Une accompagnante aux aînés reçoit son équipement de protection… huit semaines plus tard

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Par Cynthia Martel
Une accompagnante aux aînés reçoit son équipement de protection… huit semaines plus tard
Sophie Bourgeois est accompagnante aux aînés depuis quatre ans.

CORONAVIRUS. Huit semaines se sont écoulées depuis le début de la pandémie au Québec et certains travailleurs qui oeuvrent auprès de personnes vulnérables viennent tout juste de recevoir leurs équipements de protection. Sophie Bourgeois, accompagnante aux aînés offrant des services de soutien à domicile, déplore cette situation et le manque de communication avec le CLSC Drummond.

La Drummondvilloise prodigue fréquemment des soins à cinq aînés, des hommes et des femmes très âgés et extrêmement vulnérables. Malgré le fait qu’on sait que la COVID-19 cause davantage de complications chez les «sages», Sophie Bourgeois a dû patienter jusqu’à cette semaine pour recevoir son équipement de protection individuelle… et il n’était toujours pas complet au moment de l’entrevue (mardi après-midi).

«Je n’en ai pas pour tous les clients. En fait, le CLSC doit nous fournir un équipement par bénéficiaire. Je ne peux pas me promener d’un usager à un autre avec le même, car il y a des risques de contamination», laisse entendre la travailleuse autonome qui accepte des contrats du CLSC.

Mme Bourgeois réclame cette protection depuis le début de la crise. Malgré cela, elle est demeurée sans réponse et dans le néant.

«Je n’ai jamais eu d’explications. J’ai envoyé à quelques reprises des courriels et aucune réponse, sinon que « ça s’en vient ». Je ne comprends pas pourquoi ç’a été si long, c’est une clientèle très à risque», insiste-t-elle.

«Aussi, on ne nous a jamais donné de consignes claires. Aucune formation. En fait, je n’ai jamais eu d’appels ou de communication depuis le début», poursuit celle qui est accompagnante aux aînés depuis quatre ans.

Sophie Bourgeois s’est surtout sentie mise de côté et laissée à elle-même lorsqu’elle a constaté que les infirmières et infirmières auxiliaires qu’elle croisait dans les domiciles où elle travaillait étaient vêtues des équipements de protection individuelle (masque et visière) et avaient tout le nécessaire pour éviter la contamination.

«J’ai eu l’impression que mes soins étaient moins considérés. Je ne comprenais pas pourquoi ces infirmières avaient rapidement eu leurs équipements et pas moi. Pourtant, on est dans le même milieu et on donne les mêmes soins d’hygiène. Elles donnent des bains, j’en donne, elles administrent des médicaments, j’en administre aussi. Je me suis sentie un peu mise de côté. C’est quelque chose que j’ai trouvé un peu plus difficile», confie-t-elle.

Prévoyante, professionnelle et ayant à cœur la santé de ses usagers, Sophie Bourgeois ne s’est pas fiée sur le CLSC pour recevoir ses équipements. Avant même que le gouvernement ne décrète l’état d’urgence sanitaire, elle avait fait le plein de Purrell et s’était procuré des masques. Des dépenses qu’elle a déboursées de sa poche.

«Dès que ç’a commencé en France, je me suis équipée. C’était important pour moi d’être prévoyante, car je suis une travailleuse autonome. Je ne peux pas me permettre qu’il arrive quelque chose à mes clients et perdre mon nom (…) Je le fais pour eux, car je n’ai pas peur pour moi. Mais avec les mesures mises en place, j’ai confiance», précise-t-elle.

Étant donné l’absence de communication et de formation, Sophie Bourgeois intervient selon le bon sens tout en appliquant les consignes de la Santé publique diffusées dans les différents médias.

«Depuis que j’ai reçu mon équipement, je n’ai pas eu de suivi à savoir si j’avais des questions. Je ne sais pas si c’est parce qu’on fait confiance aux gens. Il y a réellement une petite lacune ici. On aurait dû appeler tout le monde et s’assurer que chaque aidant à domicile ait bien compris le principe d’enfiler adéquatement un masque et de respecter toutes les règles de sécurité», déplore-t-elle.

Malgré les inquiétudes qu’elle a pu avoir et le stress que cela a pu causer, Mme Bourgeois continue de faire son travail avec cœur et rigueur tout en offrant son soutien constant aux familles des usagers.

«On doit supporter les familles inquiètes à travers nos inquiétudes. Un moment donné, j’étais le seul lien entre l’usager et la famille. Ils ont besoin d’être rassurés (…) Heureusement, les gens sont contents de me voir. De me voir fidèle au poste pour eux, ça les rassure. Ils sont beaucoup moins anxieux, parce qu’ils sont moins isolés», partage-t-elle.

Avant le début de la pandémie, Sophie Bourgeois accompagnait 18 aînés. Elle travaillait six jours par semaine à raison de plusieurs heures par jour. Elle ne s’occupe maintenant que de cinq personnes, les autres étant hébergées en CHSLD ou en résidence privée pour aînés où l’accès lui est depuis refusé alors qu’on manque cruellement de bras.

«Je me sens un peu impuissante face à ça. Je comprends la règle de ne pas pouvoir entrer, étant donné que je me promène d’une place à l’autre, mais en même temps, si on suit à la lettre les mesures d’hygiène, il semble qu’il serait important d’aller prêter main-forte», laisse-t-elle tomber.

D’ici à ce qu’elle puisse prendre soin de l’ensemble de ses clients à nouveau, Sophie Bourgeois use de créativité pour égayer un tant soit peu leur journée.

«J’essaie de trouver des moyens de les appeler. Certains peuvent sortir sur le balcon, donc je leur fais coucou ainsi. Aussi, je leur fais livrer des petites gâteries par la pharmacie ou des journaux. J’essaie de trouver de petits moyens pour les réconforter et leur dire que je serai là pour eux quand ça sera fini», termine l’ange gardien.

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