Abolition des commissions scolaires : le monde de l’éducation sous le choc

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Par Jean-Pierre Boisvert
Abolition des commissions scolaires : le monde de l’éducation sous le choc
Lyne Bélanger. (Photo : gracieuseté)

ÉDUCATION. Le monde de l’éducation est sous le choc, même après avoir essayé en fin de semaine de digérer l’abolition des commissions scolaires et surtout le congédiement sur-le-champ des commissaires par le gouvernement Legault.

C’est vers 3 heures du matin samedi que le vote final a été enregistré à l’Assemblée nationale où le projet de loi 40 modifiant la Loi sur l’instruction publique a été adopté sous bâillon.

«C’est totalement irrespectueux», a lancé Lyne Bélanger, présidente (ou plutôt ex-présidente) de la Commission scolaire des Chênes, lorsque le journal l’a jointe ce matin. «On savait ce qui s’en venait, mais un amendement de dernière minute est venu nous dire samedi matin que notre mandat s’arrêtait là là, et non pas à la fin de février comme initialement prévu. C’est méprisant pour des gens qui ont donné tant d’heures pour la réussite de nos élèves. Qu’y avait-il de si urgent à agir de la sorte? Le feu n’était pas pris. Nous aurions pu facilement nous permettre de réfléchir sur notre réseau d’éducation et de regarder d’autres façons d’assurer la démocratie scolaire», d’affirmer Mme Bélanger qui propose elle-même certaines avenues.

«C’est vrai que peu de gens votent aux élections scolaires. Mais n’aurait-il pas été possible d’instaurer le vote électronique? Ou de placer les élections scolaires en même temps que les élections municipales? Les anglophones, eux, conservent leurs élections scolaires. Pourquoi? Parce que leurs listes d’électeurs sont composées de parents et de personnes qui s’inscrivent. Normal qu’elles soient intéressées à voter. Non, il n’y a pas beaucoup de gens qui sont contents aujourd’hui. Un pan de la démocratie vient de prendre le bord de la poubelle», a-t-elle déploré, faisant remarquer au passage que Lucien Maltais, directeur général de la CSDC, sera maintenant seul à s’occuper de la gestion.

Lucien Maltais

La réussite des élèves : toujours la priorité

Pour sa part, Lucien Maltais, lors d’un entretien téléphonique, n’a pas voulu se positionner par rapport à la soudaineté de l’amendement qui met fin sur-le-champ au mandat des commissaires, précisant toutefois ceci : «J’ai été aussi surpris que Mme Bélanger, mais je ne prendrai pas position sur la question».

Il a cependant tenu à faire part de sa ferme intention de déployer la transformation de la commission scolaire de façon facilitante et diligente. «Au-delà des changements introduits dans la loi, nous continuerons de placer la réussite éducative de l’élève au cœur de nos actions», a indiqué celui qui est également président de l’Association des directions générales des commissions scolaires.

«Nous entamons une période de transition qui servira à préparer une migration réussie vers ce qui sera notre futur centre de services scolaire», a-t-il tenu à dire.

Selon la nouvelle loi, les 15 commissaires de la CSDC disparaissent et ce sera un conseil d’administration de 15 personnes, qui sera formé l’été prochain, qui prendra en mains la suite des choses. Si un commissaire avait droit à une rémunération d’un peu plus de 5000 dollars par année, une allocation pourrait être accordée aux administrateurs, mais M. Maltais ne pouvait être plus précis sur ce sujet.

Soulignons que la loi prévoit la mise en place, d’ici juin 2020, de centres de services scolaires qui relèveront d’un conseil d’administration paritaire.

Témoignages touchants

Plusieurs réactions ont parsemé les pages Facebook et des témoignages touchants de la part d’ex-commissaires ont été vus. C’est le cas de Stéphanie Lacoste, aussi conseillère municipale à Drummondville. «J’ai perdu un travail que j’aimais énormément, je dirais même plus, pour lequel j’étais totalement dévouée. J’étais, jusqu’à hier, la très fière commissaire représentante du comité de parents secteur secondaire et depuis peu, j’étais même la vice-présidente de ma commission scolaire. Pour pouvoir faire ce travail, je devais être élue dans le conseil d’établissement de l’école de mon enfant, comme j’ai trois fils et qu’ils sont tous importants pour moi, je me suis donc engagé dans chacune de leurs trois écoles… Aujourd’hui, je suis triste car je perds des collègues tout aussi dévoués qui, dans leurs champs d’expertises des plus variés, apportaient un plus aux grandes orientations locales et nationales sur l’éducation… Je suis chanceuse, je suis éligible pour continuer et si mes pairs veulent encore de moi, je ne lâcherai pas».

Manon Rivard a également offert le fond de sa pensée. «Ça y est, je suis congédiée! La décision prend effet immédiatement. Le ministre de l’Éducation n’a eu aucun mot à l’attention des commissaires qui ont consacré depuis de nombreuses années, temps et énergie à l’éducation. Aucune reconnaissance… Quel mépris injustifié… C’est avec tristesse que je vous écris ce qui sera tout probablement mon dernier message en tant que commissaire d’école de la CSDC, moi qui aie consacré les 17 dernières années à l’éducation… Je suis en deuil aujourd’hui».

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