Quand suivre son cœur amène une notaire à devenir tatoueuse

Quand suivre son cœur amène une notaire à devenir tatoueuse
Esther Pelletier. (Photo : Robert Boris)

MAGAZINE. Même si certains choix dans la vie peuvent être difficiles à faire, des gens comme Esther Pelletier nous prouvent qu’il faut toujours suivre son cœur et son instinct. Ex-notaire, la femme de 28 ans a délaissé son emploi pour vivre de ses œuvres. Ses outils : de l’encre et de la peau humaine.

– Pierre-Olivier Poulin

Travailleuse autonome au salon Rouge Total de Drummondville, Mme Pelletier pratique sa nouvelle vocation à temps plein depuis deux ans. L’artiste multidisciplinaire explique que le stress causé par son emploi de notaire était trop pour elle. De plus, elle trouvait que celui-ci se complexifiait constamment avec le temps.

«On est responsable de la gestion des fonds à 100 %. Il faut vérifier l’identité des gens qui les virent, l’exactitude du montant et les délais. On passe notre temps à travailler avec les institutions financières, qui ont toutes des procédures diverses. On ne s’adresse pas à des êtres humains, mais à des machines. Si l’argent n’est pas dans mon compte à telle date et à telle heure précise, la transaction n’aura pas lieu. Mon travail, c’était ça, mais avec 25 à 30 rendez-vous par semaine. Il y a la constante préoccupation qu’une simple erreur peut te faire radier», n’a pas caché Esther Pelletier.

Le transfert de l’image sur le corps de la personne. (Photo Ghyslain Bergeron)

Toujours attirée par les arts, elle cherchait un moyen de vivre de sa passion sans nécessairement faire des dessins pour des publicités. Après avoir vu la série de téléréalité «Maître tatoueur» (Ink Master en version originale), la native de Drummondville a eu un déclic dans sa tête.

«Tu vois toute la réflexion artistique et je trouvais ça excitant. J’aimais le tatouage, mais je me suis rendu compte qu’il y a un artiste derrière l’œuvre. C’est quelqu’un qui a une profession, qui a maîtrisé les techniques, qui a monté un portfolio, qui a un style et qui a quelque chose à dire. Je voulais faire ça et ça semblait plus faisable d’en faire une carrière», a-t-elle expliqué.

Se décrivant comme une dessinatrice qui aime explorer et mélanger les styles, la jeune femme a souvent eu à faire des «cover up», un tatouage qui en recouvre un autre déjà sur la peau. Si cette dernière aime le casse-tête qui vient avec la tâche, un cas en particulier est resté dans sa mémoire.

«Quelqu’un avait un tribal géant dans le dos. Comme ce sont de larges lignes noires, c’est impossible à cacher. Tu as beau mettre du blanc par-dessus, ça va juste faire du gris très foncé. À force de discuter avec lui, on s’est entendu pour faire un gigantesque kraken qui sort de la mer. J’ai tellement hâte qu’il le sorte pour que je puisse le publier», s’est remémoré la tatoueuse avec joie.

Deux mondes différents

Après avoir tenté de pratiquer simultanément le notariat et la création de tatouages pendant un an, Esther Pelletier a pu constater certaines différences entre les deux emplois. Selon elle, la relation entre les clients n’est vraiment pas la même.

«Même dans un achat de maison où tu es content de finaliser ta transaction, ce n’est pas dans le bureau du notaire que tu as du plaisir. C’est un peu stressant avec le côté affaire, car il ne faut pas se tromper. Quand tu entres dans le studio, les gens ont souvent pris une journée de congé et sont super contents de faire leur projet. C’est zéro la même ambiance», a-t-elle constaté.

Le transfert de l’image sur le corps de la personne. (Photo Ghyslain Bergeron)

Et avec les collègues de travail?

«Au lieu d’être avec un paquet de gens très stressés et qui travaillent devant des ordinateurs pour que tous les délais soient bons et que les règles soient respectées, on est cinq artistes contents d’être au travail et de regarder ce que les autres font», a comparé l’artiste.

Casser les préjugés

Inévitablement, la Drummondvilloise a dû faire face à quelques questionnements et pensées négatives lorsqu’elle a pris sa décision. Même si le changement de carrière était soudain, elle n’a pas eu trop de difficultés à faire comprendre aux gens que son travail est des plus sérieux. La preuve? Ses parents ont été ses deux premiers clients à vie.

«Il y a peut-être eu cinq secondes de froid. Mes parents voyaient que je trouvais ça difficile à mon emploi. Ils étaient super fiers de moi, mais ils sentaient que je n’étais pas dans mon élément», a raconté Esther Pelletier.

«N’importe qui qui visite le studio voit que nous ne sommes pas des gens croches. Au contraire, s’il y a une chose qu’on a en commun, c’est qu’on prend ça à cœur. Ce n’est pas un passe-temps pour se payer de la drogue ou je ne sais pas quoi», a rajouté la principale intéressée.

Et si on pouvait penser que la pandémie de COVID-19 avait ralenti l’achalandage et le nombre de clients, c’est tout le contraire pour Esther Pelletier. Même si elle travaille parfois six jours par semaine, l’artiste a vu sa liste d’attente s’allonger de quatre semaines… à quatre mois.

«Je pense que la plupart des gens ont eu un «booking» semblable ou à la hausse. Dans mon cas, ç’a explosé. Avec la fermeture du magasin pendant le confinement, il y a du retard à rattraper. Plus je pagaie, plus il y en a. Je pense revenir à un horaire un peu plus décent après Noël», a estimé la tatoueuse.

Partager cet article