DÉNONCIATIONS. Selon Jocelyne Desjardins, intervenante pour le CALACS La Passerelle de Drummondville, l’acquittement de Gilbert Rozon et Éric Salvail met en lumière les failles du système judiciaire en matière de violences sexuelles.
Après Gilbert Rozon, qui a été acquitté de viol et d’attentat à la pudeur ce mardi, Éric Salvail a eu le même verdict à la suite de son procès pour agression sexuelle, séquestration et harcèlement, vendredi, au palais de justice de Montréal. Soulignons que ces cas sont les deux plus importants dossiers du mouvement #MeToo.
«Le monde juridique est toujours aussi étonné du faible taux de plainte à la police, un maigre 5%. Quand les victimes voient de quelle façon la mise à nu de leur drame est fait sur la place publique, quand elles constatent de quelle manière la défense travaille à invalider la parole qu’elles ont eu tant de peine à prendre et de quelle façon le procès se termine, comment voulez-vous qu’elles réagissent?», s’exclame Mme Desjardins.
Règle générale, les victimes ne sont pas portées à dénoncer leur agresseur à cause des lourdeurs du processus judiciaire et la remise en doute de leur témoignage, indique Mme Desjardins. La principale stratégie de la défense est de contrer les accusations et de montrer que la victime n’est pas crédible, mentionne-t-elle.
«Une des blessures premières faites aux victimes d’agression sexuelle, c’est qu’elles ne sont pas crues et qu’elles ne valent rien. Avec les procédures, ça vient planter le clou. Ça vient creuser la blessure pour beaucoup de femmes. Si elles décident de porter plainte, elles doivent avoir une bonne préparation.»
L’envers de la médaille
Les acquittements prononcés cette semaine peuvent entraîner un effet négatif à la fois sur les victimes et la population. «L’acquittement de M. Salvail et M. Rozon, c’est un peu déprimant. Les victimes sont encore moins encouragées à dénoncer», soutient Mme Desjardins.
«Avec ce genre de situation, il y a des préjugés qui reprennent de la vigueur chez certaines personnes. On a lu certains commentaires depuis l’annonce de M. Rozon qui disait : ‘’On savait bien qu’il était innocent et que la victime cherchait de l’attention’’. Ce n’est pas un jugement d’innocence qui a été dit. C’est un acquittement», complète-t-elle.
L’intervenante du CALACS rappelle dans le cas de M. Rozon, la juge Mélanie Hébert a affirmé que le témoignage de la victime, Annick Charette, était «honnête, sincère, sans biais et sans exagération». Ainsi, la parole de la victime n’a pas été remise en doute.
Mme Desjardins espère que des changements seront opérés dans le futur. Cette dernière a beaucoup d’espoir envers le rapport déposé, mardi, par le Comité d’experts sur l’accompagnement des victimes d’agressions sexuelles et de violence conjugale. Un total de 190 recommandations a été déposées pour améliorer le traitement des plaintes, incluant la création d’un tribunal spécialisé en la matière.
Dans tous les cas, le Centre d’aide et de lutte aux agressions à caractère sexuel reste présent pour épauler les victimes. «Il est d’abord important de parler. Ce n’est pas nécessaire de porter plainte dès le départ. La première chose c’est de parler à quelqu’un de confiance pour qu’elle soit crue. C’est notre première préoccupation», conclut Mme Desjardins.
Pour contacter l’organisme, composez le 819-478-3353 ou au 877-278-3358 (ligne sans frais).