Centre-ville : stationnement étagé avec restaurant et salle de spectacle, la meilleure option? (Tribune libre)

Centre-ville : stationnement étagé avec restaurant et salle de spectacle, la meilleure option? (Tribune libre)
Tribune libre. (Photo : Photo Deposit)

 

TRIBUNE LIBRE. Dans une entrevue parue dans L’Express le 23 septembre dernier, le maire a déclaré :

«Je veux qu’on se souvienne du maire Carrier, qui aura réussi à créer une dynamique au centre-ville, à créer un événement qui dure tout l’été et que maintenant, tout le monde pense à Drummondville pour aller quelque part.»

À ce moment-là, il parlait d’un stationnement étagé de 300 à 400 places avec un restaurant et une salle de spectacle multifonctionnelle. Il a également mentionné qu’il espérait faire construire le parking au printemps 2021, s’il obtenait le soutien des membres du conseil municipal.

Un peu plus tard, le stationnement projeté a doublé de taille pour atteindre quelque 800 places.

La facture? 20 M$ ou plus.

L’objectif est de revitaliser le centre-ville, mais la méthode choisie pose question.

Pour qui et à quel prix?

Ce qu’on propose est :

  1. Résoudre un problème de stationnement qui persiste depuis des années.
  2. Attirer de grandes foules 3 jours / nuits ou plus par semaine pendant les mois d’été avec ce qui ressemble à des spectacles en plein air dans le parc Woodyatt (spectacles de rock peut-être?)
  3. Construire un restaurant et un théâtre au-dessus du parking.

Le dialogue du maire a légèrement évolué depuis, probablement à la suite de discussions au sein du conseil municipal, ce qui suggère que le conseil fonctionne comme il se doit.

Alors, regardons le projet.

L’objectif et la prémisse de base du projet sont d’attirer suffisamment de trafic pour aider les entreprises et les professionnels du centre-ville à prospérer, ainsi qu’à en attirer d’autres pour s’y installer.

Mais qu’en est-il des citoyens? Qu’a-t-il pour eux?

Bien sûr, nous aurions maintenant un parking, mais les foules que nous proposons d’attirer dans la région de Woodyatt doivent s’y rendre et cela pourrait créer des embouteillages comme nous n’en avons jamais vu auparavant dans le centre-ville.

Qu’en est-il du potentiel de pollution de l’air et du bruit des voitures et des motos, sans parler des activités et spectacles en plein air pendant l’été?

Qu’en est-il de la qualité de vie de ceux qui vivent dans le quartier?

Est-ce que les restaurants du quartier ont besoin d’un autre compétiteur situé sur un site privilégié?

N’avons-nous pas déjà le Centrexpo Cogeco et la Maison des arts Desjardins?

On peut s’attendre à ce que les partisans du projet évoquent à répétition les retombées économiques et oui, il est important d’en tenir compte et d’assurer un environnement qui favorise un secteur privé fort, sain et dynamique. C’est un élément vital de la santé et de la croissance d’une communauté.

Cela ne justifie cependant pas d’évaluer tous les projets sur une base strictement monétaire. Alors qu’un homme d’affaires a le luxe d’évaluer la plupart de ces décisions en fonction du risque et des rendements, dans l’arène politique (municipale, provinciale ou fédérale), les facteurs sont beaucoup plus complexes.

L’adéquation ou la réussite d’un projet doit tenir compte de nombreux éléments non monétaires concurrents. En fait, les critères d’évaluation d’un projet pour un parc industriel ou un quartier en particulier peuvent ne pas nécessairement être les mêmes, ou peuvent être pondérés différemment, que pour un autre (le centre-ville par exemple).

Le projet, tel que présentement conçu, propose de piger dans la poche des citoyens à hauteur de plus de 20 M$ pour aider à revitaliser le quartier sans tenir compte des impacts négatifs potentiels majeurs sur la qualité de vie, ni avoir un volet visant à l’améliorer.

Le maire a cité Trois-Rivières et Sherbrooke comme exemples à suivre. Regardons ceux-ci brièvement ainsi que Longueuil et son boulevard Taschereau.

Sherbrooke

Sherbrooke est aux prises avec un problème similaire au nôtre depuis les années 1990 et ce, malgré des injections de fonds majeurs au fils des ans. Le problème persiste malgré le fait que le centre-ville compte deux stationnements multiniveaux depuis les années 1960.

À la fin de 2019, Sherbrooke a approuvé le Projet Espace Centro, un projet de 80 M$, dont la part de la ville est de 25 M$ et celle du promoteur du secteur privé est de 55 M$.

Le projet se compose d’espaces de bureaux, résidentiels et commerciaux. Plus de 50% de la superficie au sol sera réservée comme espace public.

Pari réussi … ou pas?

Citer Sherbrooke comme exemple de réussite est un peu prématuré pour le moment, car la construction devrait seulement s’achever en 2022.

Il est important de noter que les activités du type proposé par le maire ont été centrées autour du Lac des Nations, un parc préexistant plus approprié et suffisamment éloigné du centre-ville.

La stratégie de Sherbrooke comporte deux éléments marquants dignes de mention.

  1. Après de nombreuses études, Sherbrooke a choisi de délaisser le modèle d’affaires de Trois-Rivières (essayer continuellement d’attirer les visiteurs) pour un modèle basé sur la densification intégrée mettant l’accent sur la qualité de vie pour favoriser une croissance stable du quartier.
  2. Le projet a été conçu pour partager le risque et encourager la participation du secteur privé.

Boulevard Taschereau

La revitalisation du boulevard Taschereau est un problème majeur auquel Longueuil est aussi aux prises depuis des années.

Longueuil a fini par adopter une stratégie ambitieuse similaire à Sherbrooke afin de revitaliser le boulevard Taschereau. Des informations sur ce projet peuvent être trouvées en recherchant « Revitalisation du boulevard Taschereau » sur Internet.

Le projet du boulevard Taschereau est un projet d’envergure avec d’énormes conséquences économiques. Encore une fois, des études professionnelles et incroyablement complexes ont démontré que la densification était la seule solution viable à long terme.

Ce projet, qui s’étalera sur plusieurs années, nécessitera également la participation du secteur privé.

Trois-Rivières

Contrairement à Sherbrooke et Longueuil, Trois-Rivières mise presque exclusivement sur le modèle de l’exploitation du fleuve Saint-Laurent et de l’attraction des visiteurs par l’animation.

Ce type d’activité peut être bon pour Drummondville, mais le centre-ville est-il vraiment le meilleur quartier pour cela? Peut-être une zone le long de la rivière où les impacts de la circulation et du bruit seraient moins dramatiques serait mieux.

Il y a cependant une considération critique ici.

Avec les conditions économiques actuelles, l’argent n’est pas illimité. Des choix doivent être faits.

Voulons-nous consacrer des fonds pour un projet basé sur le modèle de Trois-Rivières avec ses bénéficiaires limités? Ou bien, en tant que société, voulons-nous opter pour le modèle de l’avenir qui profitera à la fois aux citoyens et aux commerçants?

Densification

Si l’on considère les études entreprises au cours des dernières années, l’opinion d’experts, ainsi que celle de la Société d’habitation du Québec, il est clair que la densification est la voie du futur.

Il est également clair qu’il existe des avantages importants pour les citoyens comme pour les commerçants.

Considérez ceci : un plan de densification bien exécuté améliore la qualité de vie et stimule ainsi la croissance démographique du quartier. Cela fournit à son tour une base de clients plus stable à l’année pour le commerce local.

C’est l’approche adoptée tant par Sherbrooke que par Longueuil.

Fortissimo

À l’honneur de l’administration précédente, telle est l’approche adoptée dans la conception du projet Fortissimo : la densification intégrée. Le projet est bien connu, ayant fait l’objet d’une importante initiative d’information pour s’assurer que les contribuables étaient pleinement informés de tous aspects majeurs.

Nous sommes choyés d’avoir un conseil municipal qui a développé une expertise dans ce type de projet et qui a démontré par des actions passées qu’il respecte la nécessité de tenir la population pleinement informée sur des projets comme celui actuellement envisagé.

Fortissimo était un début. Il est maintenant temps d’avoir le courage de continuer à concevoir de nouveaux projets d’envergure selon les normes les plus élevées de pérennité offrant davantage pour la communauté dans son ensemble.

Étude et conception du projet

L’essentiel ici est que le projet est d’une taille qui dicte deux éléments principaux :

-Une étude professionnelle et complète par des experts dont le mandat sera assez large pour considérer toutes les options, pas uniquement les éléments suggérés par le maire.

-L’étude doit considérer toutes les options de financement et de partage des risques avec le secteur privé, y compris les partenariats public-privé (PPP) et les baux emphytéotiques.

-Le rôle de la ville n’est pas de remplacer le promoteur immobilier ou l’entrepreneur, mais plutôt de faciliter leur implication, maximisant ainsi l’effet de levier qui peut être obtenu avec ses ressources financières limitées.

-La population doit être pleinement impliquée dans le processus et avoir la possibilité d’exprimer ses opinions sur tous les aspects du projet.

Un manquement à l’un ou l’autre des éléments ci-dessus rendra l’effort illégitime.

 

Marc Lapierre – résident de Drummondville

Marc Lapierre a été banquier durant 30 ans. Il s’est spécialisé dans le financement aux entreprises de toutes tailles. Il a aussi été consultant international durant 10 ans auprès de gouvernements et institutions financières étrangers.

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