Eugénie Kipré, la grand-maman qui inspire toute une génération

Eugénie Kipré, la grand-maman qui inspire toute une génération
Eugénie Kipré et sa petite-fille, Déborah. (Photo : Patrick Milot)

FEMMES. Entre la guerre en Côte d’Ivoire, les camps de réfugiés et son immigration au Canada, Eugénie Kipré n’a jamais manqué de courage. Avec huit autres femmes, elle a été choisie pour faire partie de l’exposition Les femmes inspirantes, présentée au Musée national de la photographie Desjardins (MNPD). 

Sur les murs du MNPD, on retrouve un portrait d’Eugénie Kipré et de sa petite fille, Déborah. Sur le cliché capté par Patrick Milot, elles sourient. Mais derrière cette joie se cache une histoire difficile, qui mérite d’être soulignée en ce 8 mars, Journée internationale des droits des femmes.

En 2010, Eugénie Kipré vivait paisiblement en Côte d’Ivoire avec son mari, Zoro Bi Tomi Alex, ses cinq enfants et ses petits-enfants.

À cette époque, c’est Laurent Gbagbo qui était président du pays situé en Afrique de l’ouest jusqu’à ce qu’il soit remplacé par Alassane Ouattara et qu’une crise sociale éclate. «Le président a été enlevé de son poste de force et c’est la France qui a aidé et financé les rebelles», soutient Zoro Bi Tomi Alex, qui travaillait comme agent de sécurité.

«Il faut comprendre que la France a colonisé beaucoup de pays et qu’elle veut que ces pays restent sous sa domination, même s’ils sont aujourd’hui souverains, explique-t-il avec un français approximatif. Le président Laurent Gbagbo ne voulait pas exécuter les ordres donnés par la France, car il pensait que l’Occident n’avait pas à lui imposer quoi que ce soit».

La guerre

À ce moment, la vie d’Eugénie Kipré, ainsi que celle des membres de sa famille, a pris une tournure tragique : son pays était en guerre dans son pays d’origine.

«Pendant la guerre, il y avait des tirs et des morts, se souvient difficilement Mme Kipré. Avec une partie de ma famille, nous avons fui vers un camp de réfugiés, au Ghana. J’ai dû laisser mon conjoint derrière». Elle a reçu un appel, quelques mois après son départ vers le Ghana, car son mari resté en Côte d’Ivoire avait été capturé par les rebelles.

«Les rebelles m’ont dit de faire ma dernière prière, car ils allaient m’exécuter», raconte Zoro Bi Tomi Alex. Contrairement aux autres hommes qui se trouvaient avec lui au moment où il a été capturé, le père de famille a été épargné. Mais avant de le laisser partir, les rebelles l’ont battu, violemment. Personne n’explique pourquoi il a été sauvé de l’exécution.

«Je ne sais pas pourquoi, mais ils ont épargné mon mari. C’est grâce à Dieu. Dieu l’a épargné», soutient Mme Kipré.

Eugénie Kipré est retournée en Côte d’Ivoire, à la recherche de son mari blessé. «Ça m’a pris tout mon courage pour aller le chercher. J’ai trouvé mon village désert. Il n’y avait personne. Je ne voyais que des cadavres brûlés et des gens égorgés», relate-t-elle, en essuyant une larme.

Finalement réunie, la famille de Mme Kirpé a quitté le Ghana, où l’on parle l’anglais, pour le Togo, un pays francophone. Ainsi, les enfants ont pu continuer leur scolarisation. La famille est restée pendant huit ans au Togo, confinée dans un camp de réfugiés qui était installé au bord de la mer dans la capitale, Lomé.

«Les conditions dans les camps étaient difficiles. On devait faire le rang pour avoir de la nourriture. On nous donnait du riz, du sucre, un peu d’huile, de la farine, des tomates et des sardines. Les portions diminuaient souvent, jusqu’au jour où l’on ne recevait plus rien», détaille-t-elle.

Pour survivre, Eugénie Kipré cuisinait des plats et confectionnait des sacs qu’elle revendait. Son mari vendait des objets, comme des rasoirs et des lipsils, dans la ville. Il a également décroché quelques petits boulots ici-et-là.

Les procédures d’immigration vers le Canada ont commencé en 2015. C’est finalement en février 2019 que la famille d’Eugénie Kipré a mis les pieds dans la belle province. Elle a immigré avec trois de ses enfants et sept de ses petits-enfants. Ses deux autres enfants sont présentement au Maroc et elle espèrent qu’ils pourront un jour les rejoindre au Canada.

«Je suis vraiment très contente d’être ici. Je me souviens, le 31 décembre dernier, j’ai fait une fête à la maison avec ma famille. J’ai chanté, dansé et remercié Dieu de m’avoir amenée au Canada», exprime-t-elle, en souriant.

Eugénie Kipré et son conjoint s’entendent pour dire que tant qu’Alassane Ouattara sera président de la République de Côte d’Ivoire, ils ne retourneront pas dans leur pays d’origine.

Eugénie Kipré et son mari, Zoro Bi Tomi Alex.

 


Femmes inspirantes
Pour une 2e année consécutive, le Regroupement Interculturel de Drummondville, en partenariat avec le Musée National de la Photographie Desjardins, organise une exposition en hommage aux femmes immigrantes de Drummondville.

Patrick Milot, membre du Club Photo Drummond, dévoilera 20 portraits pour la Journée internationale des droits des femmes.

Le vernissage aura lieu le 8 mars, dès 14 heures, au Musée National de la Photographie Desjardins.

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