À bout de souffle

À bout de souffle
(Photo : Depositphoto)

DOSSIER. Le téléphone ne dérougit pas, la liste d’attente s’allonge, le nombre de lits ne suffit pas à la demande, le taux d’occupation dépasse les 100 % et malgré tout, l’ambiance est sereine et chaleureuse à la Rose des vents de Drummondville, un centre d’hébergement pour femmes violentées.

De l’extérieur, le bâtiment abritant la Rose des vents ressemble à une maison comme les autres. L’adresse est gardée secrète depuis 1980, année de sa fondation.

Celles qui vivent entre ces murs sont parfois accompagnées de leurs enfants. Tous s’entassent dans de petites chambres et partagent des pièces communes, comme la salle de bain et la cuisine. Avant de faire le grand saut, ces femmes ont rassemblé tout ce qui leur restait de courage pour quitter leur conjoint violent; elles étaient à bout de souffle.

Au moment d’écrire ces lignes, sept femmes et trois enfants avaient trouvé refuge à la Rose des vents.

À partir de quand une femme décide-t-elle qu’elle en a assez subi avant de quitter son partenaire de vie? «La limite de certaines est le moment où l’homme s’attaque aux enfants. Pour d’autres, ça se rend au point où elles craignent de mourir, la prochaine fois. Elles ont toutes un seuil de tolérance différent. Dans tous les cas, la Rose des vents est là pour les accueillir», soutient Brigitte Richard, directrice générale.

La violence conjugale peut être difficile à comprendre pour une personne qui ne vit pas cette situation. «On se demande tous pourquoi une femme violentée ne part pas de ce milieu malsain. Il faut savoir que c’est un contrôle subtil qui évolue sur plusieurs années. Celles qui arrivent ici n’ont pas toutes un œil au beurre noir et ce n’est pas du jour au lendemain que la violence s’est installée dans leur relation. C’est plus sournois», explique-t-elle.

Toujours plus de demandes

En 13 ans de carrière, Brigitte Richard remarque que le nombre de demandes d’hébergement ne fait qu’augmenter à la Rose des vents tandis que le financement gouvernemental, lui, reste constant.

Pour la période 2018-2019, 71 femmes et 64 enfants ont eu recours à ses services. Malheureusement, l’organisme communautaire a dû en refuser 73 et quatre personnes ont été redirigées vers un centre situé près de Drummondville, car leur sécurité était menacée.

«Une fois, on a même installé un matelas dans la salle de réunion pour une femme, tellement il manquait de place», se souvient-elle.

«Évidemment, quand on n’arrive pas à offrir un service par manque de place, on réfère à d’autres organismes et on regarde s’il n’y aurait pas une place libre dans une maison d’hébergement à proximité. La femme n’est pas laissée à elle-même», souligne Mme Richard.

Le centre d’hébergement a été occupé à 109 % l’an dernier. Les familles ont fait des séjours d’une durée moyenne de 29,86 jours. «Quand elles partent, elles ont un filet de sécurité, par exemple grâce à un nouveau logement. Quand les femmes partent, c’est parce qu’elles se sentent prêtes», raconte la directrice générale.

Mieux outillées

D’après Brigitte Richard, si le téléphone de Rose des vents sonne davantage, ce n’est pas nécessairement parce qu’il y a plus de cas de violence conjugale. La sensibilisation faite, par exemple dans les écoles, joue un rôle important et contribue à faire connaître les ressources.

«Je ne sais pas s’il y a plus ou moins de cas de violence conjugale. Je n’ai pas les chiffres. Je pense plutôt que les femmes attendent moins avant de dénoncer. Ce n’est pas rare de voir de jeunes filles qui dénoncent après quelques mois de relation. Elles connaissent plus les formes de violence et le sujet est moins tabou qu’auparavant», est d’avis Brigitte Richard.

La ressource est donc plus connue et la sensibilisation faite dans les écoles a eu les effets escomptés. Et il n’y a pas que les femmes qui sont mieux outillées, la Rose des vents aussi.

«À l’époque, on pouvait héberger quatre ou cinq fois la même famille avant que la mère prenne une décision finale. Il y avait des allées et venues, on voyait les enfants grandir. On a rencontré des femmes qui avaient déjà fréquenté le centre avec leur mère dans leur enfance. On voit moins ces situations maintenant. Je pense que les femmes sont mieux équipées et conscientisées lorsqu’elles partent d’ici», explique-t-elle. Une équipe de 17 intervenantes travaillent jour et nuit, et ce, sept jours sur sept à la Rose des vents. En plus d’intervenir auprès des femmes, elles offrent de l’accompagnement pour les enfants, qui sont bien souvent les plus impactés par la violence conjugale.

Même si ce n’est pas la mission de la Rose des vents, Brigitte Richard considère qu’il devrait y avoir davantage de ressources pour les hommes. «Ça aiderait les familles, en général. N’oublions pas que les enfants sont ceux qui souffrent le plus», termine-t-elle.

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