Elle se bat pour que sa mère obtienne justice

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Par Jean-Pierre Boisvert
Elle se bat pour que sa mère obtienne justice
Christiane Giroux et sa mère Rita Faullem. (Photo : Photo Ghyslain Bergeron)

DRUMMONDVILLE. Christiane Giroux n’en finit plus de mettre des efforts pour que sa mère Rita Faullem, forcée de quitter le 600 Bousquet sur ordre du CIUSSS au mois de juillet, recouvre deux paiements de loyer que le propriétaire de la résidence, Groupe Magistral, lui a pris «illégalement» dans son compte bancaire, deux mois après son départ. 

Au moins trois autres, parmi les 20 résidents qui ont dû être relocalisés rapidement le 11 juillet dernier, ont connu un sort semblable, loin d’être certains que l’argent payé en trop leur sera remboursé.

Il était su depuis plusieurs mois que la résidence du 600 Bousquet connaissait de grandes difficultés et le CIUSSS-MCQ, qui suivait l’affaire de près, a finalement pris la décision d’ordonner à l’administration de procéder à la relocalisation de 20 résidents, parmi les plus vulnérables, étant donné «l’incapacité de l’établissement d’assurer leurs soins».

Rita Faullem, 93 ans, était l’une de ces personnes qui ont été obligées de se trouver une autre résidence et c’est là qu’ont commencé, pour Christiane Giroux, les problèmes pour que sa mère obtienne justice.

Depuis ce temps, le 600 Bousquet a été vendu par Groupe Magistral à Léon Côté, propriétaire de deux autres résidences dans la région de Granby.

«Je ne comprends pas pourquoi Groupe Magistral est venu chercher dans le compte de ma mère deux paiements de loyer (totalisant 1500 $) au mois de septembre alors qu’elle avait été remboursée pour la période du 11 au 31 juillet et qu’aucun paiement n’avait été pris au mois d’août. C’était normal puisque ma mère était dorénavant hébergée à la Résidence Saint-Joseph sur la rue Melançon. Je croyais donc l’affaire terminée», confie Christiane Giroux, qui reconnaît qu’elle aurait dû bloquer le compte Desjardins de sa mère, moyennant des frais de 20 $, pour éviter que Groupe Magistral continue de faire des prélèvements. Pour compliquer l’affaire encore davantage, elle ne pouvait pas transférer de l’argent du compte épargne de sa mère à son compte opérations, même si elle avait une procuration générale notariée. «C’est très difficile de faire reconnaître cette procuration pourtant notariée, autant chez Desjardins qu’auprès des services gouvernementaux. Même les notaires l’admettent», dit-elle.

Mme Giroux s’est fait dire que la résidence avait le droit de percevoir deux mois de loyer, équivalent à la portion habitation, comme elle peut le faire pour tout avis de départ. Sauf que ce n’est pas un avis de départ mais bien une évacuation.

Vérification faite auprès du CIUSSS-MCQ, la loi est effectivement claire dans le cas d’une relocalisation (ou d’une évacuation) ordonnée par les autorités de la santé, à savoir qu’une «personne évacuée en vertu de l’article 346.0.20.2 (Loi sur la santé et les services sociaux) est dispensée de payer le loyer pour la période de l’évacuation». Autrement dit, il était illégal pour Groupe Magistral d’aller piger deux paiements de loyer dans le compte de Rita Faullem.

Il n’est pas étonnant, aux yeux de Christiane Giroux, que les soins et les services aux résidents aient diminué à ce point sous le régime de Groupe Magistral. «On a constaté dès leur arrivée que ça n’irait pas en s’améliorant. Des coupures de postes ont fait en sorte que le personnel en place a été débordé. Ma mère avait des appareils auditifs, d’une valeur de 7000 $, qui ont disparu une fois dans l’aspirateur et écrasés une autre fois par une chaudière d’eau déposée sans faire attention sur son bureau. La personne qui livrait le courrier a été congédiée et remplacée par une autre qui ne savait pas le nom de ma mère, de sorte que son courrier a été retenu pendant des semaines. Il y avait là-dedans une lettre de Desjardins qui contenait le NIP de sa nouvelle carte. Au bout du compte, je ne m’attends à revoir de sitôt le montant de 1500 $ qui est dû à ma mère», laisse-t-elle tomber.

Au fil de ses démarches, Mme Giroux a pu apprendre qu’un organisme, qui se nomme le CAAP (Centre d’assistance et d’accompagnement aux plaintes) a été créé justement pour aider ceux et celles qui ont entrepris une démarche pour déposer une plainte auprès du CIUSSS-MCQ (Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Mauricie/Centre-du-Québec). C’est gratuit. La mission du CAAP est précisément de «soutenir les usagers de la région, afin de faciliter l’exercice de leurs droits et l’expression de leurs attentes, relativement aux services de santé et services sociaux». Selon la directrice générale Carole-Lyne Provencher, quatre personnes ont fait appel au CAAP comme l’a fait Rita Faullem. Christiane Giroux est à tenter de contacter ces gens pour rédiger un recours collectif. Elle est à terminer la rédaction de sa plainte incluant les pièces justificatives.

L’Express a souvent tenté de joindre la direction de Groupe Magistral, mais sans succès. Ou il n’y a pas de réponses aux différents numéros de téléphone, ou la boîte vocale est pleine. Par courriel, on nous donne une mauvaise information, à savoir que «Le Groupe Magistral n’a jamais eu quoi que ce soit à voir avec la résidence 600 Bousquet», ce qui est faux.

«Je considère que, lorsqu’une résidence n’est plus capable de fournir les services nécessaires à une personne âgée vulnérable qui est forcée de déménager, le bail doit être résilié, soumet Christiane Giroux. On ne parle pas de cannes de soupe ici, on parle de personnes. C’est inadmissible que cette entreprise ait le réflexe de prélever des paiements de loyer alors qu’elle sait bien que la résidente n’est plus là. J’ai cru comprendre que si on nous doit ce montant de 1500 $, on finira par nous rembourser, mais quand? Quand ma mère sera morte?»

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