Manger des insectes… pourquoi pas?

Manger des insectes… pourquoi pas?
Une salade d’épinards au fromage de chèvre, poires et ténébrions faite par Nutrivore. (Photo : Nutrivore)

MAGAZINE. Les insectes n’ont rien d’appétissant. Certains diront qu’ils sont même dégoutants. Pourtant, plus de deux milliards d’humains en mangent quotidiennement. Il faudra s’y faire : l’entomophagie se glissera de plus en plus dans la cuisine occidentale… Est-ce que le prochain Guide alimentaire conseillera de manger des insectes? C’est peu probable, mais peut-être est-il temps de déconstruire nos idées préconçues envers cet aliment.  

Les insectes comestibles font partie du régime alimentaire de l’Homme depuis belle lurette, mais dans quelques sociétés, notamment en Occident, une certaine répugnance à les consommer s’est montrée. «Cette attitude a conduit à négliger les insectes dans la recherche agricole», peut-on lire dans un rapport publié par l’Organisation des Nations Unies (ONU) pour l’alimentation et l’agriculture.

Véronique Bouchard

«Quand on est jeune, on s’est toujours fait dire de ne pas jouer avec des insectes ou de ne pas en manger. En Amérique du Nord, on a un certain blocage psychologique. Ici, on a accès à des protéines de toutes sortes. L’insecte, c’est un peu un dernier recours pour nous. Pourtant, ce n’est pas pire qu’une crevette», lance Véronique Bouchard, éleveuse d’insectes comestibles et vice-présidente de l’Association des éleveurs et transformateurs d’insectes du Québec (AÉTIQ).

Pourquoi en manger?

La planète hébergera neuf milliards d’êtres humains d’ici 2050, selon l’ONU. Ainsi, il sera nécessaire de réévaluer ce que nous mangeons et comment nous le produisons. L’industrie de la viande est très nocive pour notre environnement, qui se fragilise à vue d’œil.

Les insectes comestibles s’imposent comme une option intéressante, car ils demandent très peu de ressources pour leur élevage, contrairement à un bœuf, par exemple.

«C’est un fait : on doit manger moins de viande animale et industrielle, sauf qu’on a besoin de protéines dans notre alimentation. L’insecte, c’est une belle alternative, surtout qu’il peut être produit n’importe où : dans le Grand Nord, dans un petit village reculé, en Amérique du Sud, énumère Mme Bouchard. Ça nécessite juste une bâtisse chauffée. Ça ne demande pas de superficie de terrain, d’infrastructure, d’abattoir ou même d’eau. Il n’y a que de bonnes raisons de manger des insectes».

Selon elle, pour 25 grammes de protéines — une portion qui équivaut à un repas —, on aurait besoin d’une portion de 100 grammes de viande et de seulement 50 grammes d’insectes déshydratés.

Pour 15 grammes de ténébrions, on retrouve huit grammes de protéine. (Photo: Ghyslain Bergeron)

Quelques idées de recettes

Il est peu probable que vous trouviez une recette à base d’insectes dans un magazine de Ricardo. Toutefois, quelques entreprises se spécialisent dans la conception de petits plats faits avec des insectes. Comme c’est le cas pour Nutrivore qui propose une salade d’épinards au fromage de chèvre, poires et ténébrions (voir photo).

Avant de manger les ténébrions, ils sont bouillis puis déshydratés. Il est aussi possible de les broyer pour en faire une poudre que l’on ajoute à ses recettes.

«Ça ne goûte pratiquement rien, donc ça peut être intégré à n’importe quelle recette, fait savoir Véronique Bouchard, qui élève des insectes comestibles sur sa fermette, à Lefebvre. Pour quelqu’un qui ne veut pas les voir, les insectes en poudre sont l’idéal. Moi, j’en ajoute dans mes smoothies, sur mon yogourt ou encore dans mes salades».

Si vous êtes comme la vice-présidente de l’AÉTIQ et que vous préférez les ténébrions entiers, plusieurs options s’offrent à vous. «Je me fais souvent des boules d’énergie. Les ténébrions amènent un petit côté croquant, comme une noix. Il n’y a pas de limites à ce que l’on peut faire comme recettes».

Dans les prochaines années, Véronique Bouchard s’attend à voir le marché d’insectes comestibles se développer au Québec. «Le marché est en croissance. Il y a déjà beaucoup de demandes pour transformer des insectes en nourriture pour les animaux. Puis, on ressent un engouement en ce qui concerne l’alimentation humaine. De petites boulangeries et des écoles de formation s’intéressent à l’entomophagie», explique-t-elle.

Présentement, il n’est cependant pas plus économique de consommer des insectes en comparaison à de la viande. «Les prix vont baisser quand il y aura un véritable marché. D’ici là, il faut que les gouvernements investissent pour développer le bassin de connaissances au Québec», espère-t-elle, en précisant que le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation est très ouvert en ce qui concerne l’entomophagie.

Testé pour vous

Alors que certains ont préféré s’abstenir, les journalistes de la salle de rédaction de L’Express Magazine ont osé goûter à des ténébrions déshydratés. Voici leur réaction post-dégustation :

Cynthia Giguère-Martel : «Ça me répugne. Jamais de la vie».

Emmanuelle LeBlond : «Le goût est surprenant! L’image est ragoutante, mais au final, ça s’apparente à ce qu’on est habitué à manger».

Erika Aubin : «Ça ne goûte pas grand-chose. Je vais ramener le reste du sac de ténébrions pour me faire une salade!»

Ghyslain Bergeron : «Je vais adopter cette alimentation quand je serai obligé».

Jean-Pierre Boisvert : «C’est très sec, mais la texture ressemble à une croustille».

Jonathan Habashi : «Ça goûte salé, mais je suis surpris, car ce n’est pas si mauvais. En regardant les ténébrions, ça avait l’air dégueulasse».

Lise Tremblay : «Je ne veux rien savoir. J’aimerais mieux manger ma pelouse que des insectes!»

Marilyne Demers : «Ark! Ça m’écoeure juste de les voir sur le bureau d’Erika».

L’Express a demandé — via sa page Instagram — ce que vous pensiez de l’entomophagie. Voici vos réponses

 

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