Voir au-delà de nous-mêmes, à bord de l’ÉcoMaris

Photo de Jean-Pierre Boisvert
Par Jean-Pierre Boisvert
Voir au-delà de nous-mêmes, à bord de l’ÉcoMaris
L’ÉcoMaris est le premier voilier-école à vocation environnementale. (Photo : Gracieuseté)

MAGAZINE. Apprendre à naviguer sur le fleuve Saint-Laurent en voilier, c’est beaucoup plus que de la géographie, c’est une prise de conscience environnementale saisissante, agrémentée par les pirouettes des baleines et l’immensité des ciels étoilés, mais dont le trajet et l’horaire sont parfois modifiés par les caprices de la météo.

Celui qui tient ces propos, qui aurait voulu tout résumer dans une même phrase tant il en avait long à dire sur les sensations que lui procure la découverte du Québec vue du fleuve qui le traverse, c’est le Drummondvillois Bruno Le Lan, l’un des trois capitaines du premier voilier-école à vocation environnementale, l’ÉcoMaris, avec qui L’Express Magazine s’est entretenu.

Depuis sa fondation en 2006, l’entreprise de l’ÉcoMaris, un voilier de 26 mètres, a acquis une grande expérience dans l’organisation d’expéditions environnementales sur le Saint-Laurent ainsi que dans le développement de divers programmes éducationnels.

«Le voilier accueille quatre expéditions chaque été, on prévoyait en organiser six en 2020, mais, en raison de la pandémie de COVID-19, on a réduit le nombre à trois. Chaque fois, 17 personnes montent à bord : 12 participants, un intervenant et quatre membres d’équipage. Il y a une formation prédépart de trois jours et on part ensuite pour 10 jours. C’est de la navigation de plaisance jusqu’à Québec. À partir de Tadoussac, c’est un autre monde, avec l’effet des marées, des courants marins et des vents qui sont à prendre en considération. À la hauteur de Charlevoix, ça devient assez violent, le fleuve est peu profond et de grosses vagues se forment. Il faut bien sûr se méfier des aléas de la météo et surtout éviter de se faire surprendre. Mais on ne prend pas de chance, on se met en position favorable», d’expliquer le navigateur de 33 ans, d’origine bretonne.

L’équipage au beau milieu du fleuve Saint-Laurent. (Photo gracieuseté)

Bruno Le Lan ne se fait pas prier pour étaler les découvertes et les sensations qu’éprouvent ceux et celles, autant de garçons que de filles en passant, qui ont la chance de partir sur l’eau, encadrés par des spécialistes chevronnés.

«C’est une occasion unique d’approfondir des connaissances sur la navigation à voile bien sûr, mais aussi sur l’histoire, la géographie, les écosystèmes marins et le travail d’équipe. C’est magique de se voir accompagné par des bélugas, à 15 km/heure, une vitesse plus près de celle de la nature, moins bruyante aussi».

Les Îles Mingan

Conçu spécialement pour des fins pédagogiques, de formation et de conférences, l’ÉcoMaris a un faible tirant d’eau qui lui permet un accès à des endroits généralement inaccessibles aux autres voiliers, tels que des hauts fonds et les baies étroites. Une expédition s’est même rendue dans l’archipel de Mingan, où les participants ont pu, entre autres, se familiariser avec la culture innue et son fascinant programme d’archéologie communautaire.

«On connaît peu le fleuve Saint-Laurent et les peuples autochtones qui habitent sur ses rives. La Minganie en est un exemple. Prendre le large sur un voilier c’est une activité qui recoupe diverses disciplines scientifiques qui ne manquent pas de susciter l’intérêt des jeunes. Principalement, sur le plan des changements climatiques et de la conscience environnementale. Les participants, à mesure que progresse le voyage, veulent prendre part de plus en plus aux opérations quotidiennes et apprendre les différents corps de métier reliés à la mer. Après une journée sur un voilier, qui est toujours en mouvement, je peux vous dire que c’est fatigant. On dort bien le soir», souligne le Drummondvillois.

Dix-sept personnes peuvent monter à bord. (Photo gracieuseté)

L’ÉcoMaris rêve de lever prochainement les voiles, peut-être le premier juillet. L’équipe a profité du confinement généralisé pour préparer sa saison 2020.

«Naviguer, c’est très addictif. On veut toujours y retourner, c’est une histoire d’amour», confie Bruno Le Lan, qui travaille sur le voilier-école depuis quatre ans. Quand je reviens à Drummond, c’est toujours un choc, ça prend quelques jours pour retrouver mes habitudes. Quand une expédition se termine, on reçoit inévitablement de beaux témoignages et plusieurs disent qu’ils ont l’intention de faire carrière dans le milieu maritime».

Comme l’a dit une participante dans l’une des trois vidéos diffusées récemment sous le thème de L’Appel du Golfe, «quand on ne voit plus la terre ni derrière soi ni devant, on apprend à voir au-delà de nous-mêmes».

 

L’ÉcoMaris est amarré l’hiver au Quai de l’horloge à Montréal. Voici ses détails techniques

  • Dimensions : 19,90 m
  • Longueur hors tout : 26 m
  • Tirant d’eau : 1,20 m
  • Tirant d’air : 21 m
  • Déplacement : 56 tonnes
  • Nombre de couchettes : 20
  • Construction comme navire-école : 1999, Vegesack, Allemagne

Financement

Pour financer l’organisme d’économie sociale qu’est l’ÉcoMaris, il y a différentes sources de revenus, dont Emploi-Québec (programme Cabestan), la Défense nationale (pour le programme des cadets de la marine) et des entreprises privées de l’industrie maritime.

Admissibilité

Différents contextes d’apprentissage sont proposés à des jeunes en recherche socioprofessionnelle, à des étudiants universitaires, à des chercheurs et scientifiques du domaine maritime et à des curieux, passionnés par l’humain et la nature. Pour le programme Cabestan, pour citer un exemple, les conditions d’admissibilité sont : avoir entre 18 et 35 ans, être sans emploi, ne pas être aux études, être motivé et prêt à s’engager tout au long du projet et du suivi d’un an.

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