L’envers de l’enseignement à distance

Photo de Emmanuelle LeBlond
Par Emmanuelle LeBlond
L’envers de l’enseignement à distance
Karine Samson, conseillère à l’exécutif à l’Association générale des étudiants hors campus de l’UQTR. (Photo : Ghyslain Bergeron)

TÉMOIGNAGE. La réalité des étudiants universitaires a changé depuis l’arrivée de la pandémie. Adaptation aux cours en ligne, omniprésence des écrans et perte du contact humain : les défis à relever sont nombreux, ce qui peut affecter la motivation et la réussite scolaire des étudiants. 

Naomi Peloquin s’est inscrite au certificat en gestion des ressources humaines à l’Université du Québec à Trois-Rivières sur le campus de Drummondville. Pour la session d’automne, un total de cinq cours sont à son agenda et ils se déroulent tous à distance.

Dans les premiers temps, l’étudiante se plaisait à suivre ce nouveau rythme de vie. «Je n’habite pas dans la région. J’avais des cours à la fois à Drummondville et à Trois-Rivières. Je n’avais pas besoin de me déplacer. Je voyais ça comme un avantage», exprime-t-elle.

L’enthousiasme de Naomi Peloquin s’est rapidement refroidi. Du matin au soir, la jeune femme s’est retrouvée rivée devant l’écran de son ordinateur pour suivre les enseignements de ses professeurs et réaliser ses différents travaux académiques.

UQTR – Drummondville. (Photo: Ghyslain Bergeron)

«Je dois avouer que je trouve cela difficile d’avoir tous mes cours en ligne et de ne jamais me déplacer. Il n’y a pas de transition. Je suis devant mon écran pour suivre un cours pendant trois heures. Quand le cours termine, je regarde autour de moi et je me demande quoi faire. C’est difficile de changer son état d’esprit», raconte-t-elle.

Contre toute attente, l’étudiante a éprouvé des difficultés reliées à l’organisation. «J’ai été rattrapée par la fin de session. J’ai réalisé tardivement que j’avais des travaux de session à faire. Puisqu’on est à distance, on n’a pas la possibilité de voir la progression des autres étudiants. Parfois, tu réalises que tu es en retard», soutient celle qui a l’impression de se trouver dans une bulle.

Naomi Peloquin a dû revoir ses méthodes de travail. «Je suis quelqu’un qui aime faire des horaires. Même si je m’en fais, je ne suis pas capable de les suivre. Je reporte souvent mes travaux au lendemain. Je me sens trop fatiguée pour faire mes tâches», prononce la jeune femme. Lors des dernières sessions, l’étudiante ajoute qu’elle était reconnue pour son efficacité.

À ses yeux, la perte de contact humain est une source de démotivation. «C’est difficile psychologiquement. Ça se ressent de ne pas pouvoir côtoyer des gens et de ne pas pouvoir rencontrer de nouvelles personnes. C’est le fun pendant les cours d’avoir la possibilité de travailler avec des gens que tu ne connais pas.»

De fil en aiguille, tous les jours viennent à se ressembler. «On a l’impression qu’il n’y a plus de fin de semaine. Les journées de fin de semaine rassemblent à celles de semaine. On n’a plus de sortie le vendredi soir. On fait plutôt des travaux», mentionne-t-elle.

Les évaluations

Les évaluations en ligne représentent un stress supplémentaire pour la communauté étudiante. «Je fais partie des élèves qui ont des services adaptés à l’université. Cette session-ci, j’ai été laissée à moi-même. À ma première évaluation, j’ai eu un quiz qui m’a apporté beaucoup d’anxiété. Je ne savais pas si j’allais avoir du temps supplémentaire», soutient Naomi Peloquin.

Karine Samson encourage les professeurs à adapter leurs examens dans un contexte d’enseignement à distance. (Photo: Ghyslain Bergeron)

Certains professeurs ont fait le choix de changer les modalités de leurs examens, pour éviter le plagiat. Karine Samson, conseillère à l’exécutif à l’Association générale des étudiants hors campus de l’UQTR (AGEHC) explique que ces professeurs raccourcissent la durée des évaluations. Résultat : les étudiants doivent performer dans un laps de temps plus court. «Selon moi, l’enseignement à distance nécessite des évaluations adaptées sous forme de textes plus longs, mais qui ne nous figent pas dans une plage horaire», exprime-t-elle.

L’AGEHC souhaite sensibiliser les étudiants à la tricherie afin d’améliorer le climat de confiance. «Au début de la prochaine session, c’est une priorité d’offrir une formation aux étudiants pour qu’ils comprennent la définition du plagiat», indique Karine Samson.

Une réalité frappante

La détresse vécue par Naomi Peloquin n’est pas un cas isolé. Selon elle, plusieurs étudiants peuvent s’identifier à son histoire. «Dans les derniers mois, j’ai l’impression qu’on s’est beaucoup penché sur l’éducation secondaire et primaire. En quelque sorte, les plus jeunes ont été pris en considération dans certaines décisions. Les universités ont été laissées de côté», affirme celle qui agit aussi à titre de vice-présidente aux communications à l’AGEHC.

«J’ai l’impression qu’on n’a pas parlé des étudiants universitaires. Il y en a beaucoup qui ont perdu leur emploi et ils devaient tout de même payer pour leur session. En plus des études, on a beaucoup de préoccupations», poursuit-elle, en précisant que la conciliation avec les études et la famille touche plusieurs membres de la communauté étudiante.

En ce sens, Naomi Peloquin a fait le choix de diminuer son nombre de cours pour la session d’hiver. Cette dernière soutient que les étudiants ne devraient pas se sentir coupable de réduire leur charge s’ils en ressentent le besoin.

La consommation

Pour surmonter les défis du quotidien, certains étudiants se tournent vers la consommation de drogues et d’alcool. «Je sens qu’il y a une augmentation auprès de la communauté étudiante. C’est une manière de décompresser et de se récompenser. En étant à la maison, mine de rien, il y a toujours de la bière dans le frigidaire. Certains se servent une bière en après-midi. Une bière en amène une autre. C’est un exutoire et on ne voit pas les mauvais côtés que ça peut avoir», explique Karine Samson, par son rôle dans l’AGEHC.

Selon la conseillère à l’exécutif, il n’est pas rare que des étudiants boivent de l’alcool pendant les cours à la maison.

Dans tous les cas, l’AGEHC se dit présente pour épauler les étudiants qui ont besoin d’un support psychologique. L’association étudiante propose à ses membres un programme d’aide aux étudiants (PAE).

Plusieurs aspects de la vie personnelle, professionnelle et étudiante y sont compris. De l’aide psychologique gratuite est disponible grâce à une ligne d’urgence. Un envoi postal a été réalisé pour que les étudiants aient les informations à portée de main par des aimants.

Malgré tout, Karine Samson reste optimiste pour la session d’hiver. «J’ai confiance que les choses vont s’améliorer. Les services aux étudiants ont eu une prise de conscience et ils commencent à déployer des outils. On est en train de développer de beaux usages. Ça aura été un chemin ardu, mais il faut se féliciter de participer à ça», conclut-elle.

 

Partager cet article