Steve Veilleux se confie

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Par Emmanuelle LeBlond
Steve Veilleux se confie
Pour Steve Veilleux, il est important de partager son histoire afin d’aider les autres. (Photo : Ghyslain Bergeron)

MAGAZINE. Steve Veilleux a appris l’an dernier qu’il est atteint d’un trouble bipolaire. Si la nouvelle a été difficile à encaisser, un cheminement intérieur lui a permis d’accepter son diagnostic. Maintenant, le Drummondvillois est prêt à partager son histoire, question de déconstruire les tabous liés à la santé mentale.

Tout remonte à ses problèmes d’insomnie. «Mes insomnies étaient chroniques et par séquences. J’ai consulté à plusieurs reprises, en essayant même la médecine naturelle et l’hypnothérapie. J’ai changé mon hygiène de vie pour tenter de régler mes problèmes. J’étais tanné que ce soit un éternel recommencement. Je me prenais en main. Je dormais mieux. Je pensais que c’était réglé. Ça revenait tout le temps.»

Après plusieurs années, la piste de la bipolarité a été soulevée. «Mon docteur a réalisé que mon insomnie était peut-être une conséquence d’une maladie. J’ai rencontré un psychiatre et on a eu une bonne conversation ensemble. Pendant notre discussion, il m’a interrompu pour me dire que j’étais un cas classique de bipolaire de type deux. Ça a eu l’effet d’un coup de poing», raconte l’homme âgé de 42 ans.

Le Drummondvillois fait partie du groupe de Kaïn depuis plus de 20 ans. (Photo: Ghyslain Bergeron)

Steve Veilleux a dû mettre la conversation sur pause afin d’assimiler ces paroles, qui ont eu l’effet d’une bombe. Ce dernier a éprouvé un certain vertige. «C’est un mot qui est lourd de sens et qui est encore très tabou. Je n’ai jamais eu le réflexe de penser que ça pourrait m’arriver. Génétiquement, j’aurais pu avoir des indices. Il y a des membres de ma famille qui sont atteints de trouble bipolaire.»

Introspection

Dans les jours qui ont suivi, le Drummondvillois a repassé en boucle plusieurs épisodes de sa vie, en relevant les moments euphorisants et déprimants.

«J’ai repensé à toutes les relations, les rencontres et les événements marquants que j’ai eus dans ma vie. Si j’étais dans un high, il fallait que tout le monde le soit. C’était la même chose si j’étais dans une période négative. J’exigeais énormément de mon entourage autant dans mes amitiés que dans ma vie professionnelle», soutient-il.

Soulignons que le trouble bipolaire se caractérise par des périodes d’humeur extrêmement élevée, des humeurs extrêmement basses et des épisodes d’humeur normale.

Steve Veilleux a rapidement réalisé que sa vie était dictée par des cycles précis. «Les fins de semaine où c’était la tournée et la fête, je carburais aux émotions fortes, nourries par la foule. Ce n’était pas la vraie vie de recevoir autant d’attention.»

L’adrénaline coulait dans les veines de l’auteur-compositeur-interprète. Il était habité par un sentiment d’accomplissement et de valorisation sans égal. «Avec Kaïn, on ne s’est jamais fait donner notre place. Il y a toujours fallu travailler. Chaque album, c’est toujours à refaire. Quand on était au sommet, il y avait un grand sentiment de fierté.»

Le retour à la réalité était cependant brutal. «Paradoxalement, on revenait à la maison le lundi. C’était la vraie vie avec les enfants, les factures, l’épicerie et la pelouse. C’était très difficile par moment. Souvent, j’avais un sentiment d’insatisfaction totale qui m’envahissait. J’appelais le gérant ou le producteur pour dire que ce n’était pas à mon goût. J’étais très négatif.»

Assurer un équilibre

Steve Veilleux a compris l’importance d’avoir un équilibre, et ce, dans toutes les sphères de sa vie. «Dans ces années de folies, c’était essoufflant de me côtoyer et c’était essoufflant d’être dans ma peau. Je vivais beaucoup d’angoisse. J’étais tout le temps ailleurs. Je voulais passer du bon temps avec ma famille, mais je me projetais déjà dans la journée du lendemain. Vivre le moment présent représente encore un défi pour moi», affirme-t-il.

Dans les derniers mois, le Drummondvillois a fait le choix de se prendre en main. «J’avais le choix de me traiter ou non. J’ai voulu aller voir cette direction pour savoir comment je dealerais avec mon état. J’ai eu des craintes. Je me demandais si le traitement que j’ai choisi allait m’enlever ma créativité», soutient-il, avec transparence.

Le passionné de musique s’est lancé dans l’aventure d’écrire un album solo. (Photo: Ghyslain Bergeron)

Le passionné de musique s’est lancé dans l’aventure d’écrire un album solo, en pleine pandémie. «Les artistes sont des éternels « insécures ». On est bons pour se remettre en question et de penser que la magie qui flotte au-dessus de notre tête va partir. Pourtant, quand j’ai commencé à écrire, ça s’est super bien passé. Ça a été réconfortant pour moi de constater que l’inspiration est encore là. Plus que jamais.»

De fil en aiguille, dix nouvelles chansons ont vu le jour, à sa grande fierté. «J’ai mis beaucoup de cœur et d’instinct. Les chansons sont très personnelles. Je suis allé ailleurs musicalement. J’ai joué avec d’autres personnes. C’est un album que j’autoproduis indépendamment», précise-t-il.

Acceptation

Après avoir traversé plusieurs questionnements, Steve Veilleux a maintenant à accepter son diagnostic. Il a un regard différent sur son trouble bipolaire. «L’avoir appris aura été au final une excellente nouvelle pour mieux gérer ma maladie. Il n’y a rien de parfait. C’est toujours à refaire, perpétuellement. Il faut juste l’accepter. C’est comme n’importe quelle maladie. Il ne faut pas avoir peur de nous-même.»

Steve Veilleux reconnaît que sa bipolarité lui a permis de forger l’artiste qu’il est devenu. «Cette réalité m’a amené beaucoup de bon. Elle m’a fait déplacer des montagnes lorsque j’en avais besoin. Elle m’aura fait entretenir des amitiés à bout de bras. Il n’y a pas seulement un côté sombre. J’ai toujours été très résilient et travaillant. Ça a amené beaucoup de chansons, encore aujourd’hui.»

Prendre parole

En s’exprimant publiquement, Steve Veilleux espère pouvoir déconstruire les mythes entourant la santé mentale. «Il ne faut pas avoir peur d’en parler et d’aller chercher de l’aide. Pour tous ceux qui ont le jugement facile sur la bipolarité, grattez un peu plus loin. On n’est pas des extraterrestres ou des gens si difficiles à vivre. C’est un état qui nous amène dans différents cycles. Il faut juste toujours se mettre en priorité de nos vies. Quand on s’écoute, ça nous permet de prendre soin davantage de nous.»

La richesse se trouve dans la différence, ajoute l’artiste. «L’unanimité ne fait pas partie de ce monde. Pour moi, ce n’est pas en nourrissant le tabou autour du trouble bipolaire qui va nous faire avancer. Au contraire, il faut en parler. Je n’ai aucunement honte de ça.»

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