Droit d’auteur : Dessins Drummond a gagné sur toute la ligne

Photo de Jean-Pierre Boisvert
Par Jean-Pierre Boisvert
Droit d’auteur : Dessins Drummond a gagné sur toute la ligne
Yves Carignan, président-directeur général de Dessin Drummond. (Photo : Ghyslain Bergeron)

JUSTICE. Trois ans après avoir entrepris des poursuites judiciaires contre huit entreprises pour plagiat, Yves Carignan, président-directeur général de Dessins Drummond, a gagné toutes ses causes.

Ces huit entreprises québécoises ont accepté chacune un arrangement pécuniaire hors-cour. «J’ai gagné, mais au prix de plusieurs efforts, d’une grande dépense en énergie et d’appréciables frais d’avocats», confie Yves Carignan. «Je n’ai pas fait d’argent dans cette affaire qui a frôlé les 100 000 dollars et, encore, je ne compte pas le temps que j’ai dû y consacrer», laisse-t-il tomber.

Pour le PDG de l’entreprise drummondvilloise qui aura 50 ans d’existence en 2023, c’était devenu une question de principe.

«Il peut arriver qu’un concurrent va apporter des modifications sur l’un des dessins de maisons que nous mettons sur notre site web, par exemple ajouter un garage, je ne poursuivrai pas pour ça, admet-il. Mais quand c’est rendu que le plagiat est un modèle d’affaire pour une entreprise qui vend une vingtaine de nos dessins, même s’ils sont légèrement modifiés, c’est choquant. Et ce n’est pas une décision automatique d’entreprendre une poursuite judiciaire. Il faut y penser. Je ne connais pas un homme d’affaire qui va dire à son équipe : voilà on va poursuivre la compagnie qui nous copie, ça va prendre des années, ça va demander beaucoup d’énergie et on ne fera pas d’argent… Vous comprenez pourquoi je n’étais pas sûr au début. C’est le directeur des ventes Mario Carpentier et Marie-France Roger (sa partenaire et conjointe) qui m’ont convaincu d’y aller. Mais j’ai averti que je ne voulais pas plonger tout seul dans ces poursuites, car je savais que ce serait long. Mais je ne le regrette pas. C’est une question de notoriété».

C’est en mai 2017 que L’Express soulignait que Dessins Drummond avait décidé d’intenter une action en justice contre huit entreprises, alléguant que «le droit sur la propriété intellectuelle, c’est bon pour les films, les livres, les chansons et ça s’applique aussi aux dessins. La loi canadienne protège la création artistique et l’architecture fait partie de cette création. Moi je paye des gens pour créer ces dessins et je constate que d’autres en profitent pour se créer une « business » en les copiant», avait dénoncé Yves Carignan, exaspéré par cette «paresse» des compétiteurs.

Aujourd’hui, il est heureux d’avoir gagné, mais il n’en constate pas moins que la loi est floue et que la notion de droit d’auteur n’est pas bien connue du public en général, a fortiori quand il est question de dessins de maison auxquels ont été apportées quelques modifications et qu’il faut convaincre un juge qu’il y a bel et bien eu plagiat.

«Nous n’avons pas eu à débattre devant un juge. Mes avocats ont analysé la jurisprudence et ils ont fait appel à un témoin expert, en l’occurrence un architecte à la retraite, de l’extérieur, qui avait déjà témoigné dans d’autres causes semblables. Il a, par exemple, fait remarquer des jeux de volume identiques sur les deux images (l’originale et la copie). C’est une question d’expertise crédible, qui dépend de la manière que c’est présenté. La plupart des entreprises poursuivies n’ont pas été jusqu’à la limite de notre confrontation. Une de celles-là m’a toutefois essayé afin de voir si je lâcherais le morceau. C’était une entreprise de l’Abitibi où il fallait se déplacer. Car la cause est toujours entendue dans la ville du poursuivi et non du poursuivant. Ça s’est étiré jusqu’au bout, et, à la fin, l’entreprise m’a fait un chèque comme toutes les autres. À un moment donné, il faut se faire respecter».

L’une des conceptrices de Dessins Drummond est Jennifer, la fille de Marie-France, qui a un bac en design, et, selon elle, le droit d’auteur n’est pas une notion dont on parle beaucoup dans les écoles. «On dirait que c’est un sujet tabou dans l’industrie, affirme Yves Carignan. Il y a vraiment de l’éducation à faire. Moi, j’ai offert à des professeurs de faire une présentation, je n’ai jamais eu d’appel. Pour le moment, ce sont des articles de presse, comme ceux de L’Express, qui sensibilisent le public. Par la suite, il faudra faire une loi plus claire. Ce sera mieux pour tout le monde», souhaite-t-il.

Partager cet article