres sites existants au Québec, selon la capacité d’accueil analysée. Cela engendrerait une rupture de service essentiel pour 200 municipalités», a-t-il souligné.

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