La rétrogradation d’Alain d’Auteuil : manque d’éthique ou règlement de compte politique ?

La rétrogradation d’Alain d’Auteuil : manque d’éthique ou règlement de compte politique ?
Alain D’Auteuil. (Photo : Frédéric Marcoux - Archives)

TRIBUNE LIBRE. Le journal L’Express, dans son édition numérique du 14 février 2020, nous apprenait que le conseiller Alain d’Auteuil, bien connu pour son engagement en faveur de l’environnement et de lutte contre les changements climatiques, avait été relevé de ses fonctions au sein de la commission municipale sur l’environnement pour un supposé manquement au Code d’éthique des membres du conseil municipal.

On lui reproche d’avoir invité les citoyens, ayant posé leur candidature pour faire partie de cette commission, à une rencontre d’un organisme communautaire dûment constitué et dont M. d’Auteuil est aussi membre.

De façon évidente, il s’agit d’un prétexte cachant mal des divergences profondes en matière de vie démocratique et d’environnement.

En effet, si le Code d’éthique interdit d’utiliser à des fins personnelles des renseignements obtenus dans le cadre de son mandat, peut-on prétendre que le fait d’inviter des citoyens à participer à une rencontre d’un organisme communautaire dûment et légalement constitué constitue un usage personnel de renseignements personnels de citoyens ?

La réponse est clairement négative. De fait, le mobile de l’acte posé est clairement un motif d’intérêt public (la participation de tous les citoyens en matière d’environnement) et ne vise absolument pas les intérêts personnels ou privés du conseiller D’Auteuil. Le fait que M. D’Auteuil soit membre ou occupe une fonction au sein dudit organisme ne change rien à cette analyse : cet organisme communautaire dispose de sa propre identité ou personnalité légale et amalgamer les intérêts de l’organisme en cause avec ceux de M. D’Auteuil est totalement erroné et sur le plan juridique et sur le plan éthique.

Si l’argument de la ville est non fondé du point de vue éthique, il révèle surtout une conception extrêmement étroite, pour ne pas dire étriquée, de la démocratie locale.  Pour certains élus locaux, l’entière légitimité démocratique repose dans les mains des seuls conseillers municipaux élus. Cette conception, associée à la démocratie élective libérale, est aujourd’hui largement délaissée au profit d’une démocratie participative où élus locaux, organismes du milieu et scientifiques indépendants s’allient et travaillent ensemble pour faire progresser la société.

Cette vision étroite de certains élus est d’ailleurs au centre de la crise de confiance qui oppose aujourd’hui la population à ses élus de tous les paliers de gouvernance.

La conception moderne d’une démocratie réellement participative s’impose d’ailleurs totalement en matière d’environnement et de lutte contre les changements climatiques, car sans la participation pleine et entière de tous, gouvernements, municipalités, organismes du milieu, entreprises et citoyens, il sera impossible de faire face à la crise climatique qui nous menace aujourd’hui.

Ce qu’il y a également d’inquiétant dans la décision de la Ville de Drummondville c’est l’attitude des membres de la commission municipale sur l’environnement qui ont imposé cette rétrogradation. Il est difficile de comprendre pourquoi des personnes qui se disent engagées en matière d’environnement peuvent, pour un fait sans gravité et qui n’entraîne aucun préjudice réel, exclure une personne profondément engagée en matière d’environnement. Serait-ce que M. D’Auteuil faisait de l’ombre aux prétentions non fondées de certains membres de cette commission ? Ces personnes ont aussi une obligation éthique de justifier publiquement leur décision.

Chose certaine, le déséquilibre entre la faible gravité de l’acte et l’extrême sévérité de la sanction rend invraisemblables les explications fournies par la ville jusqu’à maintenant.

La réintégration ou non de M. D’Auteuil dans ses fonctions constitue donc un test : il nous dira si l’engagement de Drummondville en matière d’environnement est réel ou n’est qu’une posture rhétorique, un «greenwashing» pour reprendre le temps utilisé par nos amis anglophones…

Richard E. Langelier

Richard E. Langelier est docteur en droit et sociologue. Il dirige également un ouvrage consacré à la protection des renseignements personnels avec les professeurs Jean Hétu et Yvon Duplessis.

 

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