La crise d’Octobre racontée par la famille Rose

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Par Emmanuelle LeBlond
La crise d’Octobre racontée par la famille Rose
Jacques Rose et Félix Rose reviennent sur les événements de la crise d’Octobre. (Photo : gracieuseté)

CINÉMA. À l’âge de six ans, Félix Rose est secoué d’apprendre que son père, Paul, s’est retrouvé au cœur d’une période charnière de l’histoire du Québec, la crise d’Octobre. Quelques années plus tard, le jeune homme se lance dans la réalisation d’un documentaire, dans le but de comprendre l’épopée familiale et ses liens avec la tourmente des années 1970.

«Quand j’ai appris qui était mon père et qu’il était impliqué dans la mort d’un homme, j’ai été bouleversé. L’image que j’avais de mon père, c’est un homme doux et à l’écoute. Ça ne correspondait pas à l’image qu’il y avait dans les médias avec le révolutionnaire poing en l’air», explique le fils de Paul Rose.

Le cinéaste Félix Rose est à la base du projet documentaire. (Photo: Eric Piccoli)

«J’étais habité par le désir de comprendre ce qui amène une personne foncièrement gentille à poser des gestes aussi graves, mais je n’étais pas capable d’en parler avec lui. C’était trop dur. Je ne savais pas quel mot utiliser», ajoute-t-il.

Intrigué par ses racines familiales, Félix Rose s’est initié à la généalogie, ce qui lui a permis de tisser un lien particulier avec son paternel. «À l’âge de dix ans, j’ai commencé à faire un arbre généalogique pour un projet scolaire, mais j’ai tellement eu de plaisir que ça a été un déclencheur. Mon père a embarqué dans mon projet. Ça nous a unis. Lors des fins de semaine, on allait à la bibliothèque de Montréal et dans les cimetières. Ça m’a permis de comprendre d’où venait ma famille.»

Le jeune homme a été interpellé par le passé ouvrier de sa descendance. «Ma famille a travaillé pendant 100 ans dans une usine de sucre. C’étaient des conditions de travail difficiles avec des patrons anglais. Les travailleurs mouraient en bas âge de diabète à cause du sucre», indique-t-il.

Un documentaire, une promesse

En 2011, les deux complices sont partis à l’aventure pour découvrir leurs origines irlandaises. Lors de ce voyage, Félix Rose a fait face à un mur. Il a réalisé que la santé de son père est fragile. «J’avais 24 ans, ma deuxième passion dans la vie était le cinéma documentaire. C’est là que je me suis dit que je devais faire un film. L’année qui a suivi, pendant que mon père se construisait une santé, j’ai préparé un projet et j’ai commencé à en discuter avec lui», se remémore celui qui a pris son courage à deux mains pour questionner son père sur ses années de militantisme.

Félix Rose est en compagnie de sa sœur, sa mère et son père. (Photo: gracieuseté)

Paul Rose s’est prêté au jeu avec authenticité. Pour la première fois, il s’est confié sans censure à son fils. «Une heure après, on se regardait dans les yeux et il a eu un AVC. Je suis allé à l’hôpital avec lui. J’étais à son chevet pendant deux jours. J’ai compris qu’il était mourant. J’ai fait la promesse d’aller jusqu’au bout du projet. Ça a été les huit dernières années de ma vie», prononce Félix Rose.

Entrevues et archives inédites

Le cinéaste s’est engagé dans un travail de longue haleine. «Quand mon père est décédé, la seule personne qui pouvait me raconter l’histoire de la crise d’Octobre, c’était mon oncle Jacques. Il n’a jamais voulu s’exprimer sur les événements. Ça m’a pris deux ans pour le convaincre. Il ne voulait rien savoir.»

«Un jour, il m’appelle et il a besoin d’aide. Il a besoin de quelqu’un pour poser des fenêtres. Il était mal pris. J’ai accepté de l’aider à condition qu’il me donne d’une à deux heures d’entrevue par jour. Il a accepté», poursuit le jeune homme.

Ce compromis s’est révélé gagnant. «En soirée, on était tellement fatigué qu’il y avait un relâchement. Jacques ne voyait plus la caméra et il n’avait plus de filtre. Ça a donné lieu à des échanges intimes entre un neveu et son oncle.»

Jacques Rose. (Photo: gracieuseté)

Aux yeux du cinéaste, l’histoire des Rose ne serait pas complète sans la présence de sa grand-mère. «Elle a aussi occupé une place importante et je voulais mettre cette femme de l’avant. Le combat de sa vie était de libérer ses fils, mais c’est devenu plus que ça. Elle est devenue la maman du milieu carcéral. Elle utilisait la tribune qu’elle avait pour améliorer les conditions de détention des détenus. Pour moi, Rose Rose est une remarquable oubliée et je suis content qu’elle rayonne dans le film.»

Un travail colossal de recherche en archives a été effectué pour imager le long métrage. Félix Rose a fait des trouvailles surprenantes, dont un enregistrement clandestin de Paul Rose en prison qui s’adressait à sa mère.

Une approche unique

En l’espace de deux heures, Les Rose plonge le spectateur dans le contexte historique des années 1970, retrace les moments forts de la crise d’Octobre, tout en mettant en relief les conséquences des événements.

Selon Félix Rose, le documentaire est pertinent, surtout à l’aube du 50e anniversaire de cette période. «Mon père savait qu’il n’allait pas faire une révolution. Il voulait faire avancer la cause et allumer la flamme chez certaines personnes. Il expliquait qu’il voulait continuer les luttes des générations qu’il précédait, comme celle des patriotes en 1837 ou des grévistes d’Asbestos. Pour lui, les générations d’après ont le devoir de poursuivre les luttes sociales qui ne se sont pas terminées», affirme-t-il.

Rose Rose a un rôle important au sein de la famille. (Photo: gracieuseté)

Dans le cadre de la sortie de son film, le cinéaste se déplace dans les salles de cinéma du Québec pour rencontrer le public. Félix Rose marque d’ailleurs un arrêt à Drummondville, le 13 septembre pour la projection de 13h35.

L’homme de 33 ans est heureux de pouvoir discuter avec les Drummondvillois. «Vu que le film parle du territoire et du Québec, c’est très important pour moi de me déplacer en région. Je suis content que le film voyage partout et que ce soit accessible», conclut celui qui a un sentiment de devoir accompli.

La crise d’Octobre, c’est quoi?

La crise d’Octobre est une série d’événements politiques et sociaux liée à l’enlèvement de l’attaché commercial du Royaume-Uni James Richard Cross et du meurtre du ministre provincial du Travail Pierre Laporte. Ces actions ont été menées par le Front de libération du Québec (FLQ), dont faisaient partie Paul et Jacques Rose, en octobre 1970.

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