Des étudiants qui ne chôment pas

Des étudiants qui ne chôment pas
Les jeunes sont de plus en plus nombreux sur le marché du travail. (Photo : Ghyslain Bergeron)

MARCHÉ DU TRAVAIL. Les jeunes sont toujours plus nombreux à jongler avec des études et un boulot. La plupart décrochent un premier emploi pour s’offrir un téléphone cellulaire ou avoir de l’argent de poche. Toutefois, certains ont déjà de grandes responsabilités et doivent payer eux-mêmes les frais associés à des études supérieures.

En 1996, 31,6 % des étudiants au Centre-du-Québec — âgés de 15 à 29 ans — occupaient également un boulot, selon l’Institut de la statistique du Québec. Depuis, le pourcentage a grimpé pour atteindre 58,4 % en 2018.

Lauranne Jutras cumule trois emplois. Elle terminera en juin son secondaire, mais elle prépare déjà son entrée au cégep.

«Je retiens ça de mon père, je suis incapable de ne rien faire. Je trouve ça plate, relate celle qui travaille à la ferme laitière familiale, dans une boucherie et pour un service de traiteur. Aussi, l’an prochain je vais étudier à Victoriaville et j’ai besoin d’argent pour mon appartement».

D’après elle, la clé est l’organisation ainsi que la collaboration des patrons. «J’ai des employeurs incroyables. Ils sont compréhensifs si j’ai trop de devoirs ou si j’ai un match de football le week-end et que je dois prendre congé», expose l’adolescente.

Dans son cercle d’amis, Lauranne est pratiquement la seule à avoir un emploi actuellement. «Mes parents m’ont appris à travailler pour avoir ce que je veux tandis que mes amis, ce sont leurs parents qui paient pour leurs trucs. Je trouve ça dommage comme mentalité, mais je ne peux rien changer», lance celle qui jongle avec un horaire très chargé.

Tout comme Lauranne Jutras, Mélyna Marcouiller travaille pour payer ses études supérieures. Elle étudie présentement en éducation à l’enfance et elle passe environ 25 heures sur les bancs d’école, sans compter les devoirs et les nombreuses heures au boulot.

«J’ai commencé doucement en travaillant 10 à 15 heures par semaine, mais je n’avais pas assez d’argent pour payer mes trucs d’école. À la mi-novembre, j’ai eu une offre d’emploi dans une garderie. J’ai donc jonglé avec un 40 heures par semaine, en plus de l’école», raconte-t-elle.

Sa prochaine session débutera sous peu et Mélyna a l’intention d’en faire tout autant. «Si je vois que mes notes baissent, je vais diminuer mes heures de travail, mais ce n’était pas le cas», souligne-t-elle.

Elle «n’aime pas se priver dans la vie». «Si j’ai envie d’aller au restaurant, je veux être capable de me le payer. Je suis indépendante financièrement : je paie mon appartement, mon cellulaire, ma voiture et mes études», explique celle qui a décroché son premier emploi alors qu’elle était âgée de 13 ans.

«J’ai commencé à travailler tôt, car je voulais un cellulaire. J’ai été élevée de cette façon : si je veux quelque chose qui n’est pas un besoin essentiel, c’est moi qui dois me le payer», ajoute-t-elle.

Les témoignages de Lauranne Jutras et Mélyna Marcouiller ne sont pas des exceptions. En plus d’être plus nombreux à avoir un emploi, les étudiants cumulent davantage d’heures qu’auparavant.

En 1996, les jeunes du Centre-du-Québec travaillaient en moyenne 9,9 heures par semaine tandis qu’en 2018, ce chiffre est passé à 12,8 heures.

Mettre ses limites

Les normes du travail recommandent de ne pas dépasser 15 h par semaine pour les étudiants afin de ne pas nuire à leur réussite scolaire.

Pour Véronique Parenteau, intervenante en persévérance scolaire au Carrefour jeunesse emploi (CJE), l’essentiel pour un jeune aux études est de bien se connaître.

«Par exemple, à l’époque où j’étais aux études, 8 h de travail était amplement suffisant alors que d’autres collègues pouvaient en faire bien au-delà de 15 h sans que cela affecte négativement leurs résultats», expose-t-elle.

D’ailleurs, pour arriver à concilier le boulot et les études, de nombreux jeunes ont dû apprendre à mettre leurs limites auprès de leurs employeurs… et d’eux-mêmes.

«J’ai réalisé que je devais prendre plus de temps pour mes études si je voulais passer mes examens du ministère», énonce Audrey Camiré, étudiante en cinquième secondaire et hôtesse dans un restaurant.

Audrey a donc demandé à sa patronne de ne plus travailler les dimanches. Cet horaire n’a pas vraiment été respecté. «Bien qu’elle avait dit oui, je travaillais encore les deux jours de week-end. J’ai alors pensé à une alternative : faire les samedis soir et les dimanches matin. Cela me permet d’étudier pendant la journée. Depuis, j’ai cet horaire, mais le point négatif est que je manque certaines activités avec ma famille et mes amies», fait-elle savoir.

Quant à Maude Lachapelle, qui complète un double diplôme d’études collégiales, elle a plutôt décidé de quitter son emploi.

«Pendant mes shifts, je courais à gauche et à droite. Je savais que j’avais droit à des pauses, mais je ne les prenais pas et j’étais obligée de travailler un certain nombre de nuits, raconte celle qui était gérante dans un restaurant. Un soir, j’ai fait une crise d’angoisse après m’être fait crier dessus par un client. C’est à ce moment que j’ai décidé de quitter ce travail».

Même si être sans emploi lui crée un stress financier, Maude Lachapelle «s’efforce beaucoup», pour sa dernière session, pour ne pas retourner sur le marché du travail.

«Je vais en profiter pour me concentrer sur mes études, une priorité que j’avais un peu perdue de vue. Je l’ai bien mérité. J’ai vraiment appris à mettre mes limites sinon on finit par se perdre et exploser sous la pression», conclut-elle.

Les conseils du CJE

Véronique Parenteau a partagé quelques petits conseils pour les étudiants : «Le soir et les fins de semaine sont les moments idéaux pour occuper un emploi à temps partiel. Lors de la période d’examens et de remise de travaux, il est préférable d’ajuster le nombre d’heures travaillées. Il faut surtout être attentif aux signes de fatigue, écouter son corps et se reposer! Il faut respecter ses capacités et apporter des ajustements si nécessaire».

 

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