Elle sort de l’ombre grâce à l’amour de son cheval

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Par Emmanuelle LeBlond
Elle sort de l’ombre grâce à l’amour de son cheval
Il y a quatre ans, Léonie a rencontré sa jument Vanille et une grande amitié s’est tissée entre les deux. (Photo : Ghyslain Bergeron)

MAGAZINE. Automutilation, dépressions majeures, tentatives de suicide et hospitalisation. Du haut de ses 20 ans, Léonie Royer est passée à travers plusieurs épreuves lors de son enfance et de son adolescence. La jeune fille a réussi à se sortir de cette tempête grâce à une rencontre fortuite, celle de sa jument Vanille. Récit d’un coup de foudre à la fois spontané et bouleversant.

Dès que Léonie franchit l’entrée de l’écurie, elle est projetée dans un tout autre monde. Le temps s’arrête et ses soucis disparaissent. Par son sourire et ses yeux brillants, il n’y a pas de doute : elle se sent dans son élément.

Le pas léger, la jeune fille se déplace avec aisance sur le terrain en appelant sa grande amie, Vanille. Le cheval s’élance avec entrain pour rejoindre sa maîtresse. Pour Léonie, le lien qu’elle a développé avec son animal est sacré. «C’est l’être vivant que j’aime le plus dans le monde. Quand je ne vais pas bien, je pense à elle et elle me fait rire. Le seul moment où je ne suis pas anxieuse, c’est quand je suis avec elle. Elle est devenue ma principale raison de vivre», lance-t-elle avec sincérité.

Diagnostiquée TDA, personnalité limite, trouble de l’opposition provocation et anxieuse, Léonie a longtemps eu de la difficulté à jongler avec sa santé mentale. Elle s’est tournée naïvement vers l’automutilation pour apaiser sa détresse psychologique. À l’école secondaire, cette pratique était fréquente chez la jeune fille. «Quand je ne me sentais pas bien, je me coupais et ça me faisait du bien. Quand j’étais triste ou fâchée, ça me calmait», appuie-t-elle. Ainsi, les sévices corporels qu’elle s’infligeait apaisaient sa douleur intérieure.

Pour Léonie, le lien qu’elle a développé avec son animal est sacré. (Photo Ghyslain Bergeron)

«Il y a un bout, c’était tellement intense que même quand j’allais bien, je me coupais. C’était rendu une drogue. J’amenais mes lames à l’école et j’allais me mutiler aux toilettes. Quand j’arrivais chez moi, je le faisais aussi», témoigne-t-elle.

Malgré ses efforts, Léonie avoue que ses souvenirs restent flous pendant cette période. «J’ai fait une amnésie par rapport à ça», précise-t-elle. En revanche, elle se souvient qu’elle était totalement déboussolée. «J’étais extrêmement malheureuse. Je n’avais absolument aucune confiance en moi autant physiquement que mentalement», confie celle qui avait perdu espoir en la vie.

Ses premières expériences avec l’automutilation remontent au primaire, lorsqu’elle était en 6e année. La jeune fille faisait des crises régulièrement, et ce, pendant de longues heures. «Je criais, je pleurais, je défaisais tout. C’était pratiquement de quatre à cinq fois par semaine», précise-t-elle. Pendant l’un de ces épisodes, Léonie a pris un couteau à steak pour couper sa cheville. «C’était comme une tentative de suicide, mais extrêmement ratée. Ça saignait, mais au final ce n’était pas grave du tout», soutient-elle.

Un secret bien gardé

Plusieurs années se sont écoulées avant que Léonie parvienne à parler ouvertement de sa problématique à son entourage. «Je ne faisais pas confiance aux adultes. Toutes les fois que je parlais que je n’allais pas bien, on me rentrait à l’hôpital où on me punissait. Je me suis fait hospitaliser plusieurs fois à cause que je parlais», confesse-t-elle.

La jeune fille préférait partager ses émotions par l’intermédiaire de sa page Facebook intitulée Mon corps est mon journal, ma lame est un stylo. Par des publications anonymes, Léonie rédigeait des textes et diffusait des photos sur l’automutilation. Elle profitait de l’occasion pour interagir avec d’autres adolescents de son âge. Elle se sentait utile d’écouter leurs histoires. «Je ressentais vraiment le besoin d’aider les autres. Ça me faisait du bien de ne plus penser à moi. Soulager la douleur de quelqu’un d’autre, ça me permettait de me sentir mieux», affirme-t-elle.

Les périodes d’automutilation de Léonie étaient ponctuées de haut et de bas. La jeune fille a eu une importante rechute à l’âge de 16 ans quand son meilleur ami s’est suicidé. Dès lors, elle a plongé dans une phase de dépression importante, se soldant par une tentative de suicide. Ses deux poignets étaient en sang. Léonie a été transportée à l’hôpital pour se retrouver dans une aile psychiatrique. À sa sortie, elle a été accueillie dans un centre jeunesse. Et pour la première fois, elle n’avait plus accès à ses lames.

Un amour inconditionnel

(Photo Ghyslain Bergeron)

C’est à la fin de son séjour au centre jeunesse, il y a quatre ans, que Léonie a rencontré son cheval. Le conjoint de sa mère avait une écurie à Victoriaville. Un beau jour, ses demi-sœurs lui ont proposé de venir visiter l’endroit pour se changer les idées. «Vanille était dans le même enclos que les deux chevaux de mes demi-sœurs. C’est là que je suis tombée en amour», se souvient Léonie.

En discutant avec la propriétaire, Léonie a convenu de payer une demi-pension au cheval, ce qui lui permettait de visiter sa jument quand elle le désirait. Un peu plus tard, la jeune fille l’a ensuite achetée. À son grand bonheur, elle passe tous ses temps libres avec Vanille. Parfois les deux complices se promènent en forêt, d’autres fois elles s’amusent dans le manège extérieur.

Léonie sait qu’elle n’est pas à l’abri des rechutes. C’est pourquoi elle se rattache à l’amour qu’elle ressent pour son cheval. La présence de l’animal est une source de réconfort qui aide la jeune fille à faire face au quotidien. «Quand je ne vais pas bien, la seule chose que j’ai envie de faire, c’est d’aller la voir, appuie-t-elle. La dernière fois que j’ai pleuré, j’ai juste pensé à Vanille et ça m’a aidé à me calmer.»

Au fil du temps, une amitié profonde s’est tissée entre les deux complices. Pour l’avenir, Léonie ne souhaite qu’une chose : avoir son animal à la maison. Cette grande rêveuse aspire même à posséder une écurie afin de vivre de sa passion.

 

(Note de la rédaction : cet article a été rédigé avant la pandémie de la COVID-19)

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