L’engagement exceptionnel de Jacques Lafond

Photo de Jean-Pierre Boisvert
Par Jean-Pierre Boisvert
L’engagement exceptionnel de Jacques Lafond
Jacques Lafond. (Photo Ghyslain Bergeron) (Photo : Ghyslain Bergeron)

ENGAGEMENT. Qu’est-ce que ça prend pour rester pendant 20 ans président d’un organisme communautaire comme le Comptoir alimentaire? Jacques Lafond ne le sait pas trop, mais il l’a fait.

«Ce doit être le hasard je dirais», tente-t-il comme réponse, humblement. C’est sur invitation que le notaire de profession est arrivé au Comptoir. «J’ai répondu oui quand Robert Guilbault, de chez Desjardins, m’a invité à me joindre au conseil d’administration. Trois mois plus tard, on cherchait un président pour remplacer celui qui avait quitté et le hasard a voulu que j’étais assis au bout de la table, raconte-t-il en riant. Tout le monde m’a regardé et je n’ai pas pu dire non».

Va pour le hasard. Une fois dans le milieu, Jacques Lafond a appris à connaître le monde qui gravitait autour du Comptoir : du personnel dévoué, des administrateurs serviables et des gens, démunis, vulnérables, pour qui tout ce beau monde était à l’oeuvre.

«La première chose que tu comprends, c’est que cette connaissance du milieu aide beaucoup à écarter les préjugés. Tu réalises assez vite que les gens ont des raisons de demander de l’aide alimentaire. C’est souvent à cause de la maladie, d’un divorce et d’une perte d’emploi. Il faut se rappeler qu’en l’an 2000, ça allait bien économiquement à Drummondville. Des entreprises florissaient et tout semblait beau. Mais non, ce n’était pas vrai. Beaucoup de gens avaient besoin d’aide. Je n’en revenais pas», laisse-t-il tomber.

Jacques Lafond (à gauche) lors dune lancement de campagne du Comptoir alimentaire. (Photo Ghyslain Bergeron)

À l’époque, le Comptoir n’était pas connu. «Ça n’a pas été facile. Le gouvernement donnait des subventions, mais elles étaient assorties de conditions. Ces <@Ri>esprits<@$p> de conditions-là, c’est tuable. On a réussi à se donner des ressources qui sont devenues celles d’aujourd’hui, comme la guignolée et les ententes avec les épiciers. Ce qui nous a aidés aussi, c’est le fait que le conseil d’administration s’est diversifié, avec des personnes provenant de différents domaines de la société. L’avantage était que nous avions des sons de cloche différents, tant pour aider à identifier les problèmes que pour trouver des solutions. Maintenant, on peut dire que le Comptoir va bien, il a pris de l’expérience, et la présidence du CA est entre bonnes mains avec Marie-Noël Boisvert, qui assure une belle continuité».

Un local trop petit

L’un des objectifs que s’était fixés Jacques Lafond ne s’est pas réalisé. Il aurait tant voulu trouver un local plus grand.

«Le local actuel est trop petit. Il faudrait doubler l’espace. Ça prend beaucoup de place pour mettre les frigos, les congélateurs et entreposer les denrées, sans compter quelques pièces à part pour rencontrer et discuter avec les demandeurs dans un climat, on le devine bien, de confidentialité. Et l’édifice actuel n’est pas jeune…

«Nous avons fait des efforts et visité plusieurs endroits. On croyait, à un certain moment, avoir déniché le bon endroit, c’était l’ancienne bibliothèque. Mais la Ville n’a pas voulu nous donner un édifice à problèmes, nous expliquant que trop de rénovations y étaient nécessaires. J’ai été déçu, car c’était grand. Il faut comprendre que le Comptoir ne peut pas déménager n’importe où. Il ne peut pas s’éloigner de son milieu, il doit surtout avoir un accès facile par autobus. À moins d’un miracle, le Comptoir va rester là où il est».

Est-il possible qu’un grand espace devienne soudainement disponible grâce à un bon samaritain? «Il faudrait qu’il s’annonce», soumet-il timidement.

L’homme est d’une grande bienveillance. Comme tous ceux et celles sans doute qui se démènent pour aider les autres. Pourquoi est-il resté 20 ans, certainement pas pour faire de l’argent? «Au contraire, dit-il, j’en ai donné. Quand j’apprenais, après une conversation avec Nathalie Belletête (la directrice générale), qu’il manquait des sous, ça m’est arrivé de compléter. En fait, j’ai contribué, comme tout bon Drummondvillois. Les gens donnent énormément dans Drummond. Je me souviendrai toujours de la fois où, n’ayant plus rien à donner, j’avais organisé une conférence de presse pour faire état de la situation. On était en octobre et il fallait se rendre à la guignolée. C’était très émotif. Et les Drummondvillois ont répondu de façon très généreuse, ça rentrait de partout. C’était extraordinaire».

Si vous cherchez Jacques Lafond, vous ne le trouverez pas devant les projecteurs. Il n’a pas voulu médiatiser son départ à l’automne 2019. Pas un mot n’a été dit, pas publiquement du moins. L’équipe du Comptoir, lors d’un dîner à La Muse, lui a remis une petite sculpture, un inukshuk, où il est écrit : «En hommage à votre engagement exceptionnel à soulager la faim 2000-2019».

Inukshuk. (Photo Ghyslain Bergeron)

Inukshuk

L’inukshuk est généralement construit de pierres placées de manière à ressembler à un être humain. Il sert tantôt de point de repère ou d’identification de cache à nourriture. Tant pour le Canada que pour le reste du monde, l’inukshuk est devenu un symbole de fraternité, d’entraide et de solidarité. Selon une légende inuite, de par ses qualités ancestrales de guide, l’inukshuk aidera la personne qui en acquiert un à toujours prendre les bonnes décisions et à aller dans la bonne direction dans sa vie.

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