Hommes violents : qui sont-ils?

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Par Michael Deetjens
Hommes violents : qui sont-ils?
Les intervenants de l’organisme Halte Drummond, soit Raymond Brochu, Francis Pronovost, Joëlle Dechamplain et Andrée-Anne Genest. (Photo : Michael Deetjens)

DOSSIER. Cris, menaces, insultes, coups… peu importe son visage, la violence conjugale brise des familles et des vies. Au Québec, des milliers de femmes en sont victimes chaque année. Qui sont ces hommes qui font vivre l’enfer à leurs partenaires?

La question paraît simple, la réponse l’est beaucoup moins. Selon l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), «il n’existe pas un portrait type de conjoints ayant des comportements violents envers leur partenaire». Cette vision est également partagée par Halte Drummond. Cet organisme œuvre, depuis plus de 25 ans, auprès des hommes qui désirent prendre en main leurs comportements violents en contexte conjugal.

Raymond Brochu, intervenant au sein de l’organisme, est impliqué dans la structure depuis le tout début. «C’est complexe. Plusieurs facteurs peuvent engendrer une réponse violente. Il n’y a pas de profil précis», informe-t-il.

Andrée-Anne Genest, directrice et intervenante chez Halte Drummond, présente toutefois quelques facteurs que l’on retrouve davantage auprès des hommes violents : «La présence de blessures émotionnelles graves, avoir vu leur père battre leur mère dans leur enfance, problèmes d’attachement et beaucoup d’anxiété». L’INSPQ ajoute un niveau socioéconomique plus faible, de la détresse psychologique, des problèmes de gestion de la colère et de consommation d’alcool ou de drogues. Ceci dit, l’INSPQ précise qu’on retrouve de la violence conjugale à tous les âges de la vie, dans toutes les classes socioéconomiques et dans toutes les communautés culturelles ou religieuses.

Selon M. Brochu, plusieurs hommes violents partagent un point commun : «une incapacité à exprimer leurs émotions». Cette difficulté proviendrait d’un conditionnement issu de l’enfance. Mme Genest ne compte plus les fois où elle entend : « Mon père me disait que les émotions, c’était pour les filles ». Il faut beaucoup d’éducation sur cet enjeu. Montrer aux petits garçons à mettre des mots sur leurs sentiments est primordial.

Des changements sur le terrain

Des changements sont perceptibles sur le terrain. «Les hommes commencent à être plus conscients et démonstratifs», remarque l’intervenante. Pour Guillaume Cliche, agent d’information au CIUSSS Mauricie-Centre-du-Québec, c’est un bon début, mais il y a encore beaucoup de chemin à faire. «Le réflexe d’aller consulter n’est pas encore bien implanté chez les hommes. C’est dur pour leur orgueil», dit-il.

La directrice de l’organisme insiste : «En aucun temps on déresponsabilise l’homme de ses actions. Il est toujours responsable de ses gestes. Vouloir comprendre les causes ne banalise pas la gravité des gestes commis. Notre but est qu’il change. Pour apporter une solution à un problème, il faut en comprendre l’origine».

«Depuis 25 ans, on a fait un bout de chemin. Avant, les gens associaient la violence conjugale uniquement à de la violence physique. Aujourd’hui, on se rend compte que c’est beaucoup plus large», informe M. Brochu.

«Cette violence peut être verbale, psychologique, économique, sexuelle ou physique. Elle peut être aussi de mauvais traitements faits aux enfants, du contrôle de l’argent, des bris d’objets, des coups sur les animaux ou toutes autres mesures visant à contrôler les gestes et comportements d’un ou de plusieurs membres de la famille», selon Halte Drummond.

«Plusieurs hommes ne se sentent pas concernés, ils se disent qu’ils ne peuvent pas être des batteurs de femmes. Par contre, une fois à la maison, ils sont violents verbalement et extrêmement contrôlant envers leurs partenaires», explique Mme Genest.

Cette dernière observe une baisse de l’âge de la clientèle depuis plusieurs années. Les réseaux sociaux seraient à pointer du doigt. Plusieurs jeunes hommes se découvrent des comportements problématiques : jalousie, insécurité et volonté de contrôler leurs partenaires.

Francis Pronovost, un intervenant d’Halte Drummond, ajoute que la société met beaucoup de l’avant l’image de la «femme-objet», ce qui est néfaste au développement de saines relations.

Les intervenants sont clairs, «aider les hommes violents ne signifie pas de laisser les femmes de côté. Aider l’homme, c’est aussi aider sa partenaire et son entourage. S’il gère mieux ses réactions et ses élans de colère, c’est tout le monde qui en profite». Halte Drummond affirme d’ailleurs avoir un très bon partenariat avec l’organisme La Rose des vents, qui offre des services aux femmes et enfants violentés.

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