La descente aux enfers de Jean-François Houle

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Par Marilyne Demers
La descente aux enfers de Jean-François Houle
Jean-François Houle s’est relevé de la maladie. (Photo : Ghyslain Bergeron)

MAGAZINE. Atteint d’une leucémie, Jean-François Houle a frôlé la mort. Lorsque contacté pour partager son histoire, le courage en trame de fond, il a d’abord hésité.

Il y a des personnes qui vivent la guerre, qui quittent leur pays. Eux, font preuve de courage, plaide l’avocat. Lui, courageux? «Je dirais même que j’en ai manqué», soutient-il.

Condamné par la maladie à la chimiothérapie et à environ 125 jours d’hospitalisation entrecoupés en moins d’un an, Jean-François Houle a dû mettre sur pause ses activités personnelles et professionnelles. Il estime que c’est la chance et les compétences de l’équipe médicale qui lui a prodigué ses soins qui lui ont notamment permis de déjouer les pronostics les plus sombres.

Automne 2019, le Drummondvillois a un mode de vie effréné. Lorsqu’il retire sa toge, le juriste en litige porte le chapeau de président de la Commission scolaire des Chênes. Consommateur de manifestations sportives, d’arts vivants, de randonnées en plein air, de lecture, de ski alpin et de ski de fond, il trouve aussi du temps pour ses loisirs.

«J’ai des intérêts multiples. Ça fait partie du bilan que j’ai fait en faisant face à la mort probable. Sans le savoir, comme dans les jeux vidéo, j’ai eu plusieurs vies. J’ai eu une vie de coach de baseball, une vie d’artiste comme chanteur et humoriste, une vie en politique scolaire, une vie d’avocat, une vie d’enseignant en technique juridique pendant une dizaine d’années. Ç’a été au prix de mettre un paquet d’heures», dit l’homme de 57 ans.

Jean-François Houle a été un acteur central de l’organisation du baseball mineur et majeur à Drummondville pendant les années 1980 et début 1990. (Photo: Gracieuseté)

Aussi différentes soient-elles, ses passions ont un point commun. «Le mentorat. J’ai moi-même profité du mentorat de personnes dans la vie et j’ai aussi connu le contraire, c’est-à-dire l’absence de mentorat. Ça m’a beaucoup guidé vers l’idée d’aider. Les autres éléments sont des formes d’expression, qui sont reliées à une croyance que quand tu as des talents et des capacités, il faut que tu t’en serves, que tu en fasses profiter aux autres», souligne-t-il.

Serein
Jean-François Houle a passé par toute une gamme d’émotions – exit le courage – en quelques mois seulement. «Quand j’ai été admis à Trois-Rivières, la première chose qu’on m’a dite, c’est que la leucémie, ça se guérit. On est parti de ça, à la mi-octobre. Il y avait de possibles scénarios qui auraient pu me remettre sur pied en décembre. À ce moment-là, l’espoir était permis», se souvient-il.

«Là où ça s’est gâté, c’est en début décembre, où on a malheureusement constaté l’échec de la première chimiothérapie. On s’est rendu compte de la virulence de la leucémie. Il a fallu mettre un genou par terre. La mort était probable. Je ne peux pas mettre de chiffres, mais il y avait moins de chance que je m’en sorte que je ne m’en sorte pas.»

Un deuxième traitement de chimiothérapie a débuté. «Pendant quelques semaines, ma famille et moi on a été dans la tristesse, mais pas dans la colère. On n’était pas dans l’injustice non plus. Qu’est-ce que vous voulez, les humains meurent. Des fois, on peut se dire pourquoi moi? Dans mon cas, ça été, pourquoi pas moi? J’étais serein, et je le suis encore. À partir du moment où on apprivoise la mort, où on fait un bilan duquel on est fier, ça facilite l’acceptation», philosophe-t-il.

«Ce qui m’a beaucoup aidé aussi, c’est la démystification de la maladie. Je me suis beaucoup documenté. Quand vous comprenez les symptômes, ce qui se passe dans votre corps, ça améliore l’acceptation du phénomène parce qu’on le comprend», ajoute-t-il.

Janvier 2020, Jean-François Houle remonte la pente. «J’ai eu la confirmation que le traitement avait fonctionné. Ce n’était pas tout. Il fallait une greffe de cellules souches, sinon il allait nécessairement y avoir des récidives compte tenu du nombre de cellules cancéreuses que j’avais. C’est là qu’on s’est croisé les doigts pour obtenir une greffe», raconte-t-il.

Un donneur allemand s’est avéré porteur de bonnes nouvelles. «Le 13 mars 2020, on déclenchait l’urgence sanitaire. Pour plusieurs, c’est une date qui a été triste. Pour moi, ç’a été la date du renouveau ni plus ni moins. Celle où j’ai reçu ma greffe.»

Trou noir
Les semaines qui ont suivi la greffe ont été en montagne russe. «La chimiothérapie et tout ce qu’on vous donne comme prétraitement à la greffe mettent à terre complètement. Un moment donné, vous êtes alités. Vous êtes en dénutrition, vous êtes affaiblie, vous avez froid. Vous avez des hallucinations. Vous perdez contact avec la réalité. Je ne me reconnaissais plus. J’avais perdu tous mes repères. L’urgence sanitaire avait été décrétée, il n’y avait pas de visite. J’étais seul avec moi-même. J’ai passé un trou noir, deux semaines extrêmement difficiles», se rappelle-t-il.

Puis, un matin, sans crier gare, Jean-François Houle se sent mieux. «Ça s’est passé quelques jours après ma descente aux enfers. Tout le monde était surpris de voir que je cognais à la porte pour sortir de l’hôpital.»

Après avoir dû passer quelques semaines à Québec, à proximité de l’Hôpital de l’Enfant-Jésus, où les rendez-vous étaient réguliers, le Drummondvillois est finalement rentré à la maison en mai. «Tout a été plus vite que prévu dans la réhabilitation, jusqu’à maintenant. Je devance les pronostics», constate-t-il.

Une autre vie  
Le retour au travail s’est fait graduellement les mois suivants. «Le médecin m’avait dit que je serais probablement un an sans travailler. J’ai recommencé partiellement à l’automne», mentionne l’avocat.

Jean-François Houle. (Photo Ghyslain Bergeron)

Présentement, Jean-François Houle travaille de 35 à 40 heures par semaine. «Je suis à temps plein des gens normaux. Avant, je faisais 75 heures en une semaine. C’était une vie de fou. Le rythme est à peu près de moitié en ce moment, compare-t-il. Le médecin aurait favorisé quelques mois d’arrêts supplémentaires. J’aurais peut-être dû l’écouter. Mais finalement, la grande fatigue que j’ai en fin de journée est compensée par le fait que j’ai été utile, que mon expertise a servi.»

Entre les rendez-vous médicaux toujours à l’agenda et la pratique du droit, Jean-François Houle songe à son avenir. «Quand on vit une expérience comme ça, c’est sûr qu’on se pose la question : qu’est-ce que je vais faire du reste de ma vie? Je me suis rendu compte que j’avais le goût de continuer comme avocat», dit-il.

«Quoi faire après? Je me suis posé plein de questions. Je me suis dit que je voulais retourner dans ma vie. J’ai hâte d’être en haut d’une pente de ski, quelque part en janvier ou en février, alors que j’aurai retrouvé mes quadriceps et que mes stabilisateurs me permettront d’avoir l’équilibre que je n’ai plus maintenant. Là, je vais me dire que je suis pleinement revenu dans ma vie. Après, je verrai pour la suite, réfléchit-il. Je prévois travailler encore cinq ans, mais après, il va y avoir une autre vie.»

Ses réflexions ne sont pas terminées, mais Jean-François Houle sait déjà qu’il veut redonner au suivant. C’est ce qui donne un sens à sa vie.


Extraits de la lettre ouverte écrite par Jean-François Houle en décembre dernier
Après des incontournables séances intensives de chimiothérapie, j’ai bénéficié d’une greffe de cellules souches provenant d’un donneur allemand qui demeurera anonyme. Je suis désormais doté d’un tout nouveau groupe sanguin; l’ADN de mon sang n’a plus rien à voir avec ma propre carte génétique!

Il est stupéfiant de constater que je dois la vie notamment à un inconnu vivant en Allemagne qui a dû consacrer probablement une quinzaine d’heures de son temps pour me fournir des cellules souches. C’est de la bonté à l’état pur. J’appelle tous les jeunes de 18 à 30 ans à considérer le don de cellules souches afin de garnir la banque mondiale.

La médecine me maintient en vie, mais plusieurs d’entre vous ont contribué à soutenir mon moral. Je n’en suis tout simplement pas revenu des très nombreux témoignages d’appui et de reconnaissance que j’ai reçus.

Je souhaite que vous reteniez ceci : si vous connaissez quelqu’un qui est malade ou dans le pétrin, n’hésitez pas à lui témoigner vos encouragements, vous lui ferez un bien insoupçonné. Des cadeaux dématérialisés, mais tellement inoubliables et bienfaisants.

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