Une rentrée hors de l’ordinaire pour les enseignants du secondaire

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Par Emmanuelle LeBlond
Une rentrée hors de l’ordinaire pour les enseignants du secondaire
Sonia Lemoyne est en avant de la classe. Elle a retiré son masque puisqu'elle est à une distance suffisante avec les élèves. (Photo : Ghyslain Bergeron)

TÉMOIGNAGE. Jeudi matin, l’enseignante en adaptation scolaire Sonia Lemoyne se sentait d’attaque pour la rentrée scolaire, malgré la boule de nervosité qui logeait dans son ventre. Cette femme d’expérience a longtemps anticipé le retour en classe, qui est synonyme de nouveaux défis.

«Jeudi, c’était la rentrée scolaire de tous les secondaires un et nos élèves. On a des élèves avec des besoins particuliers, comme des troubles de comportement ou des troubles d’apprentissage. Habituellement, on fait une rentrée de soir et on organise une visite physique à l’école. Cette année, avec un contexte de COVID-19, ça ne s’est pas fait. On a accueilli les élèves dans la cour à l’extérieur et on fait une journée d’accueil», explique l’enseignante de l’école secondaire Jeanne-Mance.

Pour les finissants de 6e année, cette rentrée scolaire marquait une étape importante dans leur cheminement. «Il y a un de mes élèves qui est arrivé hyper nerveux. Le matin, il est arrivé avec ses deux parents. Quand on s’est approché de la classe, j’ai pris 15 minutes sur le bord de la porte pour le sécuriser parce qu’il ne voulait pas entrer», raconte Sonia Lemoyne.

L’enseignante était d’ailleurs habitée par une agitation similaire. «J’étais réveillée à trois heures du matin. Je n’ai jamais eu autant mal au ventre. On a toujours des petits papillons à la rentrée, mais là, c’est plus que des papillons. C’est une grosse nervosité. Il y a encore plus de défis qu’à l’habitude», témoigne-t-elle.

Un fonctionnement différent

Le personnel de l’école doit composer avec un nouveau fonctionnement pour respecter les normes sanitaires. Le port du masque, la distanciation sociale et la désinfection des mains sont des pratiques incontournables, rappelle Sonia Lemoyne.

Sonia Lemoyne est une enseignante à l’école secondaire Jeanne-Mance. (Photo: Ghyslain Bergeron)

«Chaque fois qu’on s’approche des élèves pour expliquer, il faut mettre un masque. En ayant des élèves à besoin particulier, ils ont souvent un trouble de langage ou des problèmes d’audition. Ils ont besoin de lire sur les lèvres. Pour favoriser l’approche des élèves, on a installé un grand plexiglas près du bureau du professeur. Il y a des tables à proximité. De cette manière, les élèves peuvent venir à nous et on peut enlever notre masque. Les élèves peuvent voir nos expressions faciales.»

Un réaménagement de la classe a été nécessaire. «Habituellement, on fait des ateliers de cuisine. Mercredi, j’ai rapidement retiré les grandes tables, avec une autre enseignante, pour donner de l’espace aux élèves», soutient-elle.

Sonia Lemoyne considère que son plus grand sacrifice est de ne pas pouvoir serrer ses élèves dans ses bras. «Je suis du genre à m’asseoir sur ma chaise et pendant les pauses, les élèves me jouent dans les cheveux. Souvent, je me plaçais sur le bord de la porte et on se faisait un câlin en arrivant. Maintenant, il n’y a plus de proximité», exprime-t-elle, avec un brin de déception.

Soutenir les élèves

À l’école secondaire La Poudrière, la rentrée s’est déroulée de manière progressive. L’enseignante Johanne Dion a eu un premier contact avec les élèves, mais le retour en classe officiel a lieu mardi prochain. Cette dernière s’attend à appuyer émotionnellement les adolescents.

«Je sais que j’aurai un plus grand rôle à jouer pour sécuriser les élèves, soutient-elle. Le secondaire 4 est une grosse année, sans la COVID. En général, il y a une grande marche entre le secondaire 3 et le secondaire 4. En plus, ils arrivent dans un contexte où ils doivent gérer le masque. Ils doivent aussi gérer le fait qu’ils n’ont pas eu les connaissances à 100% de l’année passée», indique celle qui enseigne les mathématiques enrichies.

Johanne Dion est une enseignante à l’école secondaire La Poudrière. (Photo: Ghyslain Bergeron)

Johanne Dion doit complètement revoir l’organisation de ses cours. «En secondaire 4, il y a une épreuve unique du ministère en fin d’année. Ça compte pour 50% de leur note, explique-t-elle. J’ai déjà un programme à voir et il faut que je complète avec ce qu’ils n’ont pas vu l’année passée. Je dois remanier ma planification de cours et il faut entrer dans le délai de 180 jours de l’année scolaire.»

Une fatigue accumulée

La fatigue commence à peser sur ses épaules. «Moi, je me sens bien, mais je sais que j’ai gardé des séquelles du printemps. J’ai trouvé ça vraiment difficile d’investir beaucoup pour préparer [mes cours] et d’avoir peu d’élèves qui viennent à ces rencontres. C’était en virtuel. En 5e secondaire, j’avais 50% des élèves qui se présentaient. En secondaire 4, c’était proche de la moitié au début, mais plus l’année avançait, plus ça diminuait.»

«Par rapport aux élèves, je sais que la patience et le fait de donner du temps à mes élèves constituent un puits sans fond. Pour toutes les contraintes administratives et les incohérences, je sens que j’ai beaucoup moins de patience face à ça», avoue-t-elle.

Encore plusieurs préparatifs doivent se déployer avant mardi, comme l’organisation des bulles-classes. «Il y a un groupe qui provient de quatre bulles différentes pour former qu’un groupe. Ces bulles ne peuvent pas être regroupées dans le même local. Je dois enseigner en direct dans un local et ça va être filmé. Les autres élèves seront dans des locaux différents devant un ordinateur pour suivre le cours», explique Johanne Dion, précisant que l’installation technologique n’est pas encore finalisée.

Quoi qu’il en soit, l’enseignante se dit contente que les élèves soient présents en classe. «C’est sûr que ça amène des situations plus difficiles à gérer, mais au moins on les a avec nous. C’est la joie, mais c’est beaucoup d’adaptation et de résilience. Il faut être conciliant», conclut-elle.

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