Julie Martel ou l’art d’insuffler une deuxième vie aux déchets industriels

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Par Cynthia Martel
Julie Martel ou l’art d’insuffler une deuxième vie aux déchets industriels
Julie Martel fait dans l’art numérique avec des matières recyclées. (Photo : Ghyslain Bergeron)

MAGAZINE. Fouiller dans des bennes à ordures industrielles. Y dénicher des pièces en bois et en métal. Puis créer des éléments décoratifs hors de l’ordinaire. Bienvenue dans l’univers de Julie Martel.

Fin octobre, un mercredi matin ensoleillé dans un Saint-Joachim paisible, Julie Martel reçoit l’auteure de ces lignes dans son atelier-chalet. Rapidement, on perçoit le style éclaté de l’artiste. Dans le salon, une malle antique appartenant jadis aux Pères Montfortains fait office d’une table dont les pattes sont constituées de connecteurs de machine. Un peu plus haut, la grande fenêtre donnant sur la rivière Saint-François est habillée d’une tête d’ancien confessionnal dénichée dans une brocante à Sainte-Thècle. Et, un peu partout, des cadres lumineux travaillés à partir de pièces de bois

Sur cette photo, on aperçoit la table-mallette de même que la tête d’un ancien confessionnal.(Photo Ghyslain Bergeron)

recyclées de même que des mallettes parsèment le décor. Presque tous les matériaux utilisés dans la construction de ce lieu inspirant et zen sont recyclés.

«J’ai trouvé certains trucs sur Kijiji, par exemple des portes de garde-robe. Le bois sur le mur du salon et celui utilisé pour les comptoirs de la cuisine proviennent des Serres Verrier de Saint-Joachim», précise l’artiste qui a elle-même conçu les plans de son atelier.

Son mantra : «Dites-moi ce que vous jetez, je vous dirai ce que j’en ferai!»

Fils de téléphone et d’ordinateur, tuyaux flexibles, ceintures, poignées de porte, cartouches de fusil vides, fermetures éclair, cuir, panaches, coffrets de bois ou métal, chaînes de vélo, ganses de sacoches et pièces de métal sont autant de matières que la Cyrilloise d’origine récupère.

Une fois à l’atelier, elle nettoie et ponce les pièces avant de leur donner une seconde vie.

«Je ressuscite la matière», se plaît-elle à dire, en montrant au passage sa bague réalisée à partir d’un bouchon de bière québécoise.

Selon elle, les «plus beaux trésors» se trouvent dans les bennes à ordures industrielles. Au fil du temps, elle a réussi à développer de belles collaborations avec des entreprises. Par exemple, elle a travaillé sur différents projets spéciaux pour Cascades.

«Les frères Lemaire sont très ouverts et aiment ce que je fais. Je collabore aussi avec le Centre Normand-Léveillé.»

Julie Martel ne se cache pas pour dire qu’au début, elle éprouvait une certaine gêne lorsqu’elle se présentait dans des industries afin d’obtenir l’autorisation de fouiller dans les déchets.

Équipée de ses caps d’acier et d’une veste de sécurité, Julie Martel n’a pas peur de se salir et ne s’impose aucune limite dans ses choix.

Selon les morceaux trouvés, l’inspiration jaillit.

«Chacune de mes créations a son propre ADN, lance l’artiste bouillonnante d’idées. J’aime mixer le nostalgique, le vintage et le moderne, mais je reviens souvent au vintage. Mon but, quand on regarde une de mes œuvres, c’est qu’elle n’ait pas l’air de quelque chose sortie de la poubelle.»

Les œuvres d’art mettent en valeur tantôt des dessins créer de toute pièce par Julie Martel à l’ordinateur, tantôt des photos dont elle s’est acquitté les droits d’auteur.

«Dans ce cas-ci, je modifie ces images selon mon inspiration», indique-t-elle.

L’une de ses oeuvres lumineuses. (Photo Ghyslain Bergeron

Des jeux de mots ou des phrases cocasses complètent souvent le montage de ses compositions écoresponsables.

Par ailleurs, celle qui s’est donné le surnom de Candy Raton se fait un point d’honneur d’acheter le moins possible de matériel pour la conception de ses œuvres.

Pour ses projets de bois, elle collabore avec Pierre Poirier, un charpentier-menuisier à la retraite.

Si elle a longtemps créé au gré de ses inspirations, Julie Martel est maintenant appelée à réaliser des œuvres sur mesure lors de projets spéciaux d’entreprises ou de demandes précises de particuliers. Chacune de ces réalisations porte ainsi le sceau de la collection «Vie d’ange».

Ce nom est inspiré de ce que lui ont inculqué ses parents, principalement son père. Dès son plus jeune âge, Julie Martel a été conscientisée à la revalorisation des matières et la protection de l’environnement. Chez elle, les panaches de cervidés faisaient office de crochets à manteaux, les manches à balai suspendus horizontalement et reliés entre eux servaient de sèche-linge, les assiettes à tarte éloignaient les bestioles nuisibles du jardin et les coquilles d’œuf servaient d’engrais.

«Mes parents m’ont transmis le goût de regarder les choses autrement. Quand tu revalorises, tu redécouvres des choses. Par exemple, quand tu n’as rien dans ton frigo, bien tu deviens créatif», fait-elle valoir.

D’aussi loin qu’elle se souvienne, elle a toujours adoré dessiner.

«Je dessinais les grosses robes de princesse, style Sissi. Ensuite, j’ai commencé à dessiner des châteaux et des maisons. Je ne me suis jamais posé de questions, je voulais gagner ma vie en dessinant», raconte-t-elle.

Diplômée en design de mode, elle est d’abord devenue designer et pigiste pour différentes entreprises et chercheuse de tendances à Paris, New York, et Los Angeles, entre autres. Elle a également résidé à New Dehli, en Inde, pour suivre le développement de collections de vêtements. Parmi ses autres accomplissements, notons l’élaboration de vestes pare-balles pour le SWAT et de costumes pour le Cirque du Soleil.

Bref, rien ne freine l’imagination extravagante de Julie Martel.

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