ÉDUCATION. À l’ère du coronavirus, le décrochage scolaire a un tout autre visage. Appréhensions face aux cours à distance, difficultés liées à la réussite et problèmes financiers : une plus grande proportion d’élèves sont démotivés quant à la poursuite de leur parcours scolaire au cégep et à l’université.
«Le facteur de décrochage le plus important en temps normal est le choix de programme, c’est-à-dire l’orientation. C’est souvent ce qui fait que l’étudiant va être motivé ou pas dans son programme d’étude», explique Chantal Shank, conseillère en orientation et API pour les équipes sportives au Cégep de Drummondville.
Depuis la session passée, d’autres raisons ont vu le jour. «À l’hiver, le facteur le plus présent chez les étudiants – qui avouaient vouloir quitter leurs cours ou abandonner avant la fin – c’était souvent la pédagogie à distance. Certains avaient de la difficulté à s’organiser par eux-mêmes. À distance, ce n’est pas toujours évident de se trouver une façon d’étudier. On perd nos repères.»
Le quotidien des étudiants a été chamboulé. «Il y en a qui ont vécu des difficultés financières. Par rapport à la pandémie, il y a des parents qui ont perdu leur emploi. Il y a des étudiants qui se sont sentis concernés et ils ont décidé d’aller travailler pour les aider», soutient Mme Shank.
Les étudiants-athlètes traversent aussi une période difficile. «Ils sont stressés de savoir si leur sport va redémarrer ou pas. Oui, ils veulent revenir au collège, mais c’est une source de motivation importante de faire partie d’une équipe sportive. Leurs pratiques et leurs compétitions sportives leur ont été enlevées.» Des alternatives sont présentement étudiées au Cégep de Drummondville pour pallier cette problématique.
Si les élèves qui possèdent des difficultés scolaires sont plus enclins à décrocher, les meilleurs de classes peuvent aussi être affectés par la pandémie. «La cote R n’a pas été calculée à l’hiver 2020. Pour un étudiant qui était en échec, il n’a pas la pression de dire qu’il doit performer. Pour un étudiant qui vise des programmes contingentés, c’est sûr que ça a eu un impact pour eux. Ça devient un facteur de démotivation important», ajoute Mme Shank.
En cas de doutes, la conseillère d’orientation recommande aux étudiants de consulter un intervenant. «C’est important d’en parler. La personne-ressource et l’étudiant peuvent mettre en place des solutions. Parfois, c’est juste de revoir son organisation du temps. Ça peut faire en sorte que l’étudiant va décider de faire son programme sur trois ans à la place de deux ans».
Identifier ses peurs
Richard Saint-Pierre est conseiller d’orientation et superviseur clinique à l’Université de Sherbrooke. Il travaille notamment avec des étudiants à la maîtrise en orientation.
À son avis, si un élève envisage l’abandon, il doit, de prime abord, identifier ses peurs. «Il y a des peurs qui sont légitimes ou des difficultés qui sont vraiment très grandes. Il faut comprendre ses peurs et comprendre à quel point on est en mesure de pouvoir les contrecarrer ou les assumer pour être capable de passer à travers. Si tu n’es pas capable de passer à travers, il faut que tu réévalues ta position», soutient celui qui a travaillé pendant plusieurs années à Drummondville.
En situation de crise, tout est une question d’adaptation et de résilience. «Si tu veux trouver ta place dans le domaine de la carrière, il va falloir que tu mettes en branle des compétences. Il ne faut pas que tu t’abattes au premier fardeau que tu rencontres.»
«Dans le cadre de la COVID, si quelqu’un tient à son domaine d’étude, c’est de s’investir du mieux possible et de porter un regard critique sur l’environnement, à savoir quel genre d’avenir il peut avoir là-dedans. Est-ce que je pourrais avoir ma place si je mets les efforts nécessaires?», complète M. St-Pierre.
En vue de la session d’automne, le conseiller d’orientation conseille aux élèves d’abaisser leurs attentes vis-à-vis la performance. «Les milléniaux sont habités par l’anxiété de performance, la crainte de l’échec, le perfectionnisme. Ces dynamiques font en sorte que c’est beaucoup plus difficile pour eux de pouvoir assumer des défis parce que lorsqu’ils sont assujettis à la notion d’échec ou d’imperfection, ils vont se démobiliser.»
En ce sens, les élèves doivent apprendre à «accepter l’imperfection». «Lâcher prise, c’est arrêter de sa casser la tête, mais de faire de son mieux pour avancer», conclut M. St-Pierre.