Les travailleurs de rue de La Piaule ont redoublé d’effort

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Par Emmanuelle LeBlond
Les travailleurs de rue de La Piaule ont redoublé d’effort
La Piaule est un organisme communautaire qui a pour but d’intervenir auprès des personnes en situation de rue ou en rupture sociale. (Photo : Ghyslain Bergeron)

COMMUNAUTÉ. La Piaule ne s’est pas tourné les pouces durant les derniers mois. Au contraire. Dans un contexte où l’isolement prime, les travailleurs de rue ont redoublé d’efforts pour garder un lien avec leur clientèle. Semaine après semaine, les intervenants sont allés à la rencontre d’autrui dans le but de les soutenir dans les hauts comme dans les bas.

Malgré la crise sanitaire qui sévissait, l’organisme avait la nécessité de se rendre sur le terrain pour aller à la rencontre de la clientèle. «L’idée était de s’adapter. Au départ, si on avait écouté les consignes de télétravail, évidemment qu’on aurait perdu le lien avec tout le monde. Certaines personnes avec qui on est en lien n’ont pas de téléphone. D’autres n’ont toujours pas accès à Internet. La seule façon de les rejoindre était d’aller vers eux», explique le directeur général Francis Lacharité.

Si un moment d’ajustement a été nécessaire, La Piaule est rapidement passé à l’action. Après un léger arrêt, les visites à domicile ont repris de plus belle, tout en respectant les mesures sanitaires imposées. Aux yeux de l’équipe, il était primordial de conserver un contact humain avec leur réseau pour contrer les effets négatifs de l’isolement.

Francis Lacharité, directeur général de La Piaule. (Photo Ghyslain Bergeron)

«On sait que le confinement a des impacts sur la santé mentale. On en parle pour la population en générale…. Imaginez pour les personnes qui avaient déjà une santé mentale fragile. De façon générale, la pandémie est venue exacerber tout ce qui existait déjà. Les gens anxieux sont devenus plus anxieux. Les gens avec une santé mentale fragile se sont davantage désorganisés», exprime-t-il.

«Les personnes qui consommaient se sont mises à consommer davantage et davantage de substances de moins bonne qualité. Dans un contexte de rareté, il y a des substances de moins bonne qualité qui ont circulé. Il y a quand même des risques à ce niveau-là», ajoute-t-il.

Personne n’est à l’abri d’une surdose. La forte consommation d’opioïdes peut être fatale. «On est distributeur de naloxone pour les opioïdes. Si la personne à la trousse, mais qu’elle consomme seule, elle ne peut pas se l’administrer. C’est un autre enjeu», souligne Caroline Guidon, intervenante à La Piaule depuis sept ans.

Une clientèle plus difficile à rejoindre

Caroline Guidon participe au programme Catwoman qui vise à mettre en lien des travailleuses du sexe avec des intervenants, tout en rendant accessible du matériel de protection.

La crise sanitaire a transformé l’approche de la travailleuse de rue, qui entrait en contact avec cette clientèle via les bars de danseuses. «Avec la pandémie, les bars ont fermé. J’ai perdu la trace de beaucoup de monde. Il faut prendre en considération que les filles ne viennent pas nécessairement d’ici. On les voit, mais elles se promènent de ville en ville. Je les voyais toutes les semaines ou presque. Il y avait une relation d’établie et elles avaient peut-être plus le réflexe de me faire signe s’il y avait quelque chose», raconte Caroline Guidon.

Caroline Guidon, travailleuse de rue.(Photo Ghyslain Bergeron)

Un point de rupture s’est produit lors des derniers mois. «Présentement, elles sont plus dures à rejoindre. Les bars sont un milieu particulier. Ce sont des contextes informels. On n’a pas systématiquement les numéros de téléphone et l’adresse de la personne», soutient-elle.

Pour s’adapter à cette nouvelle réalité, un comité régional a été créé, regroupant plusieurs organismes du milieu, dont La Piaule. «On veut essayer de trouver des façons de rejoindre les travailleuses du sexe pendant la pandémie, mentionne-t-elle. Puisqu’on a perdu beaucoup de liens, on pousse le volet web.»

Malgré tout, cette approche à ses limites. La travailleuse de rue reconnaît que le lien de confiance est plus facile à établir lors des rencontres en présentiel qu’en virtuel.

Travailler en équipe

Francis Lacharité souligne que l’esprit de collaboration déployée lors des derniers mois a eu un impact positif sur le milieu. «Il y a eu beaucoup de partenariats durant la dernière année. On est membre de l’Association des Travailleurs et des Travailleuses de rue du Québec. D’ordinaire, on se voit deux fois par année et on a environ six rencontres régionales par année. Depuis le début de la pandémie, il avait tellement d’organismes en travail de rue qui se questionnaient qu’on a commencé à faire des rencontres virtuelles mensuelles», informe-t-il.

Drummondville a d’ailleurs connu une vague de solidarité et d’entraide. «Il y avait un nombre élevé de bénévoles âgés qui étaient au Comptoir alimentaire. À cause de la pandémie, ils ne pouvaient plus faire leur bénévolat. Il y avait une rupture de personnel. On est allé donner un coup de main pendant un mois.»

La Piaule a aussi prêté main forte à la Fondation de la Tablée populaire. «On a une intervenante qui est allée passer une dizaine d’heures par semaine pendant trois mois», précise Francis Lacharité.

Dans tous les cas, l’organisme insiste sur la pertinence de la présence de l’organisme dans la communauté. «On est souvent un des derniers liens avec ces gens-là qui ont des difficultés. Il y a des gens qui se tournent vers nous pour un paquet de situations. Si on n’est plus là, ces gens-là seront encore plus isolés. Ils sont encore plus exclus», conclut le directeur général.

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