L’exploitation sexuelle, un phénomène en hausse au Centre-du-Québec

L’exploitation sexuelle, un phénomène en hausse au Centre-du-Québec
En cette Journée mondiale de lutte contre l’exploitation sexuelle, l’organisme La Piaule estime que le phénomène est en hausse en région. (Photo : Ghyslain Bergeron)

DOSSIER. Il y a un avant Fugueuse. Et il y a un après. La série télévisée qui raconte l’histoire fictive de Fanny, une victime d’exploitation sexuelle, a permis de mettre en lumière cette problématique, en hausse au Centre-du-Québec comme ailleurs dans la province.

Le 4 mars étant maintenant la Journée mondiale de lutte contre l’exploitation sexuelle, le temps est à la communication.

«Le contexte est favorable pour parler d’exploitation sexuelle. En 2014, un changement de loi a décriminalisé la prostitution. Ce n’est plus la travailleuse du sexe qui est la criminelle, mais plutôt les proxénètes et les clients. Le mouvement #moiaussi et la série Fugueuse ont aussi contribué à ouvrir un dialogue», rapporte Bianca Boudreau, coordonnatrice au volet sensibilisation, prévention et intervention de l’exploitation sexuelle pour l’organisme drummondvillois La Piaule.

«Avant l’émission Fugueuse, on parlait de prostitution en pensant à la travailleuse du sexe sur la rue Sainte-Catherine qui fait cela par choix. Maintenant, on parle davantage d’exploitation sexuelle surtout lorsqu’il est question de personnes d’âge mineur», observe Alexis Vandal, travailleuse de rue à La Piaule.

Le dialogue n’aura toutefois pas permis d’enrayer la problématique. Bien qu’il soit difficile d’obtenir des statistiques qui concernent précisément l’exploitation sexuelle, les deux intervenantes croient que le phénomène est en hausse au Centre-du-Québec, comme dans la province.

«Ce n’est pas concret, car on n’a pas de chiffres. Nous avons demandé à la Sûreté du Québec, mais les cas d’exploitation entrent dans les cases “agressions sexuelles” ou encore “crime contre la personne”», explique Bianca Boudreau. «Mais on travaille sur le terrain, on sait comment ça se passe. On sait aussi qu’il y a une forte demande, donc beaucoup d’offres», ajoute Alexis Vandal.

La Piaule, en collaboration avec 18 organismes de la région, a produit un rapport qui dresse un portrait de l’exploitation sexuelle au Centre-du-Québec.

Dans le cadre de ce portrait, de nombreux intervenants en sont venus au constat qu’on banalise l’hypersexualité. «Je dirais même qu’avec l’hypersexualisation, la pornographie et internet, on valorise sans le vouloir la sexualité. En ce moment, le sexe est à la mode. Être pimp, c’est à la mode. D’ailleurs, il faut se rendre compte qu’on utilise le mot pimp à toutes les sauces. On pimp un char; un curriculum vitae», dénonce Bianca Boudreau.

Dans son rapport, La Piaule a également fait ressortir deux tendances de recrutement des mineures : les femmes recruteuses et internet. «Les proxénètes le savent que les jeunes filles vont plus facilement faire confiance à une femme. Donc, on voit un nombre grandissant de prostituées qui aident leur proxénète à recruter», explique Alexis Vandal.

Internet, un outil pour le recrutement

Que ce soit sur Facebook, Snapchat, Instagram ou TikTok, internet est le lieu de rassemblement des jeunes. Les proxénètes en sont bien conscients. «Les réseaux sociaux sont le plus beau des cadeaux qu’on aurait pu faire aux proxénètes. Quelle que soit l’application, ça se transforme rapidement en une plateforme de recrutement», constate Bianca Boudreau.

«Il y a un manque d’éducation en ce qui a trait à la citoyenneté numérique et il y a beaucoup de zones grises sur internet. La mentalité est que ce qui se passe sur internet reste privé. Les jeunes se sentent invincibles derrière leur écran… Et sans le savoir, ils partagent beaucoup d’informations qui peuvent être utiles aux proxénètes», ajoute Alexis Vandal, en donnant l’exemple d’une adolescente qui écrit sur Facebook qu’elle vient de se faire laisser par son copain. Dans une publication de la sorte, un proxénète y voit une vulnérabilité, donc une opportunité.

D’ailleurs, Alexis Vandal porte aussi le chapeau de travailleuse du web. Elle a un compte Tinder et Facebook pour entrer en contact avec les jeunes et apporter une écoute à ceux qui le désirent. Pour La Piaule, l’objectif est d’offrir un soutien aux jeunes tout en restant à l’affût de ce qui se passe sur internet.

NDLR : Dans ce texte, le journal utilise le féminin, car les femmes sont surreprésentées dans le milieu de la prostitution.

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