Un marché immobilier difficile pour le centre-ville

Un marché immobilier difficile pour le centre-ville
D'après Gaétan Prévost, le marché immobilier au centre-ville n'est pas en aussi bonne santé que le prétendent la SDED et la Ville de Drummondville. (Photo : Ghyslain Bergeron)

CENTRE-VILLE. Alors que la Ville de Drummondville et la Société de développement économique de Drummondville (SDED) arguent que le centre-ville idéal est à nos portes, un promoteur immobilier, Gaétan Prévost, se garde quant à lui une petite réserve.

Gaétan Prévost a acheté son premier immeuble à revenus en 1987 sur la rue Heriot. À l’époque, il louait ses locaux entre 17 $ et 18 $ le pied carré. «Aujourd’hui, je demande environ 10 $ le pied carré et je ne trouve pas preneur», lance celui qui détient près d’une vingtaine de locaux commerciaux dans le quartier, dont huit sont disponibles.

D’après ses dires, le marché immobilier est en bien mauvaise posture au centre-ville de Drummondville et cela amène son lot de problèmes pour les promoteurs qui, comme lui, ne souhaitent pourtant qu’à bénéficier d’un quartier dynamique.

«Les institutions financières veulent de moins en moins financer les projets au centre-ville, car elles savent bien que les propriétaires peuvent se retrouver avec des locaux vacants pendant de longs moments», souligne l’homme d’affaires.

Dans un article publié par L’Express, Martin Dupont, directeur général de la SDED, a proposé aux détenteurs d’immeuble de mettre au goût du jour leurs propriétés. À cela, Gaétan Prévost répond: «Ce n’est pas tout le monde qui a les moyens de rénover. Et si un promoteur le fait, il faut au minimum que son investissement soit rentable, ce qui n’est pas le cas».

Le groupe immobilier Diversimmo a été cité à titre d’exemple par la SDED. Depuis son arrivée en ville, il rénove de nombreux bâtiments, les rendant ainsi plus attrayants à la location.

«Les rénovations que l’on fait coûtent très cher et les prix des loyers ne reflètent pas les coûts. On est conscient que la rentabilité viendra à long terme», explique Jean-François St-Yves, chargé de projets chez Diversimmo. Ce dernier confirme, d’après son expérience, que dès qu’un bâtiment est rénové, il devient immédiatement plus évident à louer.

«Les bâtiments au goût du jour attirent les gens. En haut de la Sainte-Paix, nous avons fait des rénovations majeures et l’endroit est presque plein depuis. Ce n’était pas le cas avant : le deuxième étage était complètement négligé», indique Jean-François St-Yves.

Gaétan Prévost et Jean-François St-Yves remettent en doute la statistique de la SDED.
Seulement 6 % de locaux vacants ?

La SDED affirme que seulement 6 % des locaux sont à louer dans le quadrilatère formé des rues Saint-Georges (route 122) et Dumoulin et entre la rivière Saint-François et le boulevard Saint-Joseph. Gaétan Prévost se demande «d’où sortent ces chiffres».

«Ils ont pris ça où? Pourquoi ne m’ont-ils pas appelé pour me demander mes chiffres? Aussi, j’aimerais bien avoir le pourcentage de locaux vides sur les trois rues: Heriot, Brock et Lindsay. Ils ont étiré le quadrilatère pour mettre de la poudre aux yeux des gens», exprime celui qui est dans le domaine immobilier depuis plus de 40 ans.

Jean-François St-Yves est lui aussi «resté surpris» en voyant ces chiffres. «Je trouve ça bas. Nous sommes chanceux, car la plupart des bâtiments de Diversimmo sont occupés. Nous offrons de bonnes conditions à nos locataires. Toutefois, quand on marche en ville ou qu’on regarde d’autres bâtiments que l’on voudrait acheter éventuellement, il y a beaucoup d’espace vide», explique-t-il.

Des entreprises quittent le centre-ville

La caisse Desjardins quittera les terrasses Saint-Frédéric – une propriété de Diversimmo – en juin prochain, ce qui laissera vacant près de 20 % du bâtiment. «On travaille fort afin de trouver des entreprises pour occuper l’espace. Depuis un an, c’est plus difficile de louer des espaces bureaux et le départ de L’Union-Vie rajoutera beaucoup de places sur le marché. Ça va être encore plus difficile», fait savoir M. St-Yves.

En 2016, la pharmacie Jean Coutu, située au 161 rue Heriot à Drummondville, a déménagé sa succursale sur la rue Saint-Pierre. «Même Jean Coutu, un milliardaire, a préféré quitter le centre-ville et c’est la preuve qu’il n’y a pas une cenne à faire. Il avait donné des signes à la Ville quelques années avant de partir et il n’a pas été écouté», est d’avis Gaétan Prévost. Depuis trois ans, l’édifice est à vendre.

M. Prévost se désole aussi du terminus qui a quitté le centre-ville pour s’installer sur la rue Janelle, près du magasin l’Aubainerie, en 2013. «Quelle ville n’a pas de terminus dans son centre-ville? Il y a les institutions financières qui fuient le quartier. Il faudrait se poser de sérieuses questions», soulève-t-il.

«Quand est-ce que la Ville va arrêter l’hémorragie? C’est la question que je me pose», lance-t-il, en parlant des entreprises qui désertent le centre-ville.

De son côté, Diversimmo a une vision moins alarmiste et entrevoit l’avenir avec plus d’optimisme. Par exemple, le groupe immobilier a fait l’acquisition de la bâtisse qui abrite le Billard Heriot et attend l’aménagement du quartier Fortissimo pour le combler. «Un de nos buts chez Diversimmo est de rendre le centre-ville plus accueillant. On a aussi rénové des logements pour apporter de nouvelles personnes au centre-ville. C’est un projet de longue haleine», conclut Jean-François St-Yves.

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