Jumelles, uniques et différentes

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Par Lise Tremblay
Jumelles, uniques et différentes
Jessica et Élodie Tessier sont identiques et différentes à la fois. (Photo : Ghyslain Bergeron)

MAGAZINE. Saint-Germain-de-Grantham. Le 14 mars 1996. Deux jumelles monozygotes attendues et désirées viennent au monde. L’une d’entre elles présente une malformation squelettique. Malgré leur différence, ensemble, elles garderont la tête haute devant les yeux interrogateurs des passants. Ensemble, elles grandiront avec quatre mots en tête : «On aime la vie!»

C’est l’histoire d’Élodie et de Jessica Tessier. Aujourd’hui, les jumelles ont 23 ans. Chacune a son histoire. Chacune a son parcours, ses rêves et ses défis.

Attablées devant un café au lait au Rose Café, ces complices de la première heure rigolent et ont visiblement hâte à la partie photographie de ce projet de reportage. «On a été élevées de la même manière. Mes parents m’ont toujours dit que si ma sœur était capable de faire quelque chose, que moi aussi je pouvais le faire», a partagé Élodie avec un sourire des plus contagieux.

Élodie et Jessica Tessier alors qu’elles étaient enfants. (Photo gracieuseté)

Sous l’œil du photographe, elle a donc gravi quelques pierres d’une fontaine d’eau pour être à la même hauteur que sa jumelle, comme quoi rien ne l’arrête… pour démontrer que rien ni personne ne peut se mettre à travers son chemin.

Jessica et Élodie Tessier. (Photo Ghyslain Bergeron)

Pour une raison inexpliquée, Élodie est née avec une malformation squelettique. Aujourd’hui, elle mesure 3 pieds et 9 pouces alors que sa jumelle Jessica fait 5 pieds et 7 pouces.

«Ma sœur est petite, mais moi, je suis née avec six orteils!, raconte Jessica dans un éclat de rire. Je me suis fait opérer quand j’étais enfant. Aujourd’hui, mes pieds sont corrects.»

Leurs parents ont su, durant cette grossesse biamniotique, qu’un des enfants allait être différent. «Ils savaient qu’ils attendaient deux filles et que l’une d’entre elles allait avoir une malformation, mais ils n’en savaient pas plus. Ils ont choisi de poursuivre la grossesse et de faire confiance à la vie», précise Jessica.

Les jumelles ont grandi avec des passions différentes. Alors qu’Élodie adorait la musique, Jessica affectionnait la danse. «Nos parents nous ont toujours encouragées à faire ce qu’on aime. Les valeurs avaient une grande place dans nos vies», poursuit Élodie, qui est née la première.

Évidemment, il y a eu au cours de leur croissance des périodes un peu plus difficiles. L’école secondaire, notamment, a mis à rude épreuve leur caractère.

«J’ai dû commencer à utiliser un fauteuil roulant en secondaire 1, car je ne marchais pas très vite. Ma sœur veillait sur moi. Étonnamment, quand on allait à l’école, on avait très souvent les mêmes notes aux examens. Ça nous faisait bien rire», exprime Élodie, qui demeure positive, peu importe les événements.

«Quand on sort, je vois bien que les gens regardent ma sœur. Je me suis toujours sentie très protectrice envers elle. J’aimerais que les gens essaient d’aimer un peu plus chaque jour et qu’ils soient plus ouverts d’esprit. Il y a des gens différents dans la société et on doit comprendre ça», ajoute Jessica.

«Moi, je m’aime comme je suis», renchérit Élodie.

Étonnants parcours

Habitant dans la région de Drummondville, Jessica Tessier occupe un emploi de coiffeuse au salon les Coifferies d’Annie situé sur la rue Saint-Pierre. Elle s’est acheté une maison récemment et elle en est très fière. «Ma sœur, je l’ai toujours trouvée très coquette, persévérante et rayonnante. Même si on n’a plus la chance de se voir tous les jours, je suis fière d’elle», exprime Élodie, en jetant un regard complice à son alter ego.

Jessica Tessier exerce le métier de coiffeuse à Drummondville. (Photo Ghyslain Bergeron)

C’est que cette dernière vit aux État-Unis, précisément à Arlington, au Texas, depuis quelques mois déjà. Ayant obtenu une bourse, elle a la chance de poursuivre ses études universitaires en administration des affaires et, surtout, de s’entraîner avec l’équipe collégiale féminine de basketball en fauteuil roulant des Lady Movin Mav’s, tout en faisant partie de l’équipe nationale canadienne. C’est d’ailleurs avec celle-ci qu’elle ira aux Jeux paralympiques de Tokyo en août et septembre 2020.

Elle s’entraîne plus de 20 heures par semaine en vue de cet événement qui réunira l’élite du sport amateur au monde.

Entre autres, elle a participé à un camp d’entraînement de l’équipe canadienne en Alabama au début du mois de janvier et lèvera l’ancre vers le Japon, en février prochain, pour prendre part à une compétition sportive en vue de sa préparation pour les paralympiques.

Élodie Tessier dans son fauteuil qui la mènera aux Jeux paralympiques de Tokyo. (Photo gracieuseté)

«Quand on est en compétition, les gens nous vénèrent presque. C’est spécial et c’est bien différent que lorsqu’on sort en ville!», raconte la jeune athlète.

Malgré tous les voyages qu’elle fait en compagnie de son équipe, Élodie Tessier s’assure de garder contact avec sa jumelle plusieurs fois par semaine. Pour elle, c’est tout simplement une question d’équilibre.

«Ma sœur a une telle force de caractère. Sans le savoir, elle me convainc à repousser les barrières. C’est elle qui m’a encouragée à plonger et à acheter seule ma première maison. Même quand elle est loin, on se parle souvent. C’est facile avec les outils technologiques», raconte Jessica.

Peu importe où elle se trouve dans le monde et l’obstacle qui se dresse devant elle, Élodie Tessier réussit à s’organiser, comme ses parents le lui ont enseigné.

«Je n’en avais pas parlé à personne quand j’ai songé à partir au Texas. Je voulais que ça vienne de moi. Mon but était de sortir de ma zone de confort. Ça n’a pas été facile : changer de pays, ne connaître personne, et parler une langue différente que le français, ç’a a fait partie des défis à surmonter», dit-elle.

Heureusement, Élodie assure qu’il y a toujours des gens prêts à lui donner un coup de main, peu importe où elle se trouve.

«Des inconnus s’offrent très souvent pour m’aider, par exemple dans les aéroports quand je transporte tous mes bagages, dont mon équipement sportif. Ça fait beaucoup de choses à apporter, surtout que je dois pousser ma propre chaise. À l’épicerie, c’est la même chose. Quand je dois atteindre un article trop haut, des personnes me proposent du support», termine-t-elle.

La première fois

Élodie Tessier a essayé, pour la toute première fois, le basketball en fauteuil roulant en 2010 alors qu’elle fréquentait l’école secondaire Jean-Raimbault.

«J’ai fait la connaissance d’une personne qui étudiait à Jean-Raimbault et qui pratiquait déjà ce sport avec les Vikings du Centre-du-Québec (équipe AA). Elle m’avait suggéré de faire un essai lors d’une pratique. Au départ, je n’étais pas très certaine de vouloir l’essayer, mais quand j’ai dit oui et que mes parents sont venus avec moi, ils ont très vite vu que j’adorais ça! Les Vikings m’ont loué un fauteuil de basket et j’ai fait mes débuts avec eux», a raconté Élodie Tessier.

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