Les «fous» de la forêt

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Par Lise Tremblay
Les «fous» de la forêt
Alain Blanchette et Slimane Belhocine ont consacré bénévolement des milliers d’heures dans des travaux d’amélioration à La Plaine. (Photo : Ghyslain Bergeron)

FORÊT. Dès que le soleil se lève sur les milliers d’arbres qui enrichissent La Plaine, une forêt de 2,3 kilomètres carrés située à Saint-Majorique-de-Grantham, les retraités Alain Blanchette et Slimane Belhocine empoignent leur manteau chaud, fins prêts à contribuer à l’amélioration de cet environnement qu’ils qualifient d’extraordinaire.

«Les gens qui nous connaissent nous appellent les fous de la forêt. On est toujours ici», rigole Alain Blanchette, qui a toujours en tête des tâches à accomplir dans cette nature, allant du redressement d’un ponceau, de la construction d’un banc ou même de l’identification des sentiers, une tâche qui a été accomplie tout récemment pour éviter que des randonneurs ne s’égarent.

À eux seuls, Alain Blanchette et Slimane Belhocine ont investi des milliers d’heures dans la forêt, et ce, totalement bénévolement et d’une façon entièrement autonome.

«La forêt a une vie. Elle a une âme. Elle a ses protecteurs et ses bénévoles qui la protègent avec amour et passion. On travaille ici parce qu’on aime ça», résume M. Belhocine, un Drummondvillois d’origine algérienne, droit comme un chêne malgré ses 72 printemps.

Les bénévoles ont réparé notamment les trottoirs de bois puis fabriquer des bancs avec du bois récupéré. (Photo Ghyslain Bergeron)

«Je viens ici depuis 2013. Je me souviens qu’à l’époque, il y a avait une pancarte «À vos risques et périls». Ça m’avait vraiment frappé. J’avais aussi croisé un couple de Français qui s’était perdu. Je n’en revenais pas. Vous savez, c’est super beau ici! Si des bénévoles ne s’étaient pas mis ensemble pour faire des réparations, je ne sais pas à quoi ça ressemblerait aujourd’hui», exprime-t-il.

Par moment, ils étaient huit à travailler bénévolement pour remettre à niveau les différents sentiers qui serpentent cet espace de vie. Aujourd’hui, seuls Alain Blanchette et M. Belhocine poursuivent ce travail, par passion, insistent-ils.

«On fait ça pour les gens, mais aussi pour le plaisir. On ne demande rien à personne et personne ne sait vraiment ce qu’on fait ici. On fournit nos outils. Parfois, on achète des clous et on transporte le bois sur nos épaules, car on ne peut pas utiliser de véhicules pour aller dans les sentiers. Pour le bois, on récupère celui de la forêt et, parfois, la municipalité nous en apporte. On utilise surtout du bois récupéré.»

«Des fois, j’ai des amis qui me donnent des planches qui sont encore bonnes, du bois de patio, par exemple. Je le prends et je l’utilise ici. Je trouve ça valorisant de faire ça», ajoute M. Blanchette, 65 ans.

La liste des travaux qui a été réalisée est considérable (voir tableau ci-dessous) et plus que jamais visible par quiconque se plaît à aller se promener à cet endroit.

«Les sentiers avaient été balisés pour la première fois il y a sept ans. Il fallait donc remplacer les balises manquantes et décolorées par le temps. Nous avons tout refait, ce qui a nécessité qu’on trouve du coroplast, qu’on le découpe, qu’on les peigne et qu’on les installe», explique M. Belhocine.

L’étendue du travail réalisé a été exposée à l’auteure de ces lignes durant une promenade dans les bois. «As-tu vu ce gros pin? C’est le plus vieux de toute la forêt. On a fabriqué un banc rustique en dessous pour que les gens puissent en profiter et venir méditer», lance Alain Blanchette, fier de tous ces accomplissements.

Ils ont récemment aménagé un nouveau sentier baptisé Le Vieux sage. (Photo Ghyslain Bergeron)

De surcroît, les hommes ont créé un tout nouveau sentier, qu’ils ont baptisé Le Vieux sage, une première nouveauté depuis belle lurette pour cette forêt aménagée dans les années 1980. En l’empruntant, on peut justement découvrir ce fameux grand pin, le roi incontesté de La Plaine. «Ce sentier est l’idée d’Alain [Blanchette]. Il voulait faire revivre l’histoire des premiers habitants de ce secteur puisqu’on peut encore apercevoir les fondations d’anciennes maisons. Nous aimerions éventuellement entreprendre des recherches pour retracer les familles qui y ont vécu. On pourrait alors apposer des plaques commémoratives», ont exposé MM Blanchette et Belhocine.

Ayant à cœur cet espace, le duo de «castors bricoleurs» ne tient plus en place lorsqu’il parle de son avenir. Ils ont la tête pleine de rêves et de projets.

Ils aimeraient notamment qu’un étudiant en aménagement du territoire s’intéresse à cette forêt et qu’il entreprenne un projet pour réhabiliter l’étang aux castors, qui est incommodé par une espèce envahissante, le roseau commun. Ainsi, les gens qui se rendent l’observatoire aux castors pourraient éventuellement espérer y apercevoir l’animal vedette des lieux.

Les hommes envisagent aussi de rénover la toiture du panneau principal que l’on retrouve à l’entrée du parc, toujours avec du bois recyclé, puis restaurer l’observatoire qui offre une vue imprenable sur la rivière Saint-François, tout près du stationnement.

Dans un tout autre ordre d’idée, ils caressent aussi le projet de créer un autre sentier, qui partirait de la halte jusqu’au rond-point du sanctuaire, situé à quelques kilomètres de La Plaine, en empruntant le mythique sentier de Claude [Hébert] qui longe la rivière. «Des artistes pourraient contribuer en y exposant des œuvres, de la poésie ou autres», poursuit Slimane Belhocine, emballé.

(Photo Ghyslain Bergeron)

Évidemment, ces bénévoles n’ont pas la prétention de pouvoir tout faire seuls. Ils espèrent éventuellement que d’autres personnes viendront leur prêter main-forte ou amèneront leurs idées pour améliorer davantage ce lieu très fréquenté par les amateurs de plein air de la région.

«Il y a tellement à faire», concluent-ils.

  • Exemples de travaux réalisés par les bénévoles
  • Création d’un nouveau sentier baptisé Le Vieux sage;
  • Sécurisation de l’observatoire de castors, réparation de l’escalier, remplacement de barreaux et de planches;
  • Réparation d’un ponceau où deux structures de bois ont cédé en raison de la pourriture (sentier Le Rustique);
  • Déplacement d’un ponceau qui a été inondé et reconstruction de celui-ci (sentier Raccourci);
  • Délestage de la digue de castors pour abaisser le niveau d’eau (sentier Le Rustique);
  • Redressement, mise à niveau et remplacement de planches de trottoirs en bois (sentier Les Ancêtres);
  • Déplacement d’une passerelle qui avait été relevée par les racines d’un grand arbre (sentier l’Intermittent);
  • Remplacement de planches de cinq pieds (sentier Le Sylvicole);
  • Remplacement de planches d’un abri qui a été incendié (sentier Le Rustique).

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