«C’est un monde parallèle» – Nathalie Plourde, préposée aux bénéficiaires à Frederick-George-Heriot

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Par Cynthia Martel
«C’est un monde parallèle» – Nathalie Plourde, préposée aux bénéficiaires à Frederick-George-Heriot
À 53 ans, Nathalie Plourde est devenue préposée aux bénéficiaires à Frederick-George-Heriot, à la suite de la formation express mise sur pied pour contribuer à l’effort collectif pour contrer la crise de la COVID-19. (Photo : Gracieuseté)

COVID-19. Il y a huit mois, l’appel de François Legault pour former 10 000 préposés aux bénéficiaires (PAB) a résonné très fort chez Nathalie Plourde. Une formation express, une infection à la COVID-19 et une éclosion plus tard, la Drummondvilloise n’éprouve aucun regret.

Éducatrice en milieu scolaire durant 15 ans, Nathalie Plourde avait choisi de faire un changement de cap quelques mois avant que frappe la pandémie.

«J’ai abandonné mon poste en service de garde car c’était devenu très lourd. J’avais décidé de me diriger vers la restauration, parce que je trouvais que ça avait l’air d’un milieu le fun. J’ai fait six mois et la COVID est arrivée», raconte-t-elle.

«Lorsque M. Legault a lancé l’appel, ça m’a vraiment interpellé. Je me rappelle m’être dit : «Tu es chez vous en train de faire ton pain de Ricardo et tu reçois la PCU (prestation canadienne d’urgence) et eux (travailleurs de la santé) sont dans le rush. Il faut que tu fasses quelque chose!» Aider les gens, ça fait partie de moi, donc j’ai tout de suite fait ma demande en étant convaincue que j’allais être sélectionnée. Ç’a été le cas, car le 13 juin, j’avais un appel comme quoi j’étais prise», se remémore la femme de 53 ans.

Il y a longtemps que la Drummondvilloise souhaitait retourner sur les bancs d’école et elle n’a pas été déçue.

«J’ai toujours aimé aller à l’école et ça me manquait. La petite élève en moi somnolait! C’était intense, car au lieu de faire la formation en 10 mois, c’était trois mois, mais je n’ai pas eu de difficulté. En plus, j’ai rencontré des gens extraordinaires et les professeurs étaient très dynamiques et on voyait qu’ils aimaient leurs élèves et enseigner. Ils voulaient qu’on réussisse. Sur toute la ligne, ç’a été une super expérience», témoigne-t-elle.

En septembre dernier, après trois mois de formation et de stages, Nathalie Plourde a intégré l’équipe de l’unité 3e Nord côté du CHSLD Frederick-George-Heriot.

«Il s’agit de l’unité en psychogériatrie. On y soigne des gens qui font de la démence et de l’Alzheimer. S’ajoute de l’errance pour plusieurs d’entre eux. Avec ma formation, je n’étais pas supposée être sur cette unité, mais il manquait tellement de personnel que certains d’entre nous ont été appelés à y aller. On a donc reçu une formation supplémentaire sur place», indique la dynamique préposée.

Le choc

Malgré tout ce qu’elle avait déjà pu entendre sur la réalité en CHSLD, Nathalie Plourde reconnaît avoir été ébranlée la première fois qu’elle a mis les pieds à l’intérieur du CHSLD.

«Ç’a été un choc quand je suis arrivée sur place. Je suis arrivée avec les épaules crispées et quand j’ai terminé ma journée, tout s’est relâché», expose-t-elle.

«C’est vraiment un monde parallèle : il y a des gens en fauteuil gériatrique, d’autres sont alités. J’ai vu pour la première fois des civières-douches, je ne savais pas que ça existait. Tu vois des choses que tu ne penserais jamais voir. Oui, la majorité est des personnes âgées, mais il y a des plus jeunes aussi. C’est déstabilisant et très triste», relate-t-elle.

Elle ne se cache pas pour dire que les premiers jours ont été éprouvants et qu’elle a accompli son travail non sans crainte.

«Je me posais la question : «Est-ce que je vais être capable de combattre tout ça?» Mais oui, j’ai réussi. Parfois, il y a des résidents qui nous font rire, qui nous donnent une petite joie de vivre, ça fait la différence. Je réussis à trouver mon équilibre malgré tout», laisse entendre la femme altruiste.

Par ailleurs, Mme Plourde s’estime chanceuse, car le climat de travail sur son unité est agréable et un bel esprit d’équipe y règne.

«On s’entend vraiment bien. Tout le monde s’entraide. C’est sûr qu’au début, les employés ont eu peur de nous autres, dans le sens qu’ils se demandaient comment on ferait pour faire le travail avec le peu de formation reçue. Mais malgré tout, on a reçu un bel accueil et on s’est senti impliqué. Je connais des gens qui ont intégré les équipes des autres étages pour qui ç’a été plus difficile, beaucoup plus tendu», fait-elle savoir.

Éclosion

À son arrivée et jusqu’en janvier, l’unité comptant 36 résidents était toujours saine, c’est-à-dire qu’elle n’avait pas été frappée par une éclosion. Le 7 janvier, Nathalie Plourde a commencé à éprouver les symptômes de la COVID-19. Le diagnostic s’est avéré positif.

«Quelques jours avant, comme le prévoit le protocole, j’ai dû aller en renfort au 2e Nord paradis où il y avait une éclosion. Il manquait de personnel. J’ai contracté le virus à ce moment. C’était la première fois en plus que j’étais transférée vers une autre unité», indique celle qui a relativement bien combattu la COVID-19.

Durant son congé forcé, une éclosion est survenue sur son unité.

«À mon retour, c’était un tout autre département. C’était méconnaissable, tout était réaménagé. Les résidents étaient tous confinés dans leur chambre (…) Malgré leur état, certains s’en rendent compte, donc ils sont plus agressifs. Ils cognent ou frappent dans la porte de leur chambre. Ce n’est pas drôle», détaille-t-elle, en soulignant que malheureusement huit usagers sont décédés.

Jamais Mme Plourde n’a craint pour sa santé ou sa sécurité. Elle n’a qu’un seul objectif en tête : soigner les usagers et leur procurer un certain bien-être, peu importe la situation. Elle affirme que tout est mis en place côté prévention.

«Je ne suis pas craintive. À la guerre comme à la guerre!» lance-t-elle.

«Et je n’ai jamais senti que les gens sur le plancher étaient réticents, se plaignaient malgré le stress de certains. On ne sent pas la peur.

On fait notre travail, c’est tout et avec dévouement. On est vraiment fait fort! C’est beau de nous voir aller. On vit de beaux moments malgré la détresse et la maladie», conclut-elle le sourire et la fierté dans la voix.

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