Mongo, Joseph et Campbell dénoncent le racisme

Mongo, Joseph et Campbell dénoncent le racisme
Yvan Mongo, Pierre-Olivier Joseph et Isiah Campbell. (Photo : archives, Ghyslain Bergeron)

HOCKEY. Le racisme existe encore bel et bien au Québec de nos jours. Trois hockeyeurs ayant défendu l’uniforme des Voltigeurs de Drummondville au cours des dernières années peuvent en témoigner personnellement.

La mort brutale de George Floyd, cet Afro-Américain victime d’un homicide lors de son arrestation le 25 mai dernier, à Minneapolis, a soulevé une vague d’indignation à travers la planète. Des manifestations contre le racisme et la brutalité policière se sont multipliées aux quatre coins de l’Amérique du Nord.

Nés au Québec de parents d’origines diverses, Yvan Mongo, Pierre-Olivier Joseph et Isiah Campbell se sont dits choqués, attristés et dégoûtés par ces images. Tous trois ont tenu à rappeler que le racisme n’épargne pas la société québécoise.

«Réserver un tel traitement à quelqu’un simplement parce qu’il a la peau noire, c’est inhumain. Je trouve ça frustrant et ça me rend vraiment triste pour la famille de cette personne, a affirmé Yvan Mongo. Mais c’est important de réaliser que le racisme, ça n’a pas commencé il y a deux semaines. On se bat contre ça depuis des années et ça continue aujourd’hui.»

«Ici, au Canada, ce n’est pas exactement comme aux États-Unis, mais le racisme et le profilage racial demeurent très présents, que ce soir envers les Noirs ou les Autochtones. Ça remonte à l’époque de l’esclavage et de la colonisation», a ajouté l’attaquant de 23 ans.

Insultes racistes

Mongo, dont les parents sont originaires du Cameroun, a souvent été victime de propos racistes, tant sur la patinoire qu’à l’extérieur. «À l’école, on m’a traité de nègre et on m’a dit de retourner dans mon pays. Parfois, c’était dit de façon moins directe, sans réelle méchanceté. Ça provient souvent de l’ignorance ou du manque d’éducation. Ce sont des gens qui n’ont pas grandi dans un environnement où tout le monde est égal malgré ses différences. Je trouve toujours ça très triste», a exprimé celui qui est natif de Gatineau.

Yvan Mongo. (Photo d’archives, Ghyslain Bergeron)

Au hockey, Mongo se souvient de trois incidents en particulier. «La première fois, c’était dans l’atome. J’étais allé voir l’arbitre pour l’aviser de ce que mon adversaire m’avait dit. Je me rappelle qu’il m’avait regardé d’un air attristé, mais il m’avait dit qu’il ne pouvait rien y faire. J’étais fâché, mais j’étais trop jeune pour comprendre tous les impacts. Puis, dans le bantam, j’avais connu un match de trois buts. Un adversaire avait voulu rentrer sous ma peau, mais je n’y avais pas vraiment porté attention.»

Le dernier événement est celui qui a le plus choqué Mongo. C’était lors de sa saison de 20 ans, en 2018, alors qu’il portait les couleurs des Voltigeurs. Pendant une escarmouche, un joueur de l’Océanic de Rimouski l’avait insulté.

«J’étais passé à deux doigts de le frapper, mais comme il était déjà couché par terre, je m’étais retenu. Après le match, j’avais communiqué avec la Ligue, mais comme l’arbitre n’avait pas entendu les propos, il n’y avait rien à faire. Je crois que le joueur avait tout de même été suspendu à l’interne. Cette histoire m’avait vraiment choqué, parce que je pensais être rendu à un point dans ma carrière où j’avais obtenu le respect de mes adversaires. Je ne pensais pas rencontrer du racisme dans mon sport en 2018. En grandissant, ça fait de plus en plus mal.»

Celui qui évolue avec les Gee Gees de l’Université d’Ottawa depuis deux saisons se dit en faveur des manifestations pacifiques. Il prévoit d’ailleurs participer à la prochaine marche dans les rues de Montréal. «Ce que je trouve déplorable, c’est de saccager et de voler les magasins qui n’ont rien à voir là-dedans. Ce n’est pas une façon de faire valoir son point. Ça n’a aucun sens. Ce n’est pas comme ça qu’on va régler le problème du racisme. Deux négatifs ne feront jamais un positif. La solution ne passe pas par la violence», a insisté Mongo.

Même son de cloche du côté de Pierre-Olivier Joseph, qui se dit en désaccord avec les actes violents. «J’ai vu que des gens ont détruit leur propre quartier à Atlanta. C’était une communauté qui avait été bâtie de génération en génération. En même temps, je comprends la colère des gens. Ce mouvement, c’est leur seul moyen de s’exprimer. Les gens sont plus que tannés. Ils en ont assez.»

Sensibilisation et éducation

Né d’un père d’origine haïtienne et d’une mère québécoise, Joseph a lui-même été victime de propos racistes à plusieurs reprises au fil des ans. «Heureusement, j’ai un bon cercle d’amis. Souvent, ce sont eux qui interviennent. Je me souviens d’une fois à l’école où j’avais été traité du N-word. Je suis un gars pacifique, alors je voulais laisser ça aller, mais ma classe de hockey s’était ralliée autour de moi. C’était un beau mouvement à voir. Ça avait permis de sensibiliser la personne qui m’avait passé ce commentaire.»

Pierre-Olivier Joseph. (Photo d’archives, Ghyslain Bergeron)

Comme Mongo, Joseph a aussi été insulté dans le feu de l’action sur la patinoire. Le défenseur qui aura bientôt 21 ans n’a toutefois jamais dénoncé la situation. «Je me suis déjà fait dire de retourner dans mon pays, alors que je viens de Laval. J’ai bien réagi, parce que ces gens-là n’ont aucune idée de qui je suis. Chaque fois, je me suis senti triste pour la personne en question. J’espérais qu’elle se sente mal après coup, en réfléchissant à ce qu’elle a dit», a expliqué l’ex-Voltigeur, qui vient de compléter sa première saison chez les professionnels avec les Penguins de Wilkes-Barre.

«Mes parents m’ont inculqué de très bonnes valeurs, a ajouté Joseph. Ils m’ont appris à ne pas répondre par la violence. Souvent, je me contente de regarder la personne avec dégoût. Ce sont des gens ignorants qui n’ont jamais été sensibilisés à l’égalité entre les humains.»

De son côté, Isiah Campbell se souvient d’un incident survenu alors qu’il portait les couleurs des Eagles du Cap-Breton. «Un arbitre avait passé un commentaire à mon endroit. Ce n’est jamais le fun de vivre ça. Je me suis senti mal, surtout qu’un arbitre, c’est comme un policier au hockey. Finalement, ça s’était réglé assez vite. Il était venu s’excuser», a raconté le jeune homme de 19 ans originaire de Pierrefonds.

«Des événements comme ça, c’est arrivé à tous les gars noirs que je connais», a ajouté l’attaquant des Voltigeurs.

Isiah Campbell. (Photo d’archives, Ghyslain Bergeron)

Campbell, dont le père est natif de la Jamaïque, espère que la prise de conscience collective des derniers jours permettra de faire changer les mentalités. «Ça fait mal au cœur de voir cette vidéo, mais il n’y a pas que lui qui est mort. Il y a plein d’autres situations semblables. Il faut que ça arrête. Ce qui se passe en ce moment, ça permet de sensibiliser tout le monde. C’est un mouvement qui commence. C’est possible de changer les choses, mais ce ne sera pas facile. Ça va prendre beaucoup de temps.»

Un discours repris par Pierre-Olivier Joseph. «Je ne souhaite rien d’autre que ça, mais ce n’est pas la première fois qu’on voit un tel mouvement. Ça sensibilise les gens à ce qu’on vit au quotidien comme personnes noires. Je suis curieux de voir où ça va nous mener. J’espère qu’on va voir de moins en moins de gestes racistes, jusqu’à tant que ça disparaisse. Mais combien de temps ça va prendre? C’est impossible de répondre à cette question», a-t-il conclu.

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