La beauté tous azimuts

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Par Cynthia Martel
La beauté tous azimuts
Claudia Boudriau Raymond. (Photo : Gracieuseté)

MAGAZINE. Le culte des apparences domine la vie de bien plus de personnes que l’on croit. Le modèle unique de beauté, de jeunesse et d’une extrême minceur continuellement véhiculé par l’industrie de la mode, la publicité et les médias sociaux encourage les gens dans leur quête de la perfection. Depuis près de cinq ans, l’agence de mannequins EMA célèbre la diversité corporelle et favorise une image saine et positive du corps.

Ce souci de mettre sous les projecteurs des hommes et des femmes d’âges différents et de tailles diverses a d’ailleurs contribué à la réputation de l’agence de mannequins lancée il y a 25 ans par la Drummondvilloise Jacynthe Bouffard.

«Ça fait quatre ans qu’on insiste là-dessus (diversité corporelle). Lorsque j’ai décidé de miser sur ce thème lors du défilé de mode, présenté annuellement en avril devant 1500 spectateurs, on était dans les premiers. L’an passé, le défilé avait pour titre La diversité dans sa beauté», indique-t-elle d’entrée de jeu.

La beauté peut avoir plusieurs définitions. Elle n’est pas nécessairement celle correspondant à l’archétype hollywoodien.

«On a été habitué à ce que tout soit parfait dans toutes les sphères de notre vie. Par exemple, avant, à l’épicerie, il n’était pas question de mettre dans les étalages une carotte toute croche ou bien une tomate difforme. Bien c’est pareil pour les humains», image Mme Bouffard.

«Mais à mon avis, tout est une question d’attitude, de personnalité. Quelqu’un de lumineux, sûr de lui et qui prend soin de lui, c’est ça la beauté et la perfection (…) Et la diversité, pour moi, ce n’est pas juste la grosseur, c’est aussi la grandeur, l’âge, la couleur de la peau, un nez pas comme les autres…», ajoute-t-elle.

Jacynthe Bouffard est la directrice de l’agence EMA. (Photo gracieuseté)

D’ailleurs, la diversité corporelle ne fait pas obstacle aux saines habitudes de vie. Durant leur formation chez EMA, les mannequins reçoivent un cours à ce sujet abordant des thèmes tels que les bienfaits d’une bonne hydratation et de l’exercice physique régulier, les règles de base d’une saine alimentation, le sommeil et la gestion du stress.

Par son audace, l’agence a su petit à petit démocratiser les standards de beauté. Elle a ainsi assoupli ses critères de sélection.

«C’est sûr que pour les mannequins, les critères concernant la grandeur et la grosseur sont encore importants, mais il y a tout de même une évolution au Québec. Par exemple, Groupe Marie Claire nous booke régulièrement différents types de femme (…) Nous avons beaucoup de contrats incluant des hommes et des femmes cadrant dans la diversité, surtout pour nos mannequins du volet figurants. D’ailleurs, cette banque regroupe des gens de différents horizons : athlètes, médecins, personnes de 60 ans et plus, enfants, etc.», laisse-t-elle entendre, précisant qu’elle reçoit quotidiennement une quinzaine de demandes de recrutement.

Deux exemples inspirants

Claudia Boudriau Raymond et Chelsea Nzojibwami, deux mannequins figurantes à l’agence Ema, représentent deux exemples parfaits qui redéfinissent la beauté dans l’industrie de la mode.

À la suite d’un accident, Claudia a pris beaucoup de poids. Ayant du mal à l’accepter, elle a vécu des moments difficiles jusqu’au jour où elle a été sélectionnée, à la suite d’un concours, pour une séance photo pour Claire France.

«Ce fut une expérience inoubliable qui a changé ma vie, lance-t-elle. L’équipe m’a fait part du potentiel que j’avais pour en faire un travail plus sérieux. Ma confiance était maintenant gonflée à bloc. On me trouvait rayonnante et enfin j’étais convaincue que la beauté venait de l’intérieur. Je me suis aimée inconditionnellement à partir de ce moment.»

Chelsea Nzojibwami. Photo gracieuseté)

Chelsea, jeune étudiante de 19 ans à la peau noire, accepte ses quelques rondeurs. Elle avoue n’avoir jamais été complexée par son apparence. Sa confiance en elle l’a poussée à auditionner pour l’agence EMA qui l’a rapidement recrutée. Elle a, depuis, réussi à décrocher quelques contrats.

Un enjeu capital

Pour ces jeunes femmes, la diversité corporelle est un enjeu important, pas seulement dans l’industrie de la mode, mais aussi au quotidien. Elles remarquent d’ailleurs de plus en plus d’ouverture, même s’il reste encore du chemin à faire.

«Nous sommes tous différents et beaux dans notre unicité. Je pense que la société est en éveil. On se rend compte tranquillement que les critères de beauté sont une barrière à notre amour propre. Je pense aussi que le bodypositivism aide à cet éveil. Si vous saviez le nombre de mercis, de caresses (par de purs inconnus) que j’ai pu avoir après un défilé Ema juste parce que j’étais là, épanouie et confiante dans mon corps sur la passerelle. La diversité corporelle, c’est beau, ce n’est pas ennuyant, c’est émancipant», expose Claudia.

«La diversité commence à évoluer petit à petit. Il le faut et c’est une bonne chose (…) On montre une ouverture plus grande et il y a de grandes avancées, notamment en acceptant maintenant les mannequins transgenres. De plus, les consommateurs ont un choix plus large dans les boutiques, je pense, entre autres, à H&M où il y a à peine dix ans, il n’y avait pas de section taille plus», affirme de son côté Chelsea, ajoutant que plus l’on fera la promotion de la diversité, plus les gens auront tendance à mieux s’accepter.

Ce «mouvement» qu’est la diversité corporelle aide à combattre les stéréotypes, vise à encourager l’estime de soi et favorise la santé mentale et physique plutôt que l’apparence.

«Si je me fie aux publicités que l’on peut voir maintenant dans les médias, je trouve qu’elles sont moins ciblées, parce qu’elles représentent tous les groupes de la société. Les gens se sentent ainsi plus interpellés. Les mannequins, eux, se sentent moins lésés.»

De l’avis des trois femmes, la différence rend beau et unique. Il est important d’accepter ce qu’on ne peut changer.

«On a tendance à s’attendre à ce que tout le monde nous aime, mais au fond, ce qui compte, c’est de s’aimer, insiste Chelsea. De toute façon, on ne peut pas plaire à tous. Il faut avoir cette attitude pour aller de l’avant et profiter de la vie. C’est un travail constant.»

«J’étais complexée avant de faire du mannequinat, mais il y a eu un déclic qui s’est fait en moi, comme si je venais d’ouvrir la lumière. Pour moi, si on s’aime profondément, on est beau. Quand on est heureux de sa personne, confiant et souriant, les gens nous trouvent encore plus beaux et ma théorie me le prouve chaque jour», souligne pour sa part Claudia.

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