Logements insalubres : ce n’est pas la généralité, dit le ministre Lamontagne 

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Par Cynthia Martel
Logements insalubres : ce n’est pas la généralité, dit le ministre Lamontagne 
André Lamontagne . (Photo : Ghyslain Bergeron)

AGRICULTURE. S’il se désole de l’insalubrité des logements dans lesquels vivent des travailleurs temporaires étrangers œuvrant pour les Serres Demers, le député de Johnson et ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, André Lamontagne, assure que cette situation préoccupante ne constitue pas une généralité.  

«De façon très générale, les gens prennent soin de leurs travailleurs étrangers. Ils sont respectueux des normes et des lois. Ce qui se passe, ce n’est pas la règle», a-t-il tenu à préciser au bout du fil. 

En début de semaine, un reportage étoffé de Radio-Canada a révélé les piètres conditions de vie que subissent des travailleurs étrangers à l’emploi du plus important producteur maraîcher du Québec. Moisissure, manque d’espace, eau froide en hiver et odeur nauséabonde sont quelques éléments soulevés qui décrivent l’état des logis situés à Saint-Nicéphore.  

«On entend tellement parler des enjeux de main-d’œuvre et là, on a la chance d’avoir ces travailleurs qui viennent chaque année au Québec travailler fort pour permettre de faire prospérer notre secteur bioalimentaire. Notre première règle, c’est donc d’en prendre soin comme la prunelle de nos yeux. Il faut qu’ils soient traités comme tout le monde, pour ne pas avoir différentes classes de travailleurs. Dans le cas des Serres Demers, il y a eu un grave manquement de ce côté-là. C’est très décevant et fâchant», a-t-il soutenu, tout en indiquant que le dirigeant du fleuron québécois est «très mobilisé pour apporter rapidement tous les correctifs nécessaires».  

À ses dires, les producteurs qui embauchent des travailleurs temporaires étrangers sont réglementés par Service Canada et la Commission sur les normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), notamment. 

«Le CIUSSS a aussi son mot à dire. Il y a des inspections chaque année et les entreprises ont des rapports à fournir, tant au niveau de l’accueil que des logements. C’est bien encadré et ça l’est davantage depuis le début de la pandémie. Sans oublier les organismes, comme FERME Québec (qui est responsable du recrutement), qui sont là pour s’assurer qu’on prend soin des travailleurs étrangers», a indiqué celui qui est également ministre responsable de la région du Centre-du-Québec, en mentionnant qu’environ 2000 entreprises québécoises accueillent 11 000 travailleurs étrangers temporaires annuellement. 

Geovany et Fernando posent ici à la maison en compagnie d’Erika Correa qui les accompagne au quotidien. (Photo Ghyslain Bergeron)

La Feuille verte 

Dany Lefebvre, chef des opérations au Groupe La feuille verte, embauche depuis un an sept Guatémaltèques. Trois autres arriveront dans quelques jours.

«Il sont ici depuis le 5 juin 2020. Avec la COVID, ils sont restés toute l’année et de toute façon, ils ne veulent pas retourner tout de suite dans leur pays et nous, on peut leur offrir du travail l’hiver dans le département de l’emballage». 

Le dirigeant de l’entreprise située à Saint-Cyrille-de-Wendover, dans l’ancien bâtiment de l’abattoir Levinoff-Colbex, sait à quel point cette main-d’œuvre est un privilège sans qui les résultats de production et de ventes ne seraient pas les mêmes.  

«Sans ces gens-là du Guatemala, on ne parviendrait pas à livrer notre proposition de valeurs. Dès le jour un, pour nous, c’était clair qu’on allait prendre soin d’eux (…) C’est tout dans notre intérêt de les garder, de faire en sorte qu’ils veulent revenir», s’est dit d’avis le dirigeant de cette entreprise qui commercialise le chanvre sous différentes marques.  

Les sept ouvriers sont logés dans une maison à étage, à cinq minutes du lieu de travail. Avant leur arrivée, l’entrepreneur a fait exécuter des travaux de rénovation pour adapter la demeure aux futurs besoins des arrivants.  

«La maison a une capacité de dix personnes. On a ajouté des lits, des frigos, des douches, etc. puis on a rafraîchi la maison», a-t-il fait savoir. 

L’Express a d’ailleurs demandé de visiter les lieux, lesquels étaient propres et aérés.  

La Feuille verte représente bien la généralité des producteurs en matière d’accueil de travailleurs étrangers, comme l’a souligné le ministre Lamontagne. 

«On a eu la chance de se faire coacher par la gang du Couvoir Boire bien avant de les accueillir. On a donc été en mesure dès le jour un d’être prêt», expose M. Lefebvre. 

«Notre directrice d’usine, Erika Correa, a été nommée pour les accompagner, les encadrer. Elle leur a fait des horaires pour que chacun participe aux tâches ménagères et elle leur a appris beaucoup de choses, elle est comme leur mère», a-t-il ajouté.  

Ces travailleurs sont traités aux petits oignons. Deux d’entre eux en ont témoigné. 

La maison a une capacité de dix personnes. Pose ici Geovany. (Photo Ghyslain Bergeron)

«Dès mon arrivée, j’ai senti que je faisais partie de l’équipe. Les gens essayaient de dire au moins Hola. Rapidement, on nous a initiés à la culture québécoise en mangeant de la poutine et en vivant l’expérience de la cabane à sucre. Ç’a facilité l’intégration. Si on ne voulait pas rester ici, on serait déjà parti», a exposé Geovany.  

«Je suis heureux depuis que je suis ici. Tout est parfait : la maison, le travail!» a renchéri avec un large sourire Fernando.   

Comme le veut le protocole, des inspections ont été réalisées depuis un an. S’il affirme garder un œil attentif sur les besoins de chacun et s’assurer de la salubrité de la maison, Dany Lefebvre estime qu’il n’est toutefois pas à l’abri d’un manquement.  

«Une situation comme les serres Demers, on ne veut pas que ça arrive, c’est certain, mais on n’est pas à l’abri. Ils (travailleurs étrangers) n’ont pas la même culture. Pour eux, laisser quelques aliments sur le comptoir pendant quelques jours, c’est normal, mais ici, ce n’est pas long que ça peut devenir un lieu insalubre. On a des tableaux de bord, on suit ça de près, car on a besoin de tout notre monde», a-t-il insisté en terminant.  

Projet d’un immeuble à logements 

Le Groupe la Feuille verte, dont le siège social est établi à Saint-Cyrille-de-Wendover depuis bientôt trois ans, connaît une croissance accélérée de sorte que le chef des opérations, Dany Lefebvre, projette qu’à moyen terme, le nombre de travailleurs étrangers doublera. Dans cet objectif, il souhaite faire ériger un immeuble de 24 logements à même le terrain de l’entreprise. 

«On a un site de 10 millions de pieds carrés. On a suffisamment d’espace et l’idée d’avoir de telles installations est de faire en sorte d’offrir une proximité avec le lieu de travail, créer un environnement pour ces travailleurs», a-t-il expliqué. 

«C’est embryonnaire, mais on souhaite réaliser ce projet à court terme, d’ici deux à cinq ans je dirais». 

Tous les employés de la Feuille Verte, incluant les travailleurs étrangers, ont accès à un gym à même les installations de l’entreprise. (Photo Ghyslain Bergeron)
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