Drummondville : la muse du photographe Elder

Martin Bergevin
Drummondville : la muse du photographe Elder
Lorne Elder, autoportrait, 1938. (Photo : Photo SHD, Fonds Lorne Elder ; P181, D8, P2)

SOCIÉTÉ D’HISTOIRE DRUMMOND. L’écrivain français Émile Zola, également photographe à ses heures, affirmait que l’on ne peut pas dire que l’on a véritablement vu quelque chose si l’on n’en a pas pris un cliché, pour en révéler tous les détails qui autrement ne pourraient être discernés.

En contemplant l’œuvre de Lorne Elder, un photographe ontarien amateur de passage à Drummondville à la fin des années 1930, cette citation s’est mise à résonner dans ma tête et m’est apparue naturellement comme une évidence. Elder avait dû lire Zola car, sur le point de retourner chez lui en 1938, il avait parcouru la ville pour la contempler et la photographier sous tous ses angles, comme pour figer sur pellicule ses moindres spécificités et en extraire toute la beauté. Aussi, sans doute, pour ne jamais oublier son voyage chez nous. Comme on ne veut oublier un amour de vacances. Il faut dire que son séjour à Drummondville, bien qu’il ait été de courte durée, a été déterminant dans la vie professionnelle du jeune homme.

Canadian Celanese, 1938. (Photo SHD, Fonds Lorne Elder ; P181, D24, P10)

Lorne Elder (1916-2009) est originaire de Hensall, un petit village situé à proximité du Lac Huron, en Ontario. Habité par l’ambition de concevoir et de fabriquer de gros moteurs diesel et voyant le peu d’emplois disponibles dans son coin de pays en raison de la Grande Dépression, le jeune rêveur de vingt ans quitte la maison paternelle avec ses petites économies pour rejoindre l’Angleterre, le berceau de l’industrialisation, mais s’arrête d’abord à Drummondville pour passer quelques jours auprès de sa sœur Mary Helen et de son beau-frère, Alfred Howe.

Les Howe habitent alors une maison du boulevard Mercure qui, bien que modeste, offre une vue imprenable sur la rivière Saint-François. Alfred est ingénieur de métier et travaille à la Canadian Celanese. C’est lui d’ailleurs qui ouvre les portes de l’usine de textile au jeune frère de son épouse. Lorne œuvre donc durant quelques mois à la manufacture, dans le bâtiment des chaudières. Cette première expérience, bien que brève, confirme ses intentions de devenir ingénieur et c’est ainsi qu’il s’inscrit, en 1938, à l’Université Queen’s de Kingston en génie mécanique. Il y gradue avec mention d’honneur en 1942 et occupe par la suite divers postes d’ingénieur en chef pour des firmes de Hamilton, Kingsville, Chatham et London. Il prend sa retraite en 1982 après avoir exercé son métier de rêve durant près de quarante ans.

Pique-nique en famille, 1938. (Photo SHD, Fonds Lorne Elder ; P181, D23, P2)

Lorne Elder s’éteint le 20 décembre 2009 à Burlington, en Ontario, à l’âge honorable de 93 ans. Il avait gardé durant toutes ces années les quelque deux cents photographies prises à Drummondville entre février et août 1938. Après son décès, la succession les a découvertes et les a faites parvenir à la Société d’histoire de Drummond. Le corpus se présente comme un reportage-photo et illustre les lieux significatifs de son séjour ici, notamment la maison des Howe où il habitait, le parc Sainte-Thérèse où il pique-niquait avec la famille et les amis, la rivière Saint-François qu’il admirait chaque matin au réveil, ainsi que la Canadian Celanese où s’était confirmé son rêve de jeunesse de devenir ingénieur.

Elder s’est aussi intéressé à l’actualité locale lorsqu’il est venu ici. Comme s’il n’avait pas simplement voulu admirer Drummondville, mais qu’il avait aussi aspiré à la connaître, en la saisissant spontanément, à la manière des photographes de rue, pour la montrer sans artifice. Quoi qu’il en soit et peu importe l’intention véritable de Elder, à travers son œuvre, il nous transporte ici, mais bien avant, et nous raconte un fabuleux voyage. Toutes les photographies de Lorne sont disponibles pour consultation aux locaux de la SHD.

 

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