Un variant s’invite dans un groupe d’amis et fauche des vies

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Par Lise Tremblay
Un variant s’invite dans un groupe d’amis et fauche des vies
McDonald’s de Drummondville. (Photo : Archives)

COVID-19. André Vincent et Normand Parenteau adoraient aller au McDonald’s tôt le matin pour voir leurs amis et boire un café. Des histoires, ils s’en sont raconté. Des vertes et des pas mûres. Il y a quelques jours, ils ont contracté un variant de la COVID-19. L’un est décédé le 29 avril; l’autre, le 1er mai. Tous leurs amis sont présentement très malades. Deux luttent pour leur vie aux soins intensifs. Et ça, c’est une histoire bien réelle.

Ce groupe de huit amis avait à cœur de respecter les directives sanitaires. Tous portaient le masque et se désinfectaient les mains très souvent. Ils conservaient leurs distances.

La fille de Normand Parenteau, décédé le 1er mai dernier, a expliqué que son père, un homme qui «aimait tellement jaser» était très heureux lorsque les restaurants ont enfin pu rouvrir leurs portes, en mars dernier.

«Il allait là pour se faire du bien. Pour se parler. C’était tellement difficile pour lui la COVID-19. Il avait tellement hâte que les restaurants rouvrent leurs portes pour se voir. Je n’étais pas vraiment à l’aise avec l’idée. J’en avais d’ailleurs discuté avec ma mère, mais c’était ça ou la dépression. La journée où le McDo a rouvert, ils se sont tous appelés. Tout le monde était content de se revoir. C’était une belle petite gang. Ils aimaient raconter des jokes et partager leurs histoires de jeunesse. Bref, c’était un petit bonheur pour eux. Ce n’était pas des rendez-vous obligatoires. Ils y allaient quand ça leur tentait. C’était quelque chose de beau», a exprimé Mme Parenteau, en pleurs.

Son père, qui était âgé de 77 ans, était vacciné. Il avait reçu une dose de Pfizer il y a un mois. Tout comme sa mère.

«Tout le monde dans la famille a attrapé la COVID-19 parce qu’on est allé aider mon père. Il tombait tous les jours. En janvier, il a eu un cancer du poumon. Il était très malade d’avance. On espérait qu’il n’attrape jamais le virus. Il a attrapé un variant», poursuit Mme Parenteau.

Il est entré à l’hôpital le 22 avril dernier. Son état de santé s’est rapidement dégradé. «Ç’a été très vite, raconte sa fille. Quand il a su qu’il avait la COVID-19, il a tout de suite été transféré à Trois-Rivières. Il a été aux soins intensifs, sous respirateur, du mardi au jeudi. Le médecin lui a dit qu’il en avait pour des semaines. Mon père a décidé d’abandonner et de recevoir les soins palliatifs.»

Normand Parenteau était, selon sa fille, un «bon vivant». «Il aimait tellement faire des blagues. Avec lui, c’était une histoire après l’autre. Il aimait parler.»

Retenant difficilement ses sanglots, Mme Parenteau, elle-même affaiblie par le virus, se voit dans l’obligation aujourd’hui d’amorcer un deuil, comme elle le peut.

«C’est assez terrible de vivre un deuil de COVID-19 tous séparés. On est chacun chez nous. Pas capable de serrer ma sœur ni mon frère, car on est tous contagieux. C’est tellement difficile.»

André Vincent

Tout comme son bon ami Normand Parenteau, André Vincent a été emporté par la COVID-19, et ce, très rapidement. À l’aube de ses 74 ans, il avait déjà reçu sa première dose de vaccin et suivait à la lettre les mesures sanitaires.

«Mon frère faisait tout le temps bien attention. Il allait au McDo pour jaser et passer du bon temps, mais pas plus qu’une heure», a fait savoir sa sœur, Nicole Vincent, dévastée et abasourdie par les événements.

La COVID-19 s’est d’abord manifestée par des douleurs au dos, puis des difficultés respiratoires.

«Sa compagne lui a alors conseillé de passer un test, ce qu’il a fait le dimanche (25 avril). Mardi, il ne feelait vraiment pas, donc ma sœur a appelé le 911. À l’hôpital, ils lui ont donné de l’oxygène, mais un moment donné, il l’a enlevé, car il avait trop chaud. Il était capable de fonctionner et l’infirmière lui a même dit de retourner à la maison. Il est revenu à deux heures du matin avec une prescription, parce qu’il avait de l’inflammation aux poumons causée par un début de pneumonie. Mais il a reçu seulement ses médicaments à 16 h, le mercredi. Son état s’est dégradé durant ce temps-là. Avoir su, j’aurais été les chercher avant, moi, ses médicaments, car il attendait de se les faire livrer. Mais le médecin m’a dit que ça n’aurait rien changé, son état était trop avancé. Jeudi (29 avril), j’ai appelé le 911, car il n’allait pas du tout. Il a rapidement été transféré à Trois-Rivières aux soins intensifs», s’est remémorée douloureusement Mme Vincent.

Atteint notamment d’emphysème à un stade léger et souffrant d’apnée du sommeil, André Vincent avait déjà averti ses proches qu’il refuserait d’être intubé si requis.

«Son choix était déjà fait et clair. Il ne voulait pas être intubé, car il avait peur de se retrouver par après en plus mauvaise santé», explique Mme Vincent.

«Le lendemain de son arrivée aux soins intensifs, il m’a appelée pour me dire que ses papiers étaient prêts. Il m’a fait ses adieux… C’est assez difficile, parce que ça s’est fait très, très vite, a-t-elle exprimé, la voix nouée par l’émotion. C’est quand quelqu’un proche de nous l’a (virus), qu’on réalise plus que c’est vrai».

André Vincent a demandé l’aide médicale à mourir. Il est décédé le 29 avril, serein, selon les dires de sa famille.

«Il est maintenant bien où il est. Pour nous, ceux qui restent, c’est extrêmement triste et incompréhensible», a laissé tomber Mme Vincent, qui a refusé qu’on publie une photo du défunt. La même demande a été formulée par la famille de M. Parenteau.

Le dernier café

La dernière fois que le «groupe des huit» s’est rencontré au McDonald’s, c’était vers le 15 avril.

Encore aujourd’hui, plusieurs personnes se demandent comment le virus s’est introduit dans le cercle. Est-ce qu’un employé infecté a malencontreusement transmis la COVID-19 à l’un d’eux? Est-ce qu’un des amis l’avait contractée les heures auparavant? Ces questions ont été adressées à la direction régionale de la santé publique, mais les responsables n’ont pas retourné nos appels.

Du côté du restaurant McDonald’s, on a tôt fait de référer L’Express au siège social de la chaîne, qui soutient avoir collaboré avec la santé publique dans ce dossier.

«J’ai devant moi un avis de la santé publique qui dit que l’enquête épidémiologique a permis de constater que les mesures sanitaires mises en place par le restaurant sont exemplaires. Toujours selon l’avis que nous avons reçue, la source de contamination est essentiellement due à des contacts de clients entre eux. Le but ici n’est pas de pointer des gens. Mais c’est difficile pour nous de jouer à la police et de surveiller les gens quand ils s’assoient pour boire un café», a indiqué Ryma Boussoufa, porte-parole de la chaîne de restauration rapide pour le Canada.

À la suite de la déclaration de ces cas, le restaurant de Drummondville a été fermé durant plusieurs heures pour des travaux de désinfection. Sans préciser si des employés ont contracté la COVID-19 à la suite des huit cas rapportés chez la clientèle, Mme Boussoufa a néanmoins souligné que le restaurant «n’a pas hésité à demander aux employés qui ont été mis en contact avec celle-ci de se placer en isolement et d’aller se faire tester».

(Avec la collaboration de Cynthia Giguère-Martel)

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