Mon cœur de féministe grimace

Mon cœur de féministe grimace
Le Festival de journalisme, où la question des genres a été abordée, avait lieu à Couthures-sur-Garonne, un petit village de la France. (Photo : Erika Aubin)

MAGAZINE. Ça n’a pas pris plus de cinq minutes après être débarquée dans la capitale du vin, Bordeaux, que je m’étais déjà fait siffler et interpeller par un homme assis à une terrasse avec une dame qui pourrait être… sa mère. Elle n’a rien dit, elle a regardé son «fils» lancer son commentaire non pertinent à mon amie et moi.

Petit aparté. J’ai longtemps hésité à me positionner comme féministe. Je trouvais le mot fort. Peut-être est-ce que le bon terme ne serait pas égalitaire? Peut-être que dire que je suis féministe, c’est exagéré? Bref, je me suis posé mille et une questions.

Sauf qu’un jour, j’ai vieilli et j’ai constaté par moi-même l’importance de ce mouvement. Et tant pis pour ceux que ça dérange.

Intégrer le marché du travail m’a fait rendre compte qu’autour de moi, ce sont bien souvent des hommes qui occupent de hauts postes. Comment se fait-il que les hommes soient surreprésentés parmi les décrocheurs, mais qu’ils soient aussi plus nombreux à occuper des postes de dirigeants?

Une amie a rapporté cette phrase, qu’elle a lu elle ne sait plus où : «J’ai l’intention d’assister au jour où une femme idiote sera nommée à la tête d’une grande entreprise. À ce moment-là, je saurai que l’équité sera atteinte».

Ça me ramène à mon voyage. En posant les pieds à Bordeaux, je me suis fait interpeller par un homme assis à un café. En marchant dans un parc, on m’a passé des commentaires à propos de ma robe. Des commentaires que j’ai ignorés immédiatement, mais qui me rendent tout de même mal à l’aise. La liste pourrait s’étirer.

En France, j’ai également assisté à une conférence sur l’ABCD de l’égalité, un programme d’enseignement français proposé par la politicienne Najat Vallaud-Belkacem et dont l’objectif était de lutter contre le sexisme et les stéréotypes de genre dans les écoles. La conférence avait lieu dans le cadre du Festival international de journalisme, pendant lequel la plupart des journalistes présents étaient des hommes blancs dans la cinquantaine.

Najat Vallaud-Belkacem était présente en personne pour revenir sur son projet. À ses côtés, Éric Deschavanne, un professeur de philosophie qui croit fermement que les femmes et les hommes sont égaux et qu’en 2019 il n’y a même plus lieu de parler de ce débat.

«Vous dites réellement que les femmes et les hommes sont sur le même pied d’égalité?», demande avec une patience admirable l’ancienne ministre des Droits des femmes. «Oui!», répond avec assurance M. Deschavanne. Croyez-moi, ça n’a pris que quelques secondes avant qu’il se fasse huer par la foule.

Pourtant, mon voyage en France m’aura fait constater une chose : en tant que femme, je me sens bien au Québec. Mon but n’est pas de dénigrer une culture ou une autre, mais je me sens plus respectée et rarement — voire jamais — je me fais interpeller par des hommes dans la rue dans ma province. À l’étranger, c’est monnaie courante.

Donc aujourd’hui, c’est une petite tape dans le dos que je donne au Québec, car même s’il nous reste du chemin à faire en tant que société, je pense que nous sommes sur la bonne voie. Et c’est pourquoi je pense que maintenant plus que jamais le mouvement féministe a sa place.

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