Les infirmières crient à l’aide

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Par Lise Tremblay
Les infirmières crient à l’aide
En pleurs, l’infirmière auxiliaire Rebecka Fontaine a remis sa démission au Centre d’hébergement. (Photo : Ghyslain Bergeron)

SANTÉ. Elles étaient nombreuses ce midi à se réunir devant le Centre d’hébergement Frederick-George-Heriot pour pleurer, rager et espérer. Devant un employeur qui fait la sourde oreille, des patients qui requièrent de nombreux soins et des collègues qui tombent au combat, les infirmières et les infirmières auxiliaires de l’institution se disent à bout de souffle.

L’infirmière auxiliaire Rebecka Fontaine fait partie de celles qui ne voient plus la lumière au bout du tunnel. Lors d’une conférence de presse organisée par son syndicat, celle-ci a eu besoin de tout son courage pour prendre la parole, la voix brisée par l’émotion. Elle venait de déposer sa lettre de démission.

Nathalie Perron, présidente du Syndicat des professionnelles en soins de la Mauricie et du Centre-du-Québec. (Photo Ghyslain Bergeron)

«On est tannées. Je travaille cinq jours par semaine et on me rajoute du temps supplémentaire obligatoire (TSO) deux fois par semaine. On a beaucoup trop de patients. On a de la misère à se faire entendre par plus haut. On est épuisées. On n’est plus capable. On a besoin de monde. On crie à l’aide. Je trouve ça vraiment plate de quitter une belle place comme ici, mais à faire autant d’heures par semaine, je ne suis plus capable», a-t-elle exprimé, en s’excusant auprès de ses collègues de quitter le navire alors qu’elles sont déjà trop peu nombreuses à bord.

Mme Fontaine a récemment accepté un nouvel emploi dans une résidence privée de personnes âgées à Victoriaville. Elle va travailler quatre jours par semaine. Aucun temps supplémentaire à l’horizon.

Présentement, le Centre d’hébergement Frederick-George-Heriot fonctionne avec 46 % de son personnel infirmier. Pas moins de 54 % sont sur la touche. La situation est critique, comme l’explique Nathalie Perron, présidente du Syndicat des professionnelles en soins de la Mauricie et du Centre-du-Québec.

«Les conditions sont intenables, affirme-t-elle. En moyenne, les employés doivent faire 100 blocs de temps supplémentaire par mois en plus de 50 blocs de temps supplémentaire obligatoire. C’est invivable et le gouvernement doit entendre le message et faire des changements. Les patients qui se trouvent ici ont besoin d’une qualité de soins et des soins sécuritaires. Présentement, ce n’est pas ce qu’il se passe. Et les professionnelles en soins méritent des conditions décentes, de continuer de travailler et elles méritent qu’on s’occupe de leur santé physique et psychologique, et ce, rapidement.»

Questionnée à savoir si elle a pu identifier des solutions qui viendraient améliorer les conditions de travail de ses anciennes collègues de travail, Rebecka Fontaine a indiqué que des horaires basés sur des quarts de douze heures pourraient être une option à considérer.

«C’est beaucoup, c’est long, mais ça éviterait beaucoup de temps supplémentaire obligatoire. On aurait alors un bon ratio d’infirmières et d’infirmières auxiliaires versus le nombre de patients. Puis, on serait capable de couvrir les horaires au complet», propose-t-elle.

«Nous avons déposé à l’employeur l’équivalent de trois pages de recommandations, incluant cette idée de créer des horaires de douze heures. Ça fait 4 ans et on attend toujours. Là, la situation s’aggrave et on est inquiets», signale Nathalie Perron.

Convention collective
Présentement, le Centre d’hébergement Frederick-George-Heriot fonctionne avec 46 % de son personnel infirmier. (Photo Ghyslain Bergeron)

Infirmière auxiliaire depuis quatre ans au centre d’hébergement, Janny Côté, espère pour sa part le renouvellement de la convention collective, laquelle est échue depuis un an.

«On veut être respectées. Il faut aussi redorer la profession. C’est un super beau métier, mais on n’est pas capable d’avoir des employés, car nos conditions ne sont pas bonnes. Comment voulez-vous qu’on fasse un travail à 100 % de nos capacités quand il manque autant de personnel? Le ratio patients/professionnelles en soins est épouvantable. Les TSO n’en finissent plus. On est brûlées physiquement et mentalement», dis celle qui s’inquiète aussi de l’impact que tout ce surplus de travail aura sur ses enfants. «Depuis plus d’un an, nos vies ont été mises sur pause».

(Photo Ghyslain Bergeron)

Ce vendredi à 14h, une rencontre pour remédier à la situation était prévue avec les représentants du CIUSSS-MCQ. Les attentes étaient grandes. «Le CIUSSS-MCQ ne peut se permettre de laisser d’autres infirmières auxiliaires ou infirmières s’épuiser et devoir s’absenter en maladie en raison des conditions de travail invivables sur le plancher. Chaque professionnelle en soins que l’on perd, c’est une professionnelle en soins de trop», a terminé Mme Perron.

Le CIUSSS-MCQ soutient qu’il commentera la situation sous peu.

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