L’histoire de famille derrière les plats épicés et exotiques du Thai Wai Wai  

L’histoire de famille derrière les plats épicés et exotiques du Thai Wai Wai  
De gauche à droite : Nathalie Bouvette, Chamrouen Le, Jacob Le, Thania Le et Antoine Le. (Photo : Ghyslain Bergeron)

MAGAZINE. La première fois que Chamroeun Le, propriétaire du Thai Wai Wai, a cuisiné, il a utilisé l’eau de la mer pour faire cuire du riz. Il se trouvait sur un bateau en Thaïlande et il devait préparer le repas pour une quarantaine de matelots. La vérité, c’est qu’il ne s’y connaissait pas en cuisine.

Quand il raconte ce souvenir, Chamroeun Le se moque de lui-même. «Lorsque les gars sur le bateau ont su que c’est moi qui avais préparé ce riz, ils m’ont jeté à la mer, pour rire, se remémore-t-il. Je me suis beaucoup amélioré en cuisine depuis.»

La vie de Chamroeun Le n’a pas toujours été facile. Pendant son adolescence, il a dû quitter son pays d’origine à cause du génocide du Cambodge. Avant d’arriver au Canada, il a travaillé sur des bateaux en Thaïlande. Il a acquis une partie de ses connaissances en cuisine durant cette époque. Ce n’est qu’en 1979 que la famille Le, avec ses neuf enfants, s’est réfugiée à Saint-Pie-de-Guire. Encore aujourd’hui, et ce, même s’il est retourné souvent au Cambodge, «le chef cuisinier n’aime pas parler de son pays».

Chamrouen Le et Nathalie Bouvette.

Deux restaurants et une histoire de famille

En 2007, Chamrouen Le et sa femme, Nathalie Bouvette, ont consulté leurs trois enfants, car ils voulaient ouvrir un restaurant. «Mon mari avait perdu son emploi à l’abattoir et il avait honte de ne plus pouvoir subvenir aux besoins de notre famille. C’est moi qui lui ai dit : «Tu cuisines bien! Pourquoi ne pas ouvrir un restaurant?», se rappelle Mme Bouvette, qui travaille comme infirmière. Dès le départ, le couple a impliqué ses enfants dans le projet. «On savait qu’on n’y arriverait pas sans eux», lance Nathalie Bouvette.

Ne sachant pas trop dans quelle aventure il embarquait, Chamrouen Le a donc ouvert un premier restaurant dans les locaux des Terrasses Saint-Frédéric, au centre-ville de Drummondville. «Ce sont mes enfants qui m’ont encouragé à partir un restaurant», se souvient le père de famille.

Le chef cuisinier s’est laissé inspirer par la cuisine thaïlandaise, celle de sa mère ainsi que par les parfums des épices asiatiques pour créer des recettes. Il a toutefois adapté quelque peu ses plats, par exemple, en les faisant nettement moins épicés qu’en Thaïlande.

«On a été victimes de notre succès. Ça n’avait pas de sens. Rapidement, on a dû embaucher des serveuses. Je faisais la comptabilité tout en travaillant à temps plein comme infirmière. Les enfants travaillaient eux aussi les soirs et les fins de semaine», poursuit Nathalie Bouvette.

Antoine, Thania et Jacob, malgré leur jeune âge, aidaient leurs parents du mieux qu’ils pouvaient avec le nouveau restaurant.

«Travailler en famille a de bons côtés, mais ça prend beaucoup de caractère. Ce n’est pas toujours facile autour de la table. C’est difficile de délaisser les problèmes du travail et il y en a eu des embûches. On se répète que c’est un choix qu’on a fait ensemble», souligne la mère de famille.

En 2011, la famille Le ouvre un deuxième restaurant, situé à une centaine de mètres à peine du premier. Mêmes menu, concept et décor. On ne change pas une recette gagnante.

«Quand un restaurant était rempli, on envoyait nos clients à l’autre. Puis quand on rushait trop, on envoyait des employés d’un bord et de l’autre. Je me souviens d’une fois où un cuisinier s’est fait arrêter, car il courait entre les deux restaurants avec une caisse de brocolis dans les bras. La police pensait qu’il l’avait volée», laisse tomber Mme Bouvette.

Aujourd’hui, c’est Thania Le qui est destinée à assurer la relève de l’entreprise familiale. Quant à son frère, Jacob Le, il travaille toujours en cuisine.

«C’est à cause de moi qu’on a fermé un des deux restaurants. J’en voulais juste un», lance Thania Le.

La famille a finalement gardé le Thai Wai Wai situé sur la rue Cockburn. C’est donc au centre-ville que les Drummondvillois peuvent goûter les uniques plats thaïlandais.

Questionné à savoir ce que signifie le mot Wai, Chamrouen Le explique : «C’est un geste de salutation dans la culture thaïlandaise».

La Fondation éducation soins Cambodge a construit une école primaire dans le village natal de Chamrouen Le.

Pour l’amour du Cambodge

Chamrouen Le a longtemps hésité avant de retourner au Cambodge. C’est finalement sa femme qui l’a convaincu de renouer avec son pays.

«J’ai quitté mon pays lorsque j’avais 12 ou 13 ans. Quand j’étais là-bas, je n’étais jamais sorti de mon village et je n’avais jamais vu de voiture. Mon pays ne me manque pas. On est traumatisés à cause du génocide. Il y avait des bombardements et des tueries. La moitié de mes amis sont morts», laisse tristement tomber M. Le.

En retournant dans son village natal, il a constaté que rien n’avait changé. «C’est encore très pauvre et les jeunes sont à moitié habillés. Je me souviens d’une fois, en voyage, j’avais acheté des crèmes glacées à tous les enfants du village. Ils étaient tellement heureux!», se remémore-t-il, sourire aux lèvres.

Même s’il considère «avoir fait la paix avec son pays», M. Le n’aime pas parler du Cambodge. «On a trop vécu de choses là-bas», fait-il savoir.

Pour aider les citoyens de son village d’origine, Chamrouen Le, avec sa femme Nathalie Bouvette, a mis sur pied la Fondation éducation soins Cambodge.

La Fondation offre aussi des vélos adaptés à des gens avec un besoin particulier.

«Ç’a parti quand la mère de Chamrouen a dit : «Mon rêve, c’est qu’il y ait une belle école dans mon village», rapporte Nathalie Bouvette. Après cette conversation, elle a promis à sa belle-mère de construire une école primaire.

Après plusieurs collectes de fonds, la Fondation a construit une première école puis en a rénové une deuxième. «L’école secondaire est désuète, alors on amasse maintenant des fonds pour la rénover», explique Mme Bouvette. La Fondation a également offert aux jeunes des ballons de soccer et divers équipements sportifs.

Malheureusement, la mère de Chamrouen Le est décédée avant d’avoir eu la chance de voir les écoles construites par sa famille. Parions qu’elle aurait été très fière de voir son rêve se réaliser!

 

 

 

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