La résidence L’Oasis d’Abee forcée de fermer

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Par Cynthia Martel
La résidence L’Oasis d’Abee forcée de fermer
La résidence L’Oasis d’Abee est située sur la rue Saint-Jean. (Photo : Ghyslain Bergeron)

AÎNÉS. Nathalie Beaupré est dans l’incompréhension totale et est consternée depuis le 30 mars dernier, jour où elle a reçu par huissier une lettre du CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec l’informant qu’elle devait fermer les portes de sa résidence privée pour aînés (RPA), L’Oasis d’Abee, le 30 avril.

Ladite lettre indique que son attestation temporaire de conformité est révoquée et qu’elle ne s’est pas qualifiée pour l’obtention du certificat de conformité pour exploiter sa résidence de 13 unités locatives située sur la rue Saint-Jean, à Drummondville.

«Dans la lettre, on ne me donne aucune raison qui justifie la fermeture, mais on indique que dans 30 jours, quand je serai fermée, je les recevrai. Vont-ils les fabriquer d’ici là?», se questionne Nathalie Beaupré.

Contacté par L’Express, le CIUSSS MCQ précise que des problématiques en lien avec la santé et la sécurité des usagers ont été observées, que des difficultés «importantes» de collaborer ont été notées et que certaines mesures sanitaires n’ont pas été respectées.

«Malheureusement, les propriétaires ne se sont pas qualifiés pour obtenir leur certificat de conformité leur permettant d’opérer la RPA et ce, malgré un délai supplémentaire de deux ans et du soutien offert par nos professionnels au cours des dernières années», mentionne par courriel Geneviève Jauron, chef de service aux communications externes au CIUSSS MCQ.

Mme Beaupré est catégorique : «Chez nous, il n’y a jamais, jamais eu de négligence», certifie-t-elle. «J’avais réussi à me distinguer d’autres résidences, car j’offre le service de deux préposés aux bénéficiaires pour 13 résidents. Les gens étaient vraiment, vraiment aux petits soins».

Selon elle, une seule situation en lien avec la santé d’un usager est survenue, mais des nuances doivent être apportées.

«Ça concerne une dame qui fait de l’emphysème et qui est très lucide. Un jour, une infirmière du CLSC a jugé qu’elle devait être hospitalisée, car elle avait de la misère à respirer. Elle a alors attendu 17-18 heures dans un corridor de l’urgence, sans rien à boire ni à manger et sans voir personne avant de demander à son fils de venir la chercher. Trois ou quatre mois plus tard, l’infirmière a encore ordonné de l’envoyer à l’hôpital, mais la résidente ne voulait absolument pas y retourner, car elle ne voulait pas revivre la même chose et en plus avec la COVID, elle avait peur. J’avais alors dit à l’infirmière qu’il fallait respecter son choix, son fils était aussi d’accord, chose qui a causé une discorde avec l’infirmière. Le lendemain, la dame a décidé d’y aller», explique-t-elle.

Pour la question des règles sanitaires, la propriétaire affirme que dans certains protocoles du CIUSSS, il y a des non-sens et que les situations se sont passées au tout début de la pandémie.

«Je me rappelle d’une fois où on voulait me retourner deux résidentes qui étaient hospitalisées depuis décembre. J’avais refusé, le temps qu’un test soit fait et que j’aie plus d’information. Ils n’ont pas aimé que je sois trop sur mes gardes. Un autre exemple : l’infirmière qui rendait visite ici se promenait d’une résidence à l’autre, où il y avait parfois des éclosions et ça nous faisait peur. Donc on demandait de venir le matin et ça les choquait. J’ai aussi vraiment beaucoup dépensé sur l’achat d’équipements, on se protégeait plus que moins, mais ça les insultait, car je ne suivais pas leur protocole. Ils me disaient tout le temps «Tu prends trop de précautions, tu ne suis pas notre protocole»», détaille-t-elle, choquée.

Or, Mme Beaupré s’explique mal pourquoi elle doit faire face à cette situation alors qu’elle fait des pieds et des mains depuis deux ans pour obtenir sa certification.

«J’ai ouvert le 3 mars 2018. J’avais un an pour me conformer à toutes leurs demandes. À l’été 2018, la personne qui s’occupait de mon dossier est partie en congé de maladie, j’ai dû attendre jusqu’en septembre 2019 avant qu’une nouvelle personne prenne connaissance de mon dossier. Comme il y a eu entre-temps des modifications aux lois et procédures, j’ai dû mettre mon dossier à jour. Un mois après, on m’annonçait que je devais passer à la fin novembre devant le comité de certification, mais ç’a été reporté le 18 décembre, sans aucune raison puis encore remis le 23 février 2020. La COVID a alors pris le dessus ce qui a fait que mon dossier n’a jamais passé au comité», raconte-t-elle.

«Voulant que ç’a aboutisse, j’ai fait appel à une adjointe de Marguerite Blais (ministre responsable des Aînés et des proches aidants) qui a discuté avec les personnes qui s’occupent de mon dossier, poursuit-elle. Le 25 janvier 2021, j’ai reçu des nouvelles de l’adjointe de M. Carol Fillion (PDG du CIUSSS) et Marta Acevedo (coordonnatrice aux affaires juridiques) qui m’ont alors indiqué que je recevrais un document avec les choses à modifier et que j’aurais la chance de m’expliquer sur ce qu’on me reproche. Le 9 février, j’ai reçu par huissier un avis d’intention d’annuler la certification temporaire et un avis de refus de délivrer le certificat de conformité. J’ai eu dix jours pour y donner suite, ce que j’ai fait. Je m’attendais à avoir des nouvelles dans les dix jours, mais ç’a été au 30 mars avant que je reçoive des nouvelles, mais pas celles que je m’attendais».

Nathalie Beaupré se dit atterrée par cette décision tout en y voyant de l’acharnement de la part du CIUSSS.

«J’ai mis beaucoup, beaucoup d’énergie, de mon cœur et de ma santé depuis trois ans. Et depuis janvier, ils me font poiroter… C’est vraiment triste. Je suis vraiment épuisée de me battre contre de la bureaucratie… Je trouve qu’il y a un peu d’acharnement du CIUSSS qui vient de M. Fillion. Il n’y a aucun autre CIUSSS au Québec qui ferme des résidences, aucun autre! On est la 5e ou 6e dans la région», souligne-t-elle.

Nathalie Beaupré a dû mal à concevoir que sa résidence fermera ses portes. Ainsi, elle entend entreprendre certaines démarches pour pouvoir à nouveau prendre soin des aînés.

«Les huit employés sont tous offusqués par cette nouvelle et les familles sont sidérées. Ils m’ont tous dit que si je rouvre, ils reviendront», laisse-t-elle savoir.

De son côté, d’ici à la fermeture, le CIUSSS assure la présence de certains professionnels pour accompagner et les exploitants et les résidents et leur famille.

«Le changement de résidence n’est jamais une option à laquelle nous souhaitons arriver, c’est pourquoi nous accompagnons les propriétaires de ressources. Aussi, un accompagnement personnalisé des familles est en cours en ce moment pour la relocalisation vers de nouvelles résidences. Lorsqu’un milieu sera identifié pour accueillir les proches, nos professionnels offriront également le soutien nécessaire pour favoriser une intégration harmonieuse dans le nouveau milieu de vie», explique Geneviève Jauron du CIUSSS MCQ.

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