Will, le maître de la lame de patin

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Par Ghyslain Bergeron
Will, le maître de la lame de patin
Marcel «Will» Cliche aiguise des patins depuis 40 ans. (Photo : Ghyslain Bergeron)

MAGAZINE. Connaissez-vous Marcel Cliche? Probablement pas. À moins que vous ne soyez ses enfants. Mais si on vous parle de Will, le gars qui aiguise des patins au Centre Marcel-Dionne, vous savez exactement à qui on fait référence. Il y a 40 ans, il aiguisait ses premières lames avec l’organisation des Cantonniers de Magog. Après toutes ces années, Will a encore la passion du métier et il se plaît à raconter des anecdotes à qui veut bien les entendre.

La télé est allumée et le match des Canadiens de Montréal joue en sourdine pendant que les jeunes pratiquent sur la glace fraîchement refaite du Centre Marcel-Dionne. Will se trouve devant sa machine qui gronde dans l’exigu local adjacent au restaurant. La plupart des passants le saluent de la main pendant qu’il effectue ce qu’il sait si bien faire : aiguiser des patins.

«J’ai commencé ma carrière en 1979 à Magog sous les précieux conseils de Pierre Gervais qui est avec le Canadiens (de Montréal). J’ai ensuite gradué quand les Castors de Sherbrooke ont été vendus à Saint-Jean dans la Ligue de hockey junior majeur du Québec (LHJMQ). Ils se cherchaient un «trainer», c’est alors qu’un joueur m’a suggéré», a confié l’homme originaire de l’Estrie.

Quand Will n’a pas de client, il regarde les matchs au travers de sa grande vitrine.

Par la suite, après avoir passé deux ans à Saint-Jean-sur-Richelieu, Marcel «Will» Cliche a atterri avec les Voltigeurs de Drummondville. «Ils avaient perdu leur homme et comme Steve Pépin (qui venait d’être échangé aux Voltigeurs) était satisfait de mes services avec les Castors, il a fortement conseillé à l’organisation de me prendre. Malheureusement, j’ai dû quitter après une saison et demie pour des raisons personnelles», a expliqué l’aiguiseur qui a célébré ses 60 ans il y a quelques semaines.

Il a roulé sa bosse de nouveau avec Saint-Jean et Granby (LHJMQ) au cours des années suivantes. Une fois de plus, c’est le professionnalisme de Will qui a mené à son retour à Drummondville. «Quand l’entraîneur Blair MacKasey a pris la barre des Voltigeurs en 1994, il m’a demandé de le suivre, car nous venions de travailler ensemble à Granby. J’ai accepté tout de suite. Ça m’a permis de travailler avec Daniel Brière et André Roy. Ce n’est pas rien», a-t-il ajouté.

Après toutes ces années d’expérience au sein des équipes de la LHJMQ, Will a décidé de se tourner vers le public. Comme personne ne pouvait tenir le «pro shop» de l’aréna, il a décidé de se lancer.

«Je trouvais ça inconcevable que les joueurs ne peuvent faire aiguiser leurs patins avant un match. C’est alors que Michel Laurendeau, Charles Parenteau et l’Association du hockey mineur m’ont fait confiance et accueilli», a ajouté M. Cliche.

Outre une période de cinq ans où il a tenté une percée en affaires, Will est toujours présent quand les hockeyeurs ont besoin de faire couper leurs lames. «Ce n’est pas pour faire pitié, mais je fais ça bénévolement depuis toujours! J’ai un autre emploi c’est certain, mais ici, je sais que je peux faire une différence sur la glace et dans leur vie. Je joue au psychologue, j’encourage les jeunes et ils me le rendent bien. Quand les gens entrent dans le «pro shop», c’est comme s’ils entraient dans mon salon», a-t-il raconté.

Un temple de photos

Quand on entre dans le «pro shop» du Centre Marcel-Dionne, on peut rapidement sentir la passion du hockey de Marcel «Will» Cliche. Une trentaine de photos prises avec de grands noms du hockey, parfois autographiées, ornent les murs du commerce.

«Mes belles prises sont celles avec Denis Gauthier, Daniel Brière et Guy Lafleur. L’ex-entraîneur des Panthers de la Floride, Gerard Gallant, est un vrai gentleman, il m’a toujours reconnu, même après quelques années. Il manque à ma collection une photo avec Carey Price. Si jamais quelqu’un qui lit cet article a des contacts… c’est un rêve», a lancé, en riant, Will.

Anecdotes

Il y a un peu de Will dans la victoire de la coupe du Président Voltigeurs de Drummondville au printemps 2009. «Il y a quelques joueurs qui aimaient mieux ma coupe de patin que celle du «trainer» de l’équipe.

Marcel Cliche s’est fait photographier avec plusieurs anciens joueurs professionnels, dont Guy Lafleur.

Ils arrivaient à l’aréna en cachant leurs patins le long de la rampe pour ne pas se faire prendre! Guy Boucher, l’entraîneur de l’équipe, était au courant de la situation et il m’avait donné carte blanche. Tout ce qui comptait pour lui, c’était la victoire.»

Un soir de décembre, Will était bien assis dans son salon quand le téléphone a sonné. «On a besoin de toi pour faire les patins de trois gars. Vite, dépêche-toi, le match va commencer», lui avait lancé son interlocuteur.

Sans hésiter, il s’était dirigé vers le stationnement de l’aréna qui était bondé. «Ils jouaient contre Shawinigan. Je ne pouvais me stationner nulle part, alors je suis monté dans le banc de neige près de la sortie de la surfaceuse. Finalement, j’ai aiguisé huit paires. C’était un peu fou comme moment», a raconté M. Cliche.

Le spécialiste de la lame compte bien exercer ce métier tant et aussi longtemps que sa santé le lui permettra. «Je n’ai jamais bien profité de la vie. Là, je veux aller à Philadelphie et Vegas d’ici deux ans. Je mérite bien ça», a lancé en conclusion, Marcel «Will» Cliche.

Le surnom «Will» provient du personnage de Will Robinson dans la série télévisée Perdu dans l’espace, produite vers 1965. Les joueurs trouvaient qu’il ressemblait au comédien par la couleur de ses cheveux.

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