Petit baume sur un quotidien chamboulé

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Par Marilyne Demers
Petit baume sur un quotidien chamboulé
Les jeunes ont bénéficié de tablettes électroniques durant le confinement pour rester en contact avec leurs proches. (Photo : Ghyslain Bergeron)

CORONAVIRUS. En centre jeunesse, des imprévus, il y en a. Mais cela n’est pas comparable avec la pandémie du coronavirus.

À la mi-mars, le quotidien des jeunes du Centre de protection et de réadaptation pour les jeunes et les mères en difficulté d’adaptation Edgar-Laforest a bousculé. D’un seul coup.

Les classes ont pris fin. Les visites et les sorties ont été interdites. «Ce que vivent nos jeunes, ce n’est pas évident. Souvent, ils sont coupés de leurs familles. Ils se raccrochent aux visites et aux contacts qu’ils peuvent avoir afin de travailler sur eux et passer à travers de leurs mesures d’hébergement. Là, on leur a enlevé tout ça. On a déstabilisé leur routine et on sait qu’ils en ont besoin pour bien fonctionner», indique la psychoéducatrice Mélanie Adam.

Dès le début de la crise, les jeunes ont été confinés entre les murs de l’établissement du boulevard Lemire, anciennement connu sous l’appellation du Centre jeunesse de Drummondville, sans pour autant être oubliés.

Mélanie Adam, psychoéducatrice au Centre de protection et de réadaptation pour les jeunes et les mères en difficulté d’adaptation Edgar-Laforest, à Drummondville. (Photo: Ghyslain Bergeron)

Mélanie Adam a lancé un appel à tous sur les réseaux sociaux, invitant les Drummondvillois à dépoussiérer leurs vieux jeux de société pour les ados confinés. Le centre, qui compte quatre unités composées d’une douzaine de jeunes et une spécialisée de six jeunes, a reçu une cinquantaine de jeux de société neufs, gracieuseté du Joker Pub Ludique et d’une vingtaine de citoyens.

Rapidement, des livres, des plantes, des mandalas, des crayons, de la laine, du maquillage et des films se sont aussi accumulés sur le bureau de la psychoéducatrice. «Nos jeunes, on le sait, n’ont pas eu la vie facile. Ils sont très reconnaissants par ce qu’on peut leur offrir. Mais le plus beau remerciement pour les personnes qui ont donné aurait été de voir le sourire sur le visage de ces jeunes quand ils ont vu les dons», indique Mélanie Adam.

Pour Pâques, les jeunes ont chacun mangé un chocolat, offert par Jean Coutu. Julie Arel du resto La Muse ainsi qu’une donatrice anonyme ont remis chacune un lapin géant en chocolat. Saint-Hubert a livré des repas gratuits.

«J’ai trouvé ça vraiment mignon. Je ne m’attendais pas à recevoir ça des gens. C’était un beau geste de penser à nous», commente une jeune fille dont on ne peut dévoiler le nom, confidentialité oblige.

«Durant nos temps libres, on a joué aux jeux de société, on a fait du tricot, on a fait des bracelets. On a eu de l’imagination», lance-t-elle.

Si les dons, comme les jeux de société, ont permis de meubler les temps libres des jeunes, ils ont aussi aidé à poursuivre leurs apprentissages scolaires.

«On a dû se réorganiser au niveau des programmations. On se disait qu’on ne pouvait pas poursuivre le scolaire parce qu’on est des éducateurs, pas des professeurs. Et on ne voulait pas tomber dans la programmation d’été parce qu’en juin, les jeunes allaient être tannés», fait savoir la psychoéducatrice Mélanie Adam.

Le Joker Pub Ludique et une vingtaine de citoyens ont remis des jeunes de société aux jeunes en difficulté. (Photo: Gracieuseté)

À travers des activités ludiques, les jeunes ont appris des notions de mathématiques, de français, d’histoire, de géographie et de science, sans oublier l’éducation physique.

«De façon générale, les jeunes créent des relations significatives avec les intervenants. Mais durant la COVID-19, à travers les jeux de société, on a appris à les connaître d’une autre façon et eux aussi. Il y a une proximité qui s’est créée davantage à travers le jeu», soutient-elle.

La semaine dernière, alors que les classes ont repris à travers la province, les jeunes ont retrouvé trois périodes de scolaire sur six par jour. Un soulagement pour certains d’entre eux. «Arrêter l’école, ça m’a dérangée, parce que je finis mon secondaire cinq cette année. Ça mettait des petites choses de côté», indique une adolescente.

Durant les cours traditionnels, un enseignant est disponible, virtuellement. Actuellement, les trois autres périodes se poursuivent à travers l’apprentissage par le jeu.

Au-delà de la COVID-19

Durant la crise, le Centre de protection et de réadaptation Edgar-Laforest a bénéficié d’un prêt de tablettes du CIUSSS de la Mauricie-et-duCentre-du-Québec afin que les jeunes puissent voir leurs proches à travers l’écran.

«On a vu un soulagement, un certain apaisement chez nos jeunes qui ont pu voir leur famille et leur parler. Certains s’inquiétaient de la COVID-19 et des impacts pour leurs parents. Ils avaient beau entendre leurs proches leur dire qu’ils allaient bien, mais de le constater avec leurs yeux, il y a eu un effet positif», mentionne la psychoéducatrice Mélanie Adam.

(Photo: Ghyslain Bergeron)

Le 7 mai, Québec a permis les visites dans les centres jeunesse, sous certaines conditions. «C’était différent d’avant. On était dans la grande salle avec des agents et des intervenants. Les visiteurs portaient des masques. On était assis distancés. Mais j’étais contente», relate une jeune, qui a revu ses proches pour la première fois depuis la crise.

Certains n’ont toutefois pas eu cette chance. C’est notamment le cas d’une jeune fille qui, malgré la reprise des visites et des sorties, n’a pu revoir sa famille en raison d’une ordonnance de la Cour. «C’est bizarre de ne pas voir mes parents, sinon ça va. Ce qui est bien, c’est la tablette. J’ai pu voir et parler à mes parents. J’étais contente. Au début, c’était un peu étrange, mais on finit par s’habituer», confie-t-elle.

Toutefois, ce prêt étant temporaire, les tablettes devront être retournées à moyen terme. «Ce serait un avantage de les avoir pour tout le temps. Le territoire est très grand. On a des jeunes de La Tuque, Trois-Rivières, Bécancour, Victoriaville. Il y en a pour qui les visites sont plus rares parce que c’est plus difficile à organiser pour les parents qui sont loin et qui ont peu de moyens. Ça serait une bonne façon de maintenir le contact avec les familles au-delà de la COVID-19», avance la psychoéducatrice.

Peut-être, leur message sera-t-il entendu.

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