L’art de fabriquer du savon

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Par Lise Tremblay
L’art de fabriquer du savon
Shirleyanne Goguen-Thibeault, de l’entreprise Savon de campagne, (Photo : Ghyslain Bergeron)

MAGAZINE. Dès qu’on entre dans l’atelier de la petite entreprise Savon de campagne de Sainte-Brigitte-des-Saults, un sentiment de légèreté et de calme nous envahit. Certes y a-t-il ces parfums délicats qui enrobent la boutique, mais il y a aussi ce grand air de la campagne qui donne un coup de fouet et l’envie de mettre la main à la pâte… à savon.

À mon arrivée dans l’atelier, je n’avais aucune idée de la méthode utilisée pour fabriquer des savons, un produit d’usage courant particulièrement depuis les derniers mois. Pour tout dire, je ne m’étais jamais interrogée sur leur composition et j’ai réalisé ce jour-là à quel point il est nécessaire de faire de judicieux choix. Comme on dit, je ne ferai plus gober n’importe quoi à ma peau!

J’ai effectivement été étonnée par la qualité des produits choisis par Shirleyanne Goguen-Thibeault, qui a démarré Savon de campagne il y a neuf ans. Laits variés puis huiles d’olive, de coco, de ricin et de tournesol biologiques entrent notamment dans la composition de ses produits cosmétiques, tels que savons, crèmes, baumes, sels de bain, shampooings, etc. Est-ce que les ingrédients sont aussi naturels dans les produits achetés en magasin? J’en doute, bien qu’il ne faille pas généraliser.

L’atelier, c’est parti!

Assez discuté! On protège nos vêtements avec des tabliers et on amorce le travail de fabriquer une cinquantaine de savons.

Avec habileté, Shirleyanne fait ses derniers calculs et note sur un bout de papier la quantité de chacun des ingrédients qu’il faudra inclure à la recette. À première vue, c’est comme si on cuisinait un gâteau!

Elle fait les derniers calculs de la recette. (Photo Ghyslain Bergeron)

«Avant toute chose, il faut choisir la texture du savon. Est-ce qu’on le veut liquide ou solide? Ensuite, il faut choisir le surgraissage, soit la proportion de gras non transformé qu’on souhaite avoir dans le produit final. C’est ce qui viendra hydrater et nourrir la peau. Si ce pourcentage est trop élevé, la barre sera trop molle et elle moussera moins. Il faut bien calculer!», lance Mme Goguen-Thibeault, qui jongle généralement avec un pourcentage de 5 % de surgraissage.

Une fois la recette clarifiée, elle amorce le travail en mélangeant la soude caustique et l’eau dans un contenant de plastique rigide. Rapidement, une réaction chimique s’ensuit. Le mélange devient très chaud et il faut l’agiter régulièrement pour éviter que tout ne fige. La prudence est de mise, tant pour la peau, les yeux que les voies respiratoires. Dès cette étape, je réalise que je ne fabriquerai jamais de pains de savon chez moi. Ça prend réellement un endroit dédié de même que de la vaisselle et des ustensiles réservés pour la chose.

De mon côté, ma mission consiste à mesurer et à mélanger dans un grand chaudron métallique les autres composantes. J’ajoute donc plus d’un kilogramme de beurre de karité, la même quantité de beurre de cacao (ça sentait le ciel!) puis plusieurs millilitres de grignon d’huile d’olive, d’huile de ricin (aussi appelée huile de castor) et ma préférée d’entre toutes : l’huile de tournesol produite à quelques kilomètres de Drummondville.

Ensuite, je fais fondre tous ces ingrédients à feu doux sur une cuisinière en m’assurant qu’ils atteignent une température d’environ 70 degrés Celsius.

L’étape du moulage des savons. (Photo Ghyslain Bergeron)

Puis, nous voilà presque rendus à l’étape de la saponification. Mais avant, il faut gratter avec vigueur toutes les traces du mélange d’eau et de soude caustique qui ont laissé un large cerne à l’intérieur du contenant puis ajouter un ingrédient secret (une demande du chef!). Ensuite, on verse le tout dans le chaudron métallique et on agite vigoureusement le contenu à l’aide d’un pied mélangeur électrique en prenant soin d’inclure quelques millilitres de fragrance. J’ai choisi la mandarine… pour son pep!

Rapidement, ses arômes flottent dans l’atelier et nous voilà fins prêtes à verser le mélange dans les moules de silicone. Il faut faire vite : la saponification est débutée. Selon notre hôtesse, nous n’avons que cinq minutes pour compléter l’étape finale qui consiste à mouler et à finaliser la décoration des pains de savon. En deux temps, trois mouvements, on ajoute un filet de colorant orange vif sur les savons puis on laisse échapper des paillettes blanches, quelques fleurs des champs séchées puis des morceaux de pamplemousse séchés. Le résultat est saisissant! À quand déjà ma prochaine douche?

Trêve de plaisanteries, ces savons ne pourront pas être utilisés avant deux mois, soit avant que toute l’eau ne s’évapore complètement de ceux-ci. Ils deviendront alors plus fermes et plus résistants à l’eau.

Quelques produits de l’entreprise de Sainte-Brigitte-des-Saults. (Photo Ghyslain Bergeron)

«J’ai été très surpris par la complexité de la fabrication des savons. Je ne m’attendais pas à ça. Je comprends maintenant pourquoi certains produits artisanaux sont aussi dispendieux», a partagé Ghyslain Bergeron, mon collègue photographe qui a participé à ce «Testé pour vous».

De fait, Shirleyanne Goguen-Thibeault investit de nombreuses heures dans la recherche des meilleurs ingrédients qui entrent dans la composition de ses produits. À ses yeux, moins le produit est transformé, plus il conserve ses propriétés tellement bénéfiques pour la peau et le corps. Quand cela est possible, elle choisit des produits biologiques, crus, locaux et livrés en vrac, pour réduire au maximum la quantité de plastique utilisé.

Les pains de savon ont été parfumés à la mandarine et décorés avec des fleurs des champs séchés puis des tranches de pamplemousse. (Photo Ghyslain Bergeron)

Du Château Frontenac à Sainte-Brigitte-des-Saults

Shirleyanne Goguen-Thibeault a étudié à l’Institut de technologie agroalimentaire de Saint-Hyacinthe puis a complété un diplôme d’études professionnelles en pâtisserie qui l’a menée à travailler au Château Frontenac de Québec. Elle a décidé de se lancer dans la fabrication de savons peu après avoir réalisé un stage très bénéfique chez une artisane de l’Île-du-Prince-Édouard. Durant quelques semaines, elle a consolidé son amour de la campagne puis a aiguisé ses compétences liées à la fabrication de produits cosmétiques. Elle a lancé son entreprise en 2012 à Sainte-Brigitte-des-Saults. L’an dernier, elle a triplé sa superficie. On peut consulter son site web à cette adresse : savondecampagne.ca

Quelques conseils pour fabriquer du savon à la maison

-Protéger ses vêtements avec un tablier, protéger ses yeux et vêtir des gants à usage unique.

-Éviter d’en fabriquer avec les enfants étant donné l’utilisation de la soude caustique.

-Prévoir des ustensiles et de la vaisselle dédiés uniquement à cette fabrication.

-Pour calculer le surgraissage dans les savons, des grilles sont disponibles sur Internet et donnent un bon coup de pouce.

-Ne jamais prendre l’eau du robinet. L’eau distillée est préférable pour fabriquer des savons.

-Prévoir un évier rempli d’eau chaude savonneuse au cas où le mélange de caustique entrerait en contact avec sa peau et qu’un nettoyage rapide serait nécessaire.

Le résultat. (Photo Ghyslain Bergeron)

 

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