Ils ont fait le choix de rapper en français

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Par Louis-Philippe Samson
Ils ont fait le choix de rapper en français
Helmé a fondé le duo Dézuets d’Plingrés avec son partenaire Tehu à Drummondville en 2002. Ils ont sorti un premier opus en 2007. (Photo Ghyslain Bergeron)

MAGAZINE. Originaires de Drummondville, les rappeurs Monk.E et Helmé sont actifs dans le milieu depuis près de 25 ans. Tous les deux utilisent principalement la langue française pour exprimer leur art. Un choix des plus logiques pour les deux artistes.

Selon la publication spécialisée sur la recherche des langages Ethnologue, le français est, en 2021, la 7e langue la plus parlée dans le monde avec 267 millions de locuteurs, ce qui ne représente qu’environ 3,4 % de la population mondiale. Alors, pourquoi les rappeurs ne se tourneraient-ils pas plutôt vers l’anglais, en première place avec ses 1,35 milliard de locuteurs? La réponse est toute simple pour Monk.E et Helmé : c’est leur langue maternelle, celle avec laquelle ils ont tout appris et avec laquelle ils ont grandi.

«Je n’ai pas choisi le français. Je suis né dans une famille francophone et je crois que tous les rappeurs et poètes du monde vont toujours être plus forts dans leur langue première, explique Monk.E, de son vrai nom David Desharnais-Yergeau. Pour moi, ce n’était pas un choix, c’était logique de faire de la musique dans la langue dans laquelle j’ai le vocabulaire le plus fort et le plus bel accent. Ça demeure un choix aujourd’hui de continuer à faire ma musique en français, mais, à la base même, ce n’était pas un choix, c’était une évidence.»

«Pour moi, ça allait de soi justement parce que c’est ma langue maternelle, surtout quand on parle d’authenticité dans ce style de musique. Selon moi, c’est une belle richesse d’être capable de rapper dans plusieurs langues, mais on devrait commencer, du moins, dans sa langue d’origine. Ça m’apparaît naturel si on veut être authentique dans sa démarche», propose Sylvain Lemay, connu sous le nom de Helmé, le rappeur du duo Dézuets d’Plingrés, fondé à Drummondville, en 2002.

Une langue riche

Monk.E pourrait être décrit comme un amoureux du français. Il tente de se servir de chaque outil que lui offre la langue lorsqu’il écrit ses raps. Il aime beaucoup jouer avec les seconds degrés, les métaphores et les doubles sens dans son écriture.

Comme artiste peintre, Monk.E a réalisé plusieurs murales un peu partout dans le monde. Ici, il présente une murale réalisée à Montréal intitulée «La saveur du temps». (Photo Lionel Hally)

«Les assonances et les allitérations sont des outils techniques précieux dans la présentation des œuvres. On a un autre outil très important dans le rap qui est la multisyllabique. C’est une forme de rime qui, au lieu de rimer à une seule syllabe, va parfois rimer à trois, quatre ou cinq syllabes. Les sons vont rimer avec ceux qui sont en parallèle dans la phrase suivante. La langue française est très riche à cause de sa quantité de synonymes, de la beauté, de la précision des mots qui aide à être plus direct sur nos intentions. Le français est devenu en quelque sorte ma boîte à outils avec laquelle j’arrive à construire les images que j’ai envie de laisser aux gens», élabore le rappeur, qui a déjà collaboré avec le Cirque du Soleil au milieu des années 2000.

La richesse des textes par les rimes, les métaphores et même les jeux de mots qui y sont utilisés sont des aspects qui démarquent le rap, selon Helmé. La manière de véhiculer le message à transmettre aura son impact sur les perceptions de l’auditeur.

«Si on compare le rap avec d’autres styles musicaux, souvent, le rap se démarque par la richesse des rimes et des mots qui sont choisis, en raison de la manière qu’on va le verbaliser. Il y a plusieurs rimes dans le rap qu’on verra sur papier et qu’on n’aura pas l’impression qu’elles fonctionnent. C’est vraiment en les entendant qu’elles vont rimer. C’est une question d’assonances parce qu’on va chercher dans la façon qu’on prononce certains mots une rime qu’on ne perçoit pas à l’écrit», enchaîne-t-il.

Créer l’univers

Helmé conçoit sa musique comme un processus technique, où chaque mot a son importance, mais qui doit se faire naturellement. «C’est important de rapper comme on parle, donc d’utiliser les expressions du langage courant. Ça permet vraiment d’aller chercher un texte plus authentique. Dans le rap, c’est moins bien vu d’avoir un auteur qui écrit un texte qu’on va simplement interpréter. Le rap est une musique plus personnelle, d’où l’importance de développer son propre style, ses propres thématiques et se créer un peu un univers à travers ça», indique celui qui possède une maîtrise en sociologie. D’ailleurs son mémoire a porté sur l’analyse des messages dans le rap francophone du Québec.

Étant aussi un artiste peintre, Monk.E se plait à comparer ses œuvres à son rap. Pour lui, les mots et les couleurs sont les principaux vecteurs du message qu’il veut transmettre à son public. «Les mots qui m’aident à pondre mes poèmes sont les couleurs qui me permettent de peindre une toile. Si tu utilises un mot qui n’est pas exact, c’est comme si tu mettais la couleur verte dans le ciel. Ça donne une image inexacte de ce que tu veux communiquer, compare-t-il. Donc, mon choix de vocabulaire et mon choix de champ lexical deviennent la base de ma capacité à créer des ambiances et des émotions. Le sens des mots est une priorité lorsque j’écris.» Monk.E habite aujourd’hui à Montréal où il vit de ses peintures, murales et dessins. Il réinvestit ses profits dans la production de sa musique.

Helmé sortira un premier projet solo l’automne prochain alors qu’un nouvel album de Dézuets d’Plingrés paraîtra d’ici l’été. De son côté, Monk.E demeure actif en participant à un album collectif, Chromaship, disponible depuis le 30 mars. Il présentera aussi un album produit en duo avec un chanteur reggae et un autre qui constituera la suite de son album Le gris imperial. Leur parution est prévue plus tard cette année.

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